Chronique
Le temps des réprimandes
Chérif Abdedaïm
© Chérif
Abdedaïm
Mercredi 24 février 2016
Alors que les forces loyalistes
continuent leur inexorable avancée en
Syrie, que l’armée syrienne et les YPG
kurdes semblent collaborer sous les
auspices de Moscou pour reprendre le
nord du pays et que la stratégie de
Poutine est validée, le camp des futurs
vaincus commence à s’entredéchirer. Les
médias occidentaux perdent les pédales
(l’oscar de la crétinerie russophobe
revenant cette fois à la BBC), les
perroquets pétromonarchiques caquettent
leur désir d’intervention sans
intervenir et Erdogan, furieux, pète une
veinule en exigeant des Etats-Unis
qu’ils choisissent entre la Turquie et
les Kurdes.
Pour être honnête,
il n’a en l’occurrence pas tout à fait
tort. Les Américains sont pris dans un
imbroglio d’alliances totalement
contradictoires que la crise syrienne
fait passer au révélateur. Poutine a
placé Obama exactement où il le voulait
: face à ses incohérences. Le roi est nu
et chacun s’en rend compte.
C’est dans ce
contexte qu’a eu lieu un événement très
intéressant, donc passé sous silence
dans les médias officiels. En marge
d’une conférence sur la Syrie, Kerry a
assez vertement blâmé l’opposition (=
rebelles modérés et surtout immodérés)
pour avoir refusé de prendre part aux
négociations de Genève après en avoir
reçu l’ordre des Saoudiens. Extraits :
« Ne me critiquez
pas, critiquez votre opposition ! Elle
ne voulait pas négocier, ne voulait pas
de cessez-le-feu et est partie. Nous
nous attendons maintenant à trois mois
supplémentaires de bombardements qui
vont décimer la rébellion. Que
voulez-vous que j’y fasse ? Entrer en
guerre contre la Russie ? »
On sent
l’administration américaine assez
désespérée devant la tournure des
événements et prête à jeter l’éponge…
Juste après le sabotage des négociations
par Riyad, la maison des Seoud a fait
son offre clownesque d’intervenir
militairement en Syrie. Comme l’écrit le
toujours excellent Moon of Alabama :
« Personne ne prend
cette offre au sérieux. Les troupes
saoudiennes qui tentent d’envahir le
Yémen en prennent déjà pour leur grade.
Les Saoudiens eux-mêmes avouent qu’ils
ont dû fermer 500 écoles, évacuer 12
villages et 7 000 personnes car,
maintenant, les Yéménites les
envahissent. L’armée saoudienne possède
beaucoup de beaux jouets coûteux mais ne
sait clairement pas s’en servir. » Tout
est dit.
A noter d’ailleurs
en passant qu’un missile Tochka lancé
par les rebelles yéménites a
vraisemblablement tué une centaine de
soldats saoudiens et émiratis à Marib,
projetant une lumière crue sur
l’incapacité totale des
pétromonarchiques à sortir du bourbier
dans lequel ils se sont eux-mêmes
imprudemment placés. Alors une
intervention en Syrie ?… Quelle blague !
Turcs bloqués,
Saoudiens impuissants, Américains prêts
à jeter l’éponge. La victoire de Damas
et de ses alliés russe, iranien et
hezbollahi dans la moitié occidentale du
pays, la « Syrie utile », semble
désormais inévitable même si le
nettoyage des poches de résistance
prendra encore du temps. Restera alors
l’Etat Islamique. C’est là que se jouera
une partie de l’avenir du Moyen-Orient
et chacun fourbit déjà ses armes…
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