Opinion
La crise en Ukraine et
les mensonges politiques des médias
Alex Lantier
Jeudi 1er mai 2014
Tandis que
l’administration Obama et ses alliés
intensifient leurs menaces contre la
Russie concernant la crise en Ukraine,
les médias américains jouent leur rôle
attitré de propagandistes.
Il n’existe aucune
voix dissidente dans les médias de
masse. Les journaux et les bulletins de
nouvelles à la télévision sont remplis
de mensonges, de propagande anti-russe
et, au cas où la crise s’exacerberait
pour échapper à tout contrôle, d’excuses
pour la guerre.
Le New York
Times, le «journal de référence»,
donne le ton pour tous les médias. Le
Times se vante d’avoir 12
journalistes en Ukraine, mais il ne
fournit aucun reportage sérieux sur ce
qui se passe là-bas. C’est d’autant plus
significatif étant donné les
implications hors du commun d’un conflit
majeur entre les États-Unis et la Russie
qui pourrait rapidement devenir la
première guerre entre des puissances
nucléaires de toute l’histoire mondiale.
Lors des deux
dernières semaines, le Times
s’est fait prendre dans une série de
mensonges. La semaine dernière, il a
publié un article en page couverture qui
était parsemé de photos obtenues du
département d’État et du gouvernement
ukrainien appuyé par les États-Unis. Ces
photos devaient prétendument montrer que
des Forces spéciales russes sont en
train de coordonner les manifestations
dans l’est de l’Ukraine.
Il fut rapidement
démontré, incluant par le
WSWS, que le reportage du Times
était une supercherie. Il ne fallait
qu’une recherche rapide sur Internet
pour montrer que les soi-disant preuves
avaient été trafiquées ou fabriquées.
Des aveux selon lesquels une
«controverse» entourait les photos (pour
limiter les dégâts et dissimuler les
faits) ont par la suite été enfouis
profondément dans les pages du Times.
Loin d’avoir appris
sa leçon après ces révélations, le
Times est rapidement passé à la
prochaine tâche que lui avait confiée le
département d'État: un article de page
couverture publié dimanche alléguant que
le président russe Vladimir Poutine a
une fortune secrète qui se situe entre
40 et 70 milliards de dollars. Le
Times admet, dans son propre
article, que ces allégations sont faites
de «rumeurs et de spéculations» et
qu'elles contiennent «très peu sinon pas
de preuves». Cela ne l'a pas empêché
d'essayer de donner une légitimité à ces
ragots en les élevant au statut de
«nouvelles» importantes.
Les dernières pages
du journal sont des chroniques faites
par différents journalistes et reflètent
les réflexions généralement stupides de
l'une ou l'autre des factions de
l'appareil d'État. Dimanche, c'était au
tour de Thomas Friedman, bien connu pour
avoir appuyé la guerre contre l'Irak en
2003 et s'être vanté qu'il ne voyait
«aucun problème avec une guerre pour le
pétrole».
Cherchant
apparemment à expliquer la crise
ukrainienne aux lecteurs du Times,
Friedman écrit: «Très simplement, une
majorité d'Ukrainiens sont devenus fous
de rage en voyant le jeu qu'on leur
impose: servir de figurants dans la
sphère d'influence de Poutine, pour que
la Russie puisse continuer à se sentir
comme une grande puissance... Après une
révolution de la base à Maïdan... les
Ukrainiens sont en train de faire
respecter leur propre sphère
d'influence, un désir de faire partie de
l'Union européenne.»
Friedman ne
mentionne pas que le gouvernement de
Kiev, dont il fait l'éloge pour sa
prétendue lutte pour la liberté
individuelle, est un régime fantoche non
élu et que la «révolution de la base»
fut menée par des fascistes qui
travaillent avec les États-Unis et
l'Allemagne.
Tout ce qui est en
lien avec l'histoire, les forces
politiques et sociales, les programmes
politiques, d'abord et avant tout celui
des États-Unis, n'est jamais mentionné,
même au passage. Plutôt, nous avons une
nouvelle fois le portrait d'un chef
d'État étranger qui serait le diable
incarné et dont l'impérialisme américain
veut se débarrasser.
Le lien puissant
qui unissait l'Ukraine et la Russie
suite à la révolution bolchévique de
1917 qui avait renversé le régime
tsariste et avait ouvert la voie à la
libération des masses opprimées; la
lutte héroïque de l'Armée rouge pour
libérer l'Ukraine de l'emprise
meurtrière du fascisme allemand pendant
la Seconde Guerre mondiale; les
conséquences catastrophiques de la
dissolution de l'Union soviétique,
l'acte final de la trahison stalinienne
de la Révolution d'octobre: ces
questions sont lettre morte auprès de
ces laquais ignorants, complaisants,
mais très bien payés, de la classe
dirigeante américaine.
