Opinion
La paix et son prix
Ahmed Halfaoui
© Ahmed
Halfaoui
Vendredi 10 octobre 2014
Pour ce qui est de la paix, en
elle-même, nous savons qui en détient la
clé, loin des contorsions d’Oslo. Il
fallait bien que le spectacle médiatique
ait son sujet. Le prix Nobel de la paix
a finalement été attribué à deux élus de
l’institution. La plus remarquable, ce
sera une activiste des « droits de
l’enfant », des filles en particulier,
une toute jeunette pakistanaise, qui a
connu une carrière fulgurante, après
avoir été sortie de l’anonymat, par les
médias et puis par les Nations-Unies. Il
faut dire qu’elle n’était pas n’importe
qui. Elle se distingue par son
opposition aux Talibans, qui a failli
lui coûter la vie. En ces temps où
l’Islam est sous les feux des
projecteurs, surtout avec son nouveau
spectre, le Daech, honorer une musulmane
contribue au décor, entretient le délire
islamophobique et s’adapte au mythe de
la « lutte anti-terroriste ». Le rapport
avec la paix, elle-même, peut être
établi pour peu que l’on ne s’en tienne
pas au statut stricto-sensu de la
lauréate et que l’on prenne en compte la
symbolique. Négation des Talibans,
Malala Yousafzai, à peine 17 ans, peut
aisément représenter, au moins, la non
violence et au-delà, pourquoi pas,
l’espoir d’un monde rasséréné. Mais
sait-elle quels sont les ennemis du
droit des enfants, en dehors des
Talibans ? Aurait-elle eu le prix si
elle le savait et si elle les avait
dénoncés ? Aurait-elle été invitée à la
tribune de l’ONU, si elle devait y dire
le sort fait aux millions de ses petits
compatriotes par la machine mondialisée
du profit ? Assurément, elle n’aurait
pas dépassé le simple signalement d’un
fait divers. Mais le monde étant ce
qu’il est, les nobélisateurs ont tout le
loisir de ne s’en tenir qu’à leur propre
grille. Les enfants forçats de la
production « délocalisée » du marché
occidental pourront espérer un « cahier
et un crayon », si les horaires et les
cadences des ateliers qui les emploient
le leur permettent, un jour. Un jour où
les guerres d’agression cesseront, quand
le profit cessera de régenter la
planète, d’imposer ses règles, dont les
conditions d’esclavage des enfants. Ceci
étant, on dit que les épaules de Malala
sont trop frêles pour porter le Nobel de
la paix. Comparée à Barak Obama, qui
mène une guerre contre l’humanité, il va
sans dire que l’argument peut
convaincre. Mais laissons venir. Parmi
les autres candidats proposés il y a des
« opposants russes » à Vladimir Poutine
et la Novaya Gazeta, « très critique
vis-à-vis du Kremlin ». La proposition
repose sur le fait que le président de
la Russie a « musclé » sa politique
étrangère (sic !). En miroir, il n’y a
aucun candidat anti-guerre du camp
atlantiste qui est présenté, alors que
le « muscle » est plutôt visible de ce
côté, du côté de Washington, partout où
un carnage est en cours ou en
préparation. Il n’y a pas non plus de «
militant » pacifiste antisioniste ou
bien une fillette de Ghaza qui dessine
et chante la paix. Deux types de
symboliques qui ne manquent pas. La
cosmétique en vigueur exclut d’aller à
l’essentiel, interdit de désigner la
victime et le bourreau, l’ennemi de la
paix.
Ahmed.Halfaoui
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