Chronique de
Palestine
La traînée sanglante d’Israël en
Amérique Latine
Belen Fernandez
De 1960 à 1996, la terrible répression
qui a sévit au Guatemala et à laquelle
Israël a largemen
contribué a fait
environ 250 000 morts ou disparus, la
majeure partie de la violence ayant été
infligée aux communautés autochtones
rurales. Au moins 1 million de personnes
ont été déplacées
à l'intérieur du pays
- Photo : Archives
Jeudi 30 avril 2020 Israël a
toujours soutenu les gouvernements les
plus répressifs de la région pour
étouffer les mouvements et soulèvements
indigènes.
Selon un
article de presse mexicain publié en
mai, l’armée israélienne commencera à
former les forces de police dans l’État
du Chiapas, dans le sud-est du Mexique,
où est basée l’armée de libération
nationale zapatiste à prédominance
indigène.
Yaron Yugman,
représentant du ministère israélien de
la Défense au Mexique, au Honduras et en
République dominicaine, est cité comme
affirmant que « la sécurité d’un pays
est fondamentale pour sa croissance » et
que les droits de l’homme seraient l’un
des axes de l’instruction militaire.
Bien sûr, la
« sécurité » et la « croissance » ne
sont pas des luxes généralement destinés
aux groupes autochtones nationaux. Un
article publié en mai dans
The Electronic Intifada rappelle les
conséquences du soulèvement zapatiste de
1994, qui a coïncidé avec l’inauguration
de l’Accord de libre-échange
nord-américain :
« Le gouvernement
mexicain a dû répondre aux diktats des
investisseurs étrangers, comme l’a
révélé un
mémo célèbre de la Chase-Manhattan Bank
: ‘Bien que le Chiapas, à notre avis, ne
constitue pas une menace fondamentale
pour la stabilité politique mexicaine,
il doit être perçu comme tel et le
gouvernement devra éliminer les
zapatistes pour prouver son contrôle
effectif du territoire national et de la
politique de sécurité’. »
En ce qui concerne
la prétendue « concentration » sur les
droits de l’homme, l’expertise d’Israël
en matière d’oppression des populations
autochtones et d’atteinte à la dignité
se trouve être nettement plus
commercialisable…
L’ambassade
d’Israël au Mexique aurait nié les
machinations militaires dans le sud-est,
mais même Fox News Latino n’est pas
convaincu :
« Le refus de
l’ambassade d’Israël de reconnaître que
son gouvernement travaille au Chiapas
est déroutant, étant donné la longue
histoire que le gouvernement israélien a
de travailler avec le Mexique. Depuis le
début des années 70, le gouvernement
mexicain a acheté des avions, des
hélicoptères, des bateaux
lance-missiles, des armes légères et
d’autres armes, soit à l’armée
israélienne, soit à des entrepreneurs
militaires israéliens. »
Contributions au
génocide
Les Mayas indigènes
du Mexique ne sont pas le seul groupe à
se retrouver dans le viseur de l’arsenal
israélien.
Dans un courriel
qui m’avait été adressé, l’auteur et
historien de renom Greg Grandin a décrit
un épisode précédent d’une telle
intervention régionale de
« bienfaisance » :
« Au Guatemala
[dans la guerre civile], Israël,
agissant au nom de l’administration
Reagan, est intervenu pour fournir du
matériel militaire – dont des
hélicoptères et des fusils Galil – et
une formation qui avait été interrompue
pendant la précédente administration
Carter. Israël a également fourni [le
régime guatémaltèque avec] des
ordinateurs, des logiciels et d’autres
équipements utilisés pour la
surveillance. C’était au plus fort du
génocide, qui a finalement fait 200 000
morts, dont de nombreux Mayas. »
Le journaliste
d’investigation Jeremy Bigwood, qui en
tant que photojournaliste a couvert les
guerres civiles latino-américaines dans
les années 1980 et 1990, a confirmé que
les Israéliens avaient « trempé
jusqu’aux oreilles dans le génocide » au
Guatemala. Il a déclaré que les
Israéliens avaient fourni aux militaires
des avions Arava STOL et des véhicules
blindés de transport de troupes, et
établi une usine de munitions dans la
ville de Coban.
Bigwood a ajouté:
« Les Israéliens ont utilisé une capture
des communications téléphonique –
similaire à ce que la NSA fait
actuellement – et ont réussi à détruire
complètement les réseaux de guérilleros
urbains guatémaltèques. Ils ont fourni
aussi une assistance dans les campagnes
en cartographiant chaque ferme familiale
et en marquant les opinions politiques
de ses habitants. »
Un rapport de 2012
intitulé
Israël’s Worldwide Role in Repression
rédigé par
International Jewish Anti-Sionist
Network note que la vaste expérience
d’Israël dans le déplacement forcé des
Palestiniens a permis à l’État d’aider à
la planification et à la mise en œuvre
de politiques de la « terre brûlée » au
Guatemala et au Salvador.
