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Un leurre
appelé retrait
Rania Adel
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Palestine . Un an après le retrait israélien unilatéral de
la bande de Gaza, le bilan est peu glorieux. Les situations
humanitaire, économique et politique dans ce territoire n’ont
fait que s’aggraver et l’occupation n’a pas réellement pris
fin.
15 août 2005, début de l’évacuation israélienne
des colonies de la bande de Gaza. C’est la liesse parmi les
Palestiniens. Le retrait est considéré comme une victoire de la
résistance islamique. Un an plus tard, la réalité s’est avérée
amère. Le retrait israélien unilatéral ne visait jamais à
mettre fin à l’occupation. Ce n’était qu’une simple mise
en scène pour donner l’impression que l’Etat hébreu optait
pour la paix. En réalité, il cherchait à réorganiser son
extension en se concentrant sur la Cisjordanie, qui représente un
enjeu pour l’entité sioniste et qui lui est plus important que
la bande de Gaza dont la densité de la population est l’une des
plus fortes au monde. « La situation actuelle à Gaza est une
situation d’occupation contre laquelle nous avons toujours mis
en garde. Aujourd’hui, la bande de Gaza s’est muée en une véritable
prison pour un million et demi de Palestiniens. Israël contrôle
les terminaux et il ne nous est permis de faire passer les médicaments
et la nourriture qu’après une acceptation israélienne »,
souligne Mohamad Sobeih, représentant de la Palestine à la Ligue
arabe. Israël a, en effet, maintenu son contrôle sur l’espace
aérien, les eaux territoriales de l’enclave et le trafic de
marchandises. Il supervise aussi les mouvements de population de
et vers la bande de Gaza. Le bouclage de Gaza, mis en place en
mars dernier, est total. Le seul point de passage vers l’extérieur,
le terminal de Rafah situé dans le sud, est fermé de façon
presque permanente.
Selon M. Sobeih, Gaza est retourné vingt ans
en arrière : la vie est paralysée notamment avec la destruction
de la centrale électrique, les maisons et les ponts sont détruits,
et les assassinats continuent en dépit de la trêve déclarée
par les différentes factions palestiniennes. « Tout en faisant
croire au monde entier qu’il veut la paix, Israël applique la
pire des occupations et poursuit ses actes qui sont, au vrai sens
du terme, une violation de la convention de Genève. Si l’Etat hébreu
s’est retiré de la bande de Gaza, le travail de judaïsation de
Jérusalem et de construction du mur de séparation bat son plein
», assure M. Sobeih.
C’est aussi l’avis de l’avocat Younès
Al-Jarou. « Israël a dépeint ce retrait comme le recouvrement
par les Palestiniens de leur liberté et de leur indépendance,
mais depuis le premier jour, la bande de Gaza est restée sous
occupation », a souligné à l’AFP Me Al-Jarou, président de
l’Association Conscience pour la défense des droits de
l’homme.
Le territoire palestinien est soumis depuis le
28 juin 2006 à des opérations de l’armée israélienne qui ont
fait 172 morts palestiniens. Elles ont été lancées après
l’enlèvement trois jours plus tôt d’un soldat israélien par
des groupes armés palestiniens, en riposte aux attaques israéliennes.
Trois Palestiniens, dont un adolescent de 17 ans, ont été tués
lundi 14 août dans la matinée par une frappe israélienne près
de Beit Hanoun, dans le nord de la bande de Gaza, ont annoncé des
responsables médicaux palestiniens.
Ajoutons à cela une situation économique qui
laisse à désirer. La population souffre du boycott financier
international imposé aux Palestiniens depuis l’arrivée au
pouvoir du Hamas, considéré comme organisation terroriste par
les Etats-Unis et l’Union européenne, qui ont suspendu leurs
aides aux Palestiniens. Selon des chiffres officiels palestiniens,
plus de la moitié des habitants de la bande de Gaza vivent en
dessous du seuil de pauvreté et au moins 45 % de la population
active est au chômage. « La situation économique est des plus
noires, les travailleurs ne peuvent pas se rendre en Israël, les
fonctionnaires ne sont pas payés, alors que le potentiel économique
de la bande de Gaza est très faible, sans ressources naturelles
ni industrie », poursuit Me Al-Jarou.
Renverser le gouvernement du Hamas
Cet état de choses ne fait que soulever des
inquiétudes concernant l’avenir de l’Autorité palestinienne
et du gouvernement Hamas. Des inquiétudes qui ont leur raison
d’être, notamment après l’arrestation par l’armée israélienne
du président du Conseil Législatif Palestinien (CLP, Parlement)
Aziz Doweik, deuxième personnalité de l’Autorité
palestinienne, et l’hospitalisation de sept employés du Conseil
des ministres exposés à une poudre suspecte contenue dans une
enveloppe qui lui était destinée. « Ce qui se passe à Gaza
n’a rien à faire avec cette histoire de l’enlèvement d’un
soldat. Il s’agit d’une volonté américaine et israélienne
de renverser le gouvernement du Hamas. Il n’est pas dans leur
intérêt qu’il y ait un gouvernement islamiste. Ils cherchent
à instaurer le chaos pour effriter le régime et pour mener à
l’apparition d’un groupe libéral pro-occidental. Ce qui
complique davantage la situation en Palestine, c’est que le
Fatah, après avoir perdu les législatives, craint la perte de
ses prérogatives. En plus, la quai-totalité des régimes arabes
ont des problèmes avec les courants religieux de leur pays et ne
veulent pas que le Hamas soit un modèle à suivre. D’où les
pressions accrues sur le Hamas », explique Moustapha Al-Gammal,
du Centre des recherches arabes et africaines. Essayant de
contenir la situation, le président palestinien Mahmoud Abbass a
appelé à la constitution d’un gouvernement d’union nationale
et a rejeté toute éventuelle dissolution de l’Autorité
palestinienne. « La mise en place d’un tel gouvernement a été
retardée par l’agression israélienne dans la bande de Gaza et
la situation au Liban », a-t-il ajouté. Pour M. Al-Gammal, la
seule solution réside dans la constitution d’un gouvernement
d’union nationale, sinon les Palestiniens connaîtront sans
doute une guerre civile. « Mais, je crois que les Palestiniens
arriveront à un compromis renforçant la coopération entre le
Fatah et le Hamas pour qu’ils puissent plus tard discuter avec
le Quartette du processus de paix ».
Pour le moment, le processus de paix est lettre
morte et pour le ressusciter, une délégation de la Ligue arabe
appellera en septembre prochain le Conseil de sécurité à réévaluer
ce processus. Une mission difficile.
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Publié avec l'aimable
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