La pratique du
Times est reproduite par tous les
journaux et les chaînes de télévision
d’importance. Si l’on se fie à la
couverture des médias américains, on ne
soupçonnerait jamais que le nouveau
gouvernement à Kiev est composé
d'individus provenant du parti Svoboda
antisémite, qui fut condamné en 2012 par
un vote au Parlement de l'Union
européenne. On ne soupçonnerait pas non
plus que la milice du Secteur droit et
le parti Svoboda glorifient le
collaborateur nazi Stepan Bandera, dont
l'Organisation de nationalistes
ukrainiens a participé à l'holocauste
des Juifs ukrainiens.
Le fait que les
États-Unis ont agressivement appuyé la
répression de l'est de l'Ukraine (le
directeur de la CIA John Brennan s’est
lui-même rendu à Kiev) est dissimulé.
L'appel téléphonique, qui a été
divulgué, entre la responsable du
département d'État américain, Victoria
Nuland, et l'ambassadeur américain en
Ukraine, Geoffrey Pyatt, n'est jamais
mentionné. Dans cet appel, qui a eu lieu
avant le coup d'État, Nuland et Pyatt
discutaient entre eux de qui devait être
installé au poste de premier ministre de
l’Ukraine.
Les médias masquent
les contradictions criantes dans la
présentation officielle de la crise en
Ukraine. Avant la guerre des États-Unis
contre l'Irak en 2003, Washington
dénonçait le président irakien Saddam
Hussein pour avoir «tué des gens de son
propre peuple». L'impérialisme américain
a attaqué la Libye en 2011, prétendant
qu'il empêcherait la répression
imminente par Kadhafi des manifestants
de la ville rebelle de Benghazi.
L'administration Obama a déclaré que le
président syrien Bashar Al-Assad était
inapte à gouverner parce qu'il avait
déchaîné la police et l'armée contre des
manifestants. L'argumentaire officiel
pour appuyer le coup d'État contre le
président ukrainien élu, Viktor
Ianoukovitch, était que le gouvernement
de Ianoukovitch n’avait plus aucune
légitimité après avoir attaqué les
manifestants de la place Maïden.
Mais Washington
sort maintenant le fouet et exige que
ses marionnettes à Kiev se mettent au
travail et répriment dans le sang le
soulèvement à l'est. Au même moment, il
qualifie de crime contre la civilisation
les menaces d’intervention de la Russie
pour protéger les Ukrainiens russophones
de la violence d'État.
Aux États-Unis, les
médias ont subi une longue
dégénérescence. À l'époque de la guerre
du Vietnam, des voix dissidentes dans
les médias ont joué un rôle pour porter
la réalité brutale de la guerre à
l'attention du public américain. En
1971, le Times et le
Washington Post ont publié les
«papiers du Pentagone» qui ont permis de
démontrer les mensonges utilisés pour
amener le peuple américain en guerre
dans le Sud-Est asiatique.
La classe
dirigeante a décidé qu’il ne faudrait
plus que cela survienne. L'armée et les
services de renseignement ont rapidement
pris en main les médias de la grande
entreprise. Même la prétention
d'indépendance vis-à-vis de l'État a été
abandonnée. Les médias ont joué un rôle
de plus en plus éhonté dans une
intervention militaire après l'autre: la
première guerre en Irak, le démembrement
de la Yougoslavie, la guerre aérienne
«humanitaire» contre la Serbie.
Le dernier clou
dans le cercueil de tout ce qui pouvait
ressembler à des médias indépendants est
survenu avec le 11-Septembre et la
«guerre contre le terrorisme». Cela est
reflété par les journalistes «intégrés»
dans les invasions de l'Afghanistan et
de l'Irak et dans la propagande éhontée
en appui à des guerres de changement de
régime en Libye et en Syrie.
Aujourd'hui, les
principaux journaux admettent qu'ils
envoient des articles à des responsables
du gouvernement avant leur publication.
Cette pratique serait qualifiée de
censure d'État dans d'autres contextes.
Les commentateurs des médias et les
chroniqueurs se font un devoir de
soutenir la chasse aux sorcières contre
les dénonciateurs comme Edward Snowden
et Julian Assange.
Le fait que toute
la politique étrangère de l'élite
économique et financière est construite
sur un édifice de mensonges qui ne
peuvent passer le test du moindre examen
est un signe de faiblesse et non de
force. Un vaste gouffre sépare la classe
ouvrière des guerriers belliqueux de la
classe dirigeante américaine et de leurs
laquais dans les médias.
Une opposition,
basée dans la classe ouvrière, va
émerger en dehors de tout ce système
corrompu. L'une des principales tâches
d'un mouvement de la classe ouvrière
contre la guerre sera de poursuivre en
justice les propagandistes de guerre qui
dominent les médias.
(Article original
paru le 28 avril 2014)
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Publié le 1er mai 2014 avec l'aimable
autorisation du WSWS
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