Selon le rapport,
les opérations guatémaltèques « ont été
combinées avec des ‘pôles de
développement’ – des villages où sont
concentrées des populations déplacées et
qui ont permis un plus grand contrôle
gouvernemental sur le mouvement
populaire et la répression de toute
organisation populaire ».
En revenant plus
loin dans le temps, un article de 1986 du
Middle East Research and Information
Project cite un ancien membre du
comité des affaires étrangères de la
Knesset qui défend l’implication
israélienne au Guatemala : « Israël est
un État paria. Quand les gens nous
demandent quelque chose, nous ne pouvons
pas nous permettre de poser des
questions sur l’idéologie. Le seul type
de régime qu’Israël n’aiderait pas
serait celui qui est anti-américain ».
Du laboratoire
palestinien à la « piste terroriste »
israélienne
Un avantage à être
forcé de se conformer « [quand] les gens
nous demandent quelque chose »,
évidemment, est que des profits
considérables accompagnent les ventes
d’armes.
En ce qui concerne
la présumée position de paria
d’Israël, ceci est apparemment contredit
par l’article de Bigwood de 2003 pour Al
Jazeera,
Israel’s Latin American trail of terror
[la piste terroriste latino-américaine
d’Israël], dans lequel il énumère les
pays de la région où Israël a fourni,
formé et conseillé des groupes et des
régimes d’extrême-droite: l’Argentine,
la Bolivie, le Brésil, la Colombie, le
Costa Rica, la République dominicaine,
l’Équateur, le Salvador, le Guatemala,
Haïti, le Honduras, le Nicaragua, le
Panama, le Paraguay, le Pérou et le
Venezuela. Voilà ce qu’il en est du
statut de paria…
L’aspect
négligeable de l’idéologie est confirmé
dans l’article de Bigwood par le soutien
d’Israël à la
guerre sale de la junte militaire
argentine de 1976-1983 – qui a été
caractérisée par des disparitions
forcées massives et un usage généralisée
de la torture – malgré, comme le note
Bigwood, l’orientation antisémite de la
junte. Un chevauchement idéologique est
cependant observé dans le cas de la
Colombie, où le président Juan Manuel
Santos n’est pas seulement apparu dans
une
vidéo promotionnelle pour une
société de sécurité privée israélienne,
mais a également annoncé : « Nous avons
même été accusés d’être les Israélites
[sic ] d’Amérique latine, ce qui me rend
personnellement très fier. »
A part d’attester
la maladresse de Santos, cette
déclaration est particulièrement
pertinente étant donné que Carlos
Castano – le fondateur du
paramilitarisme colombien moderne – a
été formé en Israël et a reconnu avoir
copié le concept paramilitaire des
Israéliens.
Le passe-temps de
prédilection d’Israël – la punition
collective – s’est, semble-t-il, révélé
particulièrement instructif. Bien que
officiellement dissous, les
paramilitaires colombiens continuent de
terroriser les populations civiles,
souvent de concert avec les militaires –
eux-mêmes célèbres pour avoir
massacré des civils et déguisé les
cadavres en guérilleros
antigouvernementaux. L’un des principaux
objectifs de ce terrorisme à grande
échelle est de vider la terre des
groupes autochtones, des campesinos
et autres personnes dont l’existence
entrave la bonne exploitation des
ressources.
Au Chiapas, dans le
même temps, le mouvement indigène a,
avec vigueur, mis en péril le
déploiement du néolibéralisme. L’article
d’Electronic
Intifada explique: « Les Zapatistes
ont repris de vastes étendues de terres
[du gouvernement] sur lesquelles ils ont
depuis construit des coopératives de
subsistance, des écoles autonomes, des
cliniques collectivisées et d’autres
structures communautaires
démocratiques. »
John Collins,
président du Département des études
mondiales à l’Université St Lawrence de
New York, décrit la collaboration
militaire israélienne avec le
gouvernement mexicain du Chiapas comme
« une preuve supplémentaire de la façon
dont les outils de surveillance et de
répression testés sur le terrain chez
les Palestiniens sont utilisés à travers
le monde », citant l’appréciation
de l’anthropologue israélien Jeff Halper
selon laquelle « [l]’économie
israélienne est basée sur l’exportation
de l’occupation [de la Palestine] ».
Bien qu’Israël
puisse affirmer que « la sécurité d’un
pays est fondamentale pour sa
croissance », le fait est que c’est
l’insécurité mondiale qui est
fondamentale pour la croissance
d’Israël.
* Belen
Fernandez est l’auteur de
The Imperial Messenger: Thomas Friedman
at Work, publié par Verso. Elle est
rédactrice en chef du
Jacobin Magazine.
Il est possible de la suivre sur Twitter:
@MariaBelen_Fdez
7 juillet 2013 –
Al-Jazeera – Traduction :
Chronique de Palestine
Le dossier Amérique latine
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