Analyse
Avion iranien abattu par les États-Unis,
avion ukrainien abattu par l’Iran:
quelques réalités
Antoine Charpentier
Jeudi 16 janvier 2020
Le 3 juillet 1988,
le croiseur américain USS Vincennes a
abattu l’Airbus iranien A300B2, vol 655.
Cette tragédie a coûté la vie à 290
civils iraniens. D’après le rapport
officiel des États-Unis, l’équipage du
navire a mal identifié l’Airbus civil et
l’avait confondu avec un chasseur F-14
Tomcat de l’armée de l’air iranienne.
Cependant, le contexte était plus
complexe que ce que prétend le rapport
en question. En 1988 la situation était
très tendue entre les États-Unis et
l’Iran dans le Golfe sur fond de guerre
qui s’éternisait entre l’Irak et l’Iran.
L’expert militaire russe Louri Liamine a
déclaré à Sputnik que les américains :
«L'ont fait sciemment. Ils voulaient
montrer à l'Iran qu'ils abattraient
tout, même des avions civils, s'ils les
considéraient comme une menace pour
leurs navires. C'était un autre élément
de pression par la force». Par
conséquent, la volonté des américains
était de mettre la pression sur l’Iran,
en plus de la guerre avec l’Irak qui
leur était imposée.
Il est certain
qu’une erreur n’est pas inévitable,
malgré la performance technologique très
avancée que détenaient les États-Unis.
Cependant, la théorie de l’erreur pointe
tout simplement un manque de
professionnalisme des militaires
américains ainsi que de leur
commandement. Il convient de préciser
qu’en cas de doute, un chasseur décolle
afin de s’approcher de l’appareil en
question, pour avoir un contact visuel,
puis il entre en contact avec les
pilotes sur les fréquences
internationales. Les américains n’ont
appliqué aucune de ces procédures et ont
contacté les pilotes de l’avion iranien
sur les fréquences militaires, qu’ils ne
possédaient pas. De surcroît, les
Américains n’ont jamais reconnu leur
faute d’abattre un avion civil avec à
son bord 290 personnes dont 66 enfants.
Au contraire ils ont récompensé les
marins concernés par cette frappe au
lieu de les sanctionner. La provocation
américaine envers l’Iran battait son
plein déjà à l’époque. Le président
Ronald Reagan est allé jusqu’à qualifier
l’assassinat de 290 personnes civils
«D’action défensive nécessaire»
.Toutefois, la question suivante se
pose : «En quoi cet avion civil a menacé
les intérêts vitaux des États-Unis ?» ce
n’est qu’en 1996 et face à la plainte de
l’Iran contre les États-Unis à la cour
internationale de justice, que cette
dernière a accepté de verser 62 millions
de dollars aux familles des défunts, et
en contrepartie l’Iran retirait sa
plainte.
Le 8 janvier 2020,
l’armée iranienne a abattu par erreur un
avion civil Boeing 737-800 à l’approche
de l’aéroport international Imam
Khomeini de Téhéran. L’avion en question
a fait un demi-tour peu après son
décollage pour Kiev à cause d’un
problème technique. Le contexte tendu
entre l’Iran et les États-Unis,
l’assassinat quelques jours avant du
général Qassem Soleimani, les menaces de
Donald Trump de frapper plusieurs sites
en Iran, la riposte de cette dernière la
nuit même du drame, tirant des missiles
depuis son territoire sur les deux plus
grandes bases militaires américaines en
Irak- Ain Al-Assad et Erbil- en
représailles de l’assassinat de Qassem
Soleimani, ont abouti à cette
catastrophe aérienne.
Cependant, le
leader de la révolution islamique,
sayyed Ali Khamenei ainsi que le
président Hassan Rohani et les
différentes autorités iraniennes
concernées ont vite ouvert une enquête
afin de comprendre la nature de ce
drame. Lorsqu’ils ont compris que
l’erreur venait de leur armée, ils ne se
sont pas cachés, au contraire ils ont
assumé leur entière responsabilité,
exprimant des excuses publiques,
promettant de faire le nécessaire.
Nous remarquons la
différence de ton et de posture entre
les Américains et les Iraniens à propos
de faits similaires. Pendant que les
américains fuyaient leurs
responsabilités, décoraient leurs
militaires au nom de ce qu’ils nommaient
une «Action défensive nécessaire»,
l’Iran par la voix de son président
Hassan Rohani, promet de faire la
lumière sur cet incident, de rendre
justice aux familles des victimes, tout
en s’excusant auprès des pays concernés
par cette tragédie. Qu’il en déplaise à
certains, les principes éthiques et
morales qu’applique l’Iran, ses
tentatives permanentes d’adopter une
posture juste et au plus proche de la
réalité, avec un discours cohérent
concordant avec ses attitudes, dénotent
fortement avec ce à quoi le camp
occidental, notamment les États-Unis,
nous a habitué. L’arrogance, le complexe
de supériorité, la volonté de soumettre
les autres, la pensée impérialiste ne
semble pas faire partie de la pensée
politique iranienne. Par son attitude et
son comportement, l’Iran apporte un
élément nouveau aux relations
internationales. Il convient de préciser
que l’alternative religieuse et
spirituelle qu’adopte l’Iran influence
fortement le comportement de cette
dernière.
Enfin, plusieurs
pays ont proposé leurs services afin
d’aider l’Iran dans son enquête ainsi
que dans l’analyse des boîtes noirs. La
France est un de ces pays qui détient
une technologie pouvant aider l’Iran
dans son enquête. Ceci peut être
également une nouvelle occasion pour
rétablir un contact entre la France et
l’Iran loin de toute hégémonie
américaine.
Reçu d'Antoine Charpentier pour
publication
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