Justice ?
Justice d'exception dans l'affaire
Tariq Ramadan
Atique Janjua
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Reuteurs
Vendredi 16 février 2018
La justice d’exception devient-elle la
règle à l’endroit des personnes
publiques de confession musulmane ? La
procédure judiciaire mise en œuvre
contre l’islamologue Tariq Ramadan
semble le démontrer : l’égalité devant
la loi, ce n’est pas toujours l’égalité
devant le juge.
La justice d’exception devient-elle la
règle à l’endroit des personnes
publiques de confession musulmane ?
La procédure
judiciaire mise en œuvre contre
l’islamologue Tariq Ramadan semble le
démontrer.
L’égalité devant la
loi, ce n’est pas toujours l’égalité
devant le juge.
Cette affaire pose
des questionnements sur la manière dont
la procédure pénale est pilotée jusqu’à
présent par les hautes instances.
En effet, alors
qu’il s’agirait de deux viols qui se
seraient produits en 2009 et en 2012,
ceux ne sont pas moins de trois juges
d’instruction qui ont été sommés de se
pencher sur ce dossier.
Le nombre important
de magistrats est étonnant pour des
faits plutôt classiques. En effet, le
plus souvent seul un juge d'instruction
unique est désigné pour des
affaires criminelles plus lourdes
impliquant des réseaux entiers de
délinquants et des dizaines de suspects.
Il y’aurait, donc,
besoin d’autant de juges pour sonder les
reins de Tariq Ramadan ?
Le plus curieux est
que la mise sous écrou de l’islamologue,
fermement appelée de ses vœux par le
Procureur de la République à l’issue de
la garde à vue et ordonnée par le Juge
des Libertés et de la Détention quelques
jours plus tard semble avoir pour motif
principal des intérêts extérieurs à
l’article 144 du code de procédure
pénal.
Cette disposition
procédurale, bien connue des juristes,
prévoit que l’embastillement d’une
personne ne peut avoir lieu qu’en
dernier recours et si aucune autre
mesure ne peut être appliquée pour
atteindre le même but.
Ce n’est donc
qu’avec une impossibilité d’assigner le
mis en cause à résidence ou encore de le
placer sous surveillance judiciaire par
d’innombrables procédés, que les juges
peuvent ordonner, in extremis, la
détention provisoire d’une personne
puisqu’elle est censée bénéficier,
encore à ce stade de la procédure, de la
sacro-sainte présomption d’innocence.
Ainsi, la mise sous
écrou de Tariq Ramadan ne peut
s’expliquer que par la volonté de
suppléer la carence probatoire des
plaignantes : puisque les preuves
fournies par le clan des anti-ramadan se
révèlent insuffisantes, peut être
vaut-il mieux courtiser et provoquer
d’autres témoignages, quitte à racler
les fonds de tiroir ?
C’est dire le
niveau de dévoiement juridique et à
peine masqué de la procédure de
détention provisoire qui est, ici,
illégalement employée.
C’est sans doute
pourquoi, le jeudi 15 février, la
Chambre de l’Instruction de Cour d’appel
de Paris a préféré ne pas donner de
suites immédiates à l’appel interjeté
par Tariq Ramadan du fond de sa cellule.
Pour éviter de
juger si les conditions légales de la
détention étaient réunies, les juges ont
ordonné une expertise pour que des
médecins disent si l'islamologue peut
être maintenu en détention.
C’est, donc, par
une non-décision et par le renvoi de
l’affaire au milieu médical que s’est
suspendu l’instance d’appel.
Il vaut, donc, mieux
que les médecins jugent ?
Il faut aussi noter
le côté cocasse de ce dossier, puisque
face à cette sévérité appliquée au
détenu, les services de polices, eux,
ont littéralement égaré pendant
plusieurs mois la preuve d’un billet
d’avion venant aux soutiens des droits
de la défense, et ce sans que la
chancellerie ne trouve rien à redire à
ce grave dysfonctionnement sinon que :
c’est au juge de vérifier.
Ainsi, le Ministère
de la justice renvoie cette affaire aux
juges, et les juges renvoient Tariq
Ramadan aux médecins!
Dans ces conditions
qui pourrait croire que la perte
opportune d’une pièce importante qui
desservait, alors, la thèse du Procureur
de la République et qui aurait pu mettre
à mal toute détention avant jugement du
mis en cause, n’ait pas été le fruit
d’une main invisible, alors que
parallèlement la détention obtenue
ainsi, se prolonge, et que les juges ne
semblent plus vraiment vouloir juger
l’homme ?
Il faut croire que
la polémique autour de cette détention
ne se terminera pas et qu’elle a quelque
chose de particulier et d’intimement
politique: enfermer Tariq Ramadan, c’est
peut être pour certains, enferrer ses
idées.
Si la loi
républicaine est, en théorie, celle qui
s’applique à tout individu quelque soit
son origine ou sa religion,
l’interprétation qui en est faite à
l’égard de l'islamologue démontrerait un
lent dévoiement de la procédure pénale
au profit d’intérêts non judiciaires.
Comment expliquer
que de nombreuses personnalités
publiques mise en cause dans des
affaires de même nature ne soient pas
traitées de la même manière?
L'explication
réside, en partie, dans le mouvement de
sévérité et de suspicion qui pérennise
pas à pas des pratiques d’exception
opposées aux citoyens musulmans et en
particulier lorsqu'ils disposent d'une
envergure publique.
Pour s'en
convaincre, faut-il rappeler que c’est
cette même procédure pénale, pourtant
protectrice des droits, qui a permis à
des officiers de la police républicaine
et sous la clameur publique née de
l’émotion des attentats des 7 et 9
janvier 2015, d’enfermer un enfant de
confession musulmane de 8 ans pour une
phrase prononcée dans une école
élémentaire ?
ATIQUE JANJUA
Avocat au Barreau
de Pariss
Paris - France
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