Opinion
Le "philosophe" casher
Gilad Atzmon

Gilad
Atzmon - Photo: D.R.
Vendredi 17 octobre 2014
Les juifs et la philosophie ont
eu une relation assez compliquée. Le
choc entre le « tribal » et
l’« universel » ou, plus précisément,
entre Jérusalem et Athènes, est
inévitable. Les quelques grands penseurs
juifs qui ont transcendé le tribal, tels
que Spinoza ou Otto Weininger, ont été
persécutés et désignés par les rabbins
comme ayant « la haine de soi » et comme
étant ennemis des juifs.
Des marchands
sionistes contemporains insistent sur le
fait d’habiller leur judéo-centrisme
dans des arguments
crypto-philosophiques. Bernard-Henri
Lévy, par exemple, défend son bellicisme
sioniste en utilisant une terminologie
pseudo-« moraliste ».
Aujourd’hui je suis
tombé sur une diatribe
exceptionnellement banale d’Asa Kasher,
un « philosophe » juif à l’université de
Tel Aviv. Kasher, qui a aussi écrit le
code éthique de l’IDF [IDF = forces
armées israéliennes, NDT], défendait la
conduite des opérations militaires
israéliennes dans la récente campagne à
Gaza dans un article publié dans le
Jewish Review of Books.
Kasher écrit que « le
Hamas viole sans aucun scrupule chaque
loi du livre ». Et je me demande,
quel livre ? J’aimerais savoir, au
moins, quel « livre » accorde le droit à
l’État juif de déplacer une nation
entière au nom d’un retour au foyer
juif ? Y’a-t-il un livre qui permette
aux juifs de faire d’une ville une
prison à ciel ouvert ? Y’a-t-il un livre
qui légitime de réduire Gaza à un tas de
gravats ? J’ai peur que la réponse soit
affirmative. Il y en a plus d’un. Mais
ces livres ne sont pas exactement des
textes philosophiques. Ces livres sont
les principaux textes judaïques. Le
Talmud et l’Ancien Testament sont
remplis de haine du goy et
d’histoires de juifs et de leur Dieu
déversant leur « colère divine sur les
goyim ». Le judaïsme rabbinique a
été historiquement très prudent dans la
façon dont il traitait certains de ces
vers et enseignements ignobles et
barbares. Mais Israël et le sionisme ont
tiré leur inspiration de ces vers
génocidaires, et l’issue est visible
dans le paysage urbain dévasté de Gaza.
Contrairement au
peu de juifs qui ont véritablement
contribué à l’humanité au moyen d’une
introspection (tels que Jésus, Spinoza
et Marx), Kasher préfère désigner le
Hamas. Il dénonce les militants
palestiniens pour avoir lancé des
roquettes sans distinction sur les
villes israéliennes. Je me demande si le
même « Aristote casher » se mettrait en
quatre pour dénoncer des militants juifs
à Auschwitz s’ils avaient eu les
possibilités balistiques de lancer des
roquettes contre Berlin et avaient agi
ainsi.
Au XVIIIe siècle,
dans une tentative remarquable de
formuler un impératif anthropocentrique
et éthique justifié rationnellement,
Emmanuel Kant présenta l’impératif
catégorique : « Agis seulement
d’après la maxime grâce à laquelle tu
peux vouloir, en même temps, qu’elle
devienne une loi universelle. »
Examinons les
pensées de Kasher à la lumière de
l’impératif kantien. Si l’IDF avait
opéré de manière éthique à Gaza, tel que
Kasher le suggère stupidement, alors
toute force militaire devrait suivre la
« loi universelle de l’IDF » : Aplanis
des cités entières, déracine des
nations, assassine des civils innocents
et ainsi de suite. Il est possible qu’un
juif sioniste puisse suivre un
raisonnement bancal comme celui-là.
Kasher demande plus
loin :
« Est-ce que la
présence d’un grand nombre de
non-combattants à proximité d’un
bâtiment qui est directement impliqué
dans des attaques terroristes sur les
Israéliens immunise ce bâtiment contre
des attaques israéliennes ? »
Kasher continue :
« La réponse
est, et doit être, non. Israël ne peut
renoncer à sa capacité à protéger ses
citoyens contre des attaques simplement
parce des terroristes se cachent
derrière des non-combattants. S’il le
faisait, il renoncerait à tout droit à
se défendre. »
Consciemment ou
non, le banal soi-disant « philosophe »
israélien manifeste l’inverse complet
d’une pensée basée sur des principes
philosophiques, éthiques ou universels.
À la place, il fournit un aperçu de
l’ethnocentrisme tribal juif au sein
duquel la « vertu » se définit seulement
par les intérêts juifs.
Dans un rejet total
des conventions internationales et du
jugement éthique, Kasher brouille la
distinction cruciale entre « civils » et
« combattants » et entre l’innocent et
l’acteur.
Le verdict est
évident. Qu’Israël se comporte de
manière immorale à maintes reprises va
sans dire, mais la lecture de Kasher
révèle que l’État juif manque aussi de
notion d’horizon éthique. Même son
autorité académique sur le sujet est
entièrement incompétente.
C’est inquiétant,
mais pas surprenant.
Source :
gilad.co.uk
Traduction E&R
Publié le 18 octobre 2014
Le sommaire de Gilad Atzmon
Les dernières mises à jour

|