Tunisie
Tunisie : les Frères en embuscade
Ahmed Halfaoui
© Ahmed
Halfaoui
Vendredi 7 novembre 2014
Les Frères tunisiens le savent, ils
n’ont pas de recette miracle aux
problèmes des Tunisiens, en dehors de ce
qu’ils ont tenté d’implémenter durant la
transition prolongée qu’ils ont dirigée.
Ils ont fait tirer à la chevrotines sur
des insurgés, ils ont gazés et matraqué,
à plusieurs reprises, des foules qui
revendiquaient du travail ou la justice
sociale. Ils ont réprimé parce qu’ils
n’ont pas d’autres objectifs que de
promouvoir le libéralisme le plus
débridé. Ce faisant, ils ne voulaient
pas être seuls au front. Ils ont coopté
un comparse à la tête de l’Etat. Ils
l’ont mis en avant pour attendre et
voir. Ils ont vu ce qui s’est passé en
Egypte où leurs Frères sont allés trop
vite en besogne. Ils ont même reculé, à
la suite du sort fait à leur alter egos,
par la rue d’abord, par l’armée,
ensuite. Ils n’ont pas abandonné pour
autant. Ils ont brigué des mandats de
députés et s’en sont sortis assez
confortés avec 30% des sièges contre 40%
pour le vainqueur. De quoi les maintenir
en tant que sérieux partenaires dans le
paysage politique. Comme en 2011, ils
vont s’en tenir là. Ils ne vont pas
chercher la magistrature suprême. Ils la
laissent à qui pourra bien y accéder.
Non pas qu’ils se savent battus, mais
parce qu’ils en avaient décidé bien
avant que les législatives aient lieu,
ce qui relève d’une stratégie au long
cours. Ils savent que le pouvoir use,
surtout quand il n’y a rien à offrir et
que les prémices d’une embellie
économique ne se profilent pas à
l’horizon, ni en Tunisie, ni ailleurs.
Ils savent que ceux qui vont diriger le
pays vont devoir affronter le dépit et
la colère, dans un climat social qui est
déjà des plus délétères. Ils savent
qu’il y a des « réformes drastiques et
très douloureuses » qu’il faut mener,
alors que le seuil du mécontentement est
au plus haut. Enlever encore plus de ce
qui reste de moyens de survie pour
« relancer la machine », sur les
conseils du FMI et des puissances
financières, sera la base du programme.
Le chef du part majoritaire au nouveau
parlement, Béji Caïd Essebsi, disait
« il ne faut pas faire peur à
l’argent ». Cela augure que tout sera
fait pour rassurer l’argent. Les
méthodes qui seront mises en œuvre
seront connues tôt ou tard. Mais on n’en
connaît qui soient acceptables par les
inévitables victimes des réformes. A
l’avance, la Direction Générale des
Statistiques de la Banque Centrale de
Tunisie (BCT) plante le décor à venir.
La Banque prévoit un faible taux de
croissance économique pour l’année 2014
et de forts taux d’inflation et de
chômage. Elle informe, aussi, d’une
régression de l’investissement direct
étranger (IDE). Des données qui ne
prêtent pas à l’optimisme. Les Frères
n’auront pas à être au premier plan,
« nous cherchons toujours le candidat
qui va réaliser les objectifs de la
révolution » disent-ils, sans se
soucier d’étonner ceux qui,
légitimement, peuvent se demander
pourquoi les Frères n’ont pas cherché un
candidat dans leurs rangs. Sur
l’orientation de ce candidat, ils
restent assez larges pour ne pas se
compromettre. « Les objectifs de la
révolution » c’est noble et cela a
l’avantage de contenir tous les
fantasmes. Eux, ils resteront à
observer, en embuscade, en attendant de
capter, peut-être, les déçus, dans une
conjoncture qu’ils espèrent meilleure,
en termes de prise en main du pouvoir.
Ahmed Halfaