Ha'aretz
Le boycott est le seul moyen
pour arrêter l’occupation israélienne
Gideon Levy
Mercredi 11 mai 2016
Gideon Levy – Ha’aretz – 1er
mai 2016
Le rédacteur en chef de Ha’aretz,
Aluf Benn, nous demande de ne pas être
trop enthousiastes à propos des effets
d’un boycott d’Israël (Ha’aretz,
28 avril 2016). Je suis d’accord avec
lui, mais même si nous ne sommes pas
enthousiastes à ce sujet, c’est que nous
n’avons pas d’autre choix que de
reconnaître que ces boycotts,
désinvestissements et sanctions
représentent le seul moyen existant, le
dernier espoir, pour le changement que
Benn veut aussi. C’est le seul moyen
pour empêcher Israël de persister dans
ses crimes. Sa seule alternative, c’est
l’effusion de sang, dont personne ne
veut.
Sanctions et boycott sont les moyens
légitimes les plus non-violents qui
existent (Israël ne cesse de prêcher au
monde de les utiliser contre ses
ennemis) et qui ont fait la preuve de
leur efficacité. Même les gens qui
partagent les réserves de Benn, et je
partage certains de ses doutes, doivent
admettre qu’il ne propose aucune autre
alternative. Sa proposition pour que la
gauche établisse une base pour un
soutien national à ses positions est
sans espoir au regard du bourrage de
crâne, de l’ignorance, de l’aveuglement,
de la dolce vita, de l’absence
d’opposition et de la montée de
l’extrémisme dans la société
israélienne.
Parce que c’est une situation qui est
criminelle et qui ne doit pas être
autorisée à persister, nous ne pouvons
pas ne pas agir, rester à attendre que
l’opinion publique aie la bonne grâce de
changer. Elle ne le fera jamais de son
propre chef, elle n’aura aucune raison
de le faire aussi longtemps qu’elle
n’aura pas à payer pour ses crimes et
qu’elle n’en sera pas punie. Les gens
qui le prétendent sont arrivés à un
nouveau sommet dans le culot israélien :
permettre à la tyrannie, aux sévices et
à l’oppression de se poursuivre au nom
de la démocratie.
Benn commence son article en
décrivant un rêve – que le monde impose
des sanctions à Israël. La vérité c’est
que parfois j’en rêve moi aussi, en une
manifestation du désir primitif de
quelqu’un qui voit les péchés chaque
jour, et qui aspire à voir aussi leur
sanction. Quand un agent de la police
des frontières exécute une femme
enceinte et son frère, prétendant qu’ils
« avaient jeté un couteau », et
que la société baille d’ennui, ce désir
rend conscient qu’il faut réagir et le
punir. Ce n’est pas un désir de
vengeance, mais plutôt un désir de
changement. Benn croit qu’un boycott
amènerait Israël à durcir sa position.
Le passé a montré que c’est le contraire
qui est vrai. Israël a toujours fait ses
rares concessions seulement après avoir
payé un lourd tribut, ou s’être trouvé
face à une menace manifeste.
Il est vrai que la Corée du Nord et
Cuba n’ont pas cédé à des boycotts, mais
ce ne sont pas des démocraties et
l’opinion publique dans ces pays n’a que
peu de poids. Les Israéliens, basés sur
l’expérience du passé, sont beaucoup
plus privilégiés. Fermez l’aéroport
international pendant deux jours et vous
verrez qui est pour la colonie d’Yitzhar ;
exigez un visa pour toute les petites
vacances à l’étranger et vous verrez qui
dira « la terre d’Israël pour le
peuple d’Israël ». Et nous n’avons
même pas commencé à parler des
conditions continues de pénuries et de
crise économique qui forceront Israël à
se demander finalement : tout ceci
est-il vraiment nécessaire pour
satisfaire un appétit de biens
immobiliers, tout ceci est-il vraiment
nécessaire pour le caprice de
l’occupation, sont-ils prêts à payer de
leur propre poche et de leur mode de vie
pour des régions du pays que la plupart
d’entre eux n’ont jamais vues et dans le
sort desquelles ils n’ont aucun
intérêt ?
La première réponse au boycott sera
celle que décrit Benn : Masada, se
coaliser, prendre une ligne plus dure.
Mais en un clin d’œil, les questions
vont commencer à monter, suivies de
protestations. Les Israéliens de 2016 ne
sont pas bâtis pour vivre à Sparte, pas
même à Cuba, pour circuler dans des
voitures des années 1950, pour faire de
longues queues pour avoir de la viande,
tout cela pour garder la colonie d’Esh
Kadosh en vie. Ils vont vendre Elkana
pour garder Varna, et c’est une bonne
chose. Et si cela laisse Elkana dans un
unique État démocratique, ce sera mieux
encore. Marwan Barghouti comme Premier
ministre d’un gouvernement démocratique,
ça ne me fait pas peur, Benn.
BDS n’a pas encore commencé à
effleurer nos vies ici. En attendant, il
n’y a pas de véritable guerre
économique, simplement des mouvements
qui font que, petit à petit, le discours
international est en train de changer à
propos d’Israël. Sur les bords, il y a
peut-être quelques rares éléments
d’antisémitisme, mais, fondamentalement,
c’est un mouvement de protestation, par
des gens de conscience qui veulent faire
quelque chose. Un déclin économique en
conséquence de cela pourrait se produire
rapidement, pas nécessairement de façon
progressive. En Afrique du Sud, la
communauté des affaires est venue voir
le gouvernement et lui a dit : cela
suffit, cela ne peut pas continuer. Cela
pourrait aussi se produire comme cela
ici. Cela m’imprègne vraiment d’un grand
espoir, Benn, je ne vois pas d’autre
alternative.
Traduction : JPP pour l’Agence Média
Palestine
Source:
http://www.haaretz.com/opinion/.premium-1.717090
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