Opinion
Les « reportages inventés »
Ahmed Halfaoui
© Ahmed
Halfaoui
Mardi 26 mai 2015
Un certain François Bugingo, reporter de
nombreuses publications, ancien
président de Reporters sans frontières
(RSF) Canada et ex-vice-président
international de la même organisation,
conférencier à l’occasion aussi, n’a
vraiment pas de chance. Une journaliste
du quotidien Québécois « La Presse »,
après enquête, a découvert qu’il était
un affabulateur et n’a pas hésité à le
livrer au lynchage, en révélant ses « reportages
inventés de toutes pièces ». Il a,
immédiatement, été viré par ses
employeurs, qui sont la radio 98,5 FM,
TVA Nouvelles, Le Journal de
Montréal et Le Journal de Québec. Du
côté des confrères, la Fédération
professionnelle des journalistes du
Québec (FPJQ) est « extrêmement
préoccupée », « va se pencher sur
l’affaire » et ses inquiétudes sont
que « ça entache toute la
profession » et que « le public
ne fasse plus confiance aux
journalistes ». Sur le plan
politique, Le premier ministre du
Québec, Philippe Couillard, « trouve
ça surprenant que, dans un réseau
médiatique sérieux, on puisse
apparemment - car il faut que ce soit
démontré - monter de toutes pièces des
reportages et des histoires sur
l'actualité internationale ». Dans
l’absolu, ce type de réactions peut être
considéré comme naturel. Car mentir au
public et trafiquer des informations,
est une atteinte majeure à la
déontologie journalistique. Mais nous ne
sommes pas dans l’absolu, pour que soit
permis de condamner Bugingo seul, du
seul fait qu’une journaliste se soit
intéressé à son travail, sans
relativiser, sans élargir son champ
d’investigation à toute la machine
médiatique, sans omettre certains
fabricants d’informations, pour lesquels
cette machine travaille. Elle se serait,
probablement, prise à plusieurs fois
avant de divulguer ses conclusions.
Peut-être y a-t-elle pensé, sans vouloir
risquer le coup, le morceau étant trop
gros et son journal n’aurait
certainement pas aimé. Passons sur
l’interrogation, qui reste somme toute
essentielle, concernant l’escalade de
Bugingo au rang de vedette médiatique,
durant de longues années, et son
élection à la tête de RSF Canada et de
RSF international. Il a mieux pour se
défendre, puisqu’il compte le faire. Il
lui suffit d’exiger que ses « reportages
inventés » soient confrontés à la
majeure partie des reportages parus dans
la presse et qui ont servi, souvent, à
mettre des pays à feu et à sang. Ses
reportages gagneraient, de même, à être
rapprochés de quelques déclarations de
Washington ou de ses satellites. Pour
l’efficacité, il faudrait un tribunal
spécial qui jugerait des faits. Les
mensonges de l’accusé paraîtront, alors,
être un bien moindre mal comparés à ceux
qui ont plongé des peuples entiers dans
la tragédie. De l’Irak à la Libye, en
passant par la Yougoslavie, à la Syrie,
au Venezuela et autres contrées où la
propagande a remplacé la réalité des
faits, les exemples sont édifiants. Sans
recourir aux preuves que les
journalistes étaient poussés à inventer
la « vérité » qui agréent leurs patrons,
un seul reléguerait le cas Bugingo dans
les interlignes. Celui du général
étatsunien, Colin Powel, secrétaire
d’Etat qui exposait devant l’ONU, toute
honte bue, son « reportage inventé » sur
les armes de destruction massive de
Saddam Hussein.
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