Opinion
Egypte :
un président et des attentes
Ahmed Halfaoui
© Ahmed
Halfaoui
Mardi 21 janvier 2014
Le général Abdel-Fattah Al-Sissi va se présenter à
l’élection présidentielle « si le peuple
le réclame ». Bien en assurance celui
qui va croire que le « peuple » va
décevoir l’appel. Parmi les 98% qui ont
dit oui à la nouvelle Constitution des
38,6 % qui ont voté, il y en aura bien
assez pour faire un « peuple », le
moment venu. Alors le général sera
candidat à n’en point douter. Et, à n’en
point douter toujours, il sera élu
président. Parce qu’il serait
extraordinaire qu’une autre tête puisse
venir lui disputer sérieusement les voix
des électeurs. Déjà, lors des premières
élections ouvertes, les prétendants
étaient bien en peine de s’imposer
au-delà de 25 % des suffrages pour les
plus populaires, comme le candidat des
Frères Musulmans, Mohamed Morsi, qui a
dû jouer au bras de fer avec son
adversaire du second tour, pourtant
entaché en tant que survivance du régime
de Hosni Moubarak. Aujourd’hui, les
Frères sont hors course, fondus, à tort
ou à raison, dans la nébuleuse qui a
basculé dans la violence, qu’il ont beau
dénoncé sans que cela influe sur la
décision de faire de la Confrérie une «
organisation terroriste ». Dans la
classe politique, qui s’est agitée,
depuis le début du processus de
recomposition du paysage politique
égyptien, il est presque impossible
d’identifier une quelconque personnalité
qui puisse rassembler un minima de
crédit aux yeux de la population. Du
moins, aux yeux de celle qui continue de
croire à la magie des urnes. Donc, Al
Sissi est pratiquement le nouveau
dirigeant de l’Egypte. Chose qui était
évidente avant même qu’il ne manifeste
ses intentions en ce sens, lors de la
destitution du président des Frères.
Quand il a dit : « Si je dois
déclarer ma candidature, il faut qu’il y
ait une demande du peuple en ce sens »,
il a paraphé l’acte qui mettra fin à une
saga où le pays aura vu se révéler le
véritable état des lieux en termes de
représentativité politique ou de
capacités de propositions de sortie de
crise. Le peuple, lui, dans la large
acception du terme, semble avoir
démissionné ou s’être installé dans une
attitude attentiste. Il ne vote plus
massivement, malgré les enjeux, même
pour aller à contre sens. Mais peu
importera le taux de participation, il
était dérisoire lors de l’adoption de la
Constitution des Frères, sans que ces
derniers n’hésitent à s’accrocher à la
légalité et à la légitimité de ce texte.
Ainsi entre attentisme et/ou résignation
populaire, un chapitre politique va être
clos. A l’international, cet état de
fait est presque applaudi, sinon
accepté. A commencer par les alliés
occidentaux des Frères musulmans qui
s’empressent de conforter le retour à
une « visibilité » moins effrayante que
ce bouillonnement ouvert sur une
multitude de possibles. Restera cette
terrible équation, grosse d’un grand
nombre d’équivoques, qui met le nouveau
pouvoir en face d’une réalité aggravée,
qui n’aura rien subi comme changements,
loin s’en faut, comme émergence de
solutions à la profonde crise
socio-économique qui sévit. Car il n’a
jamais été question de démocratie en
soi, mais fondamentalement de révolte
contre la violence de l’exclusion
sociale. Même ceux qui vont voter pour
Al Sissi, ils seront les plus nombreux à
espérer autre chose que la perpétuation
de la situation qui prévalait et qui
prévaut.
Article publié sur
Les débats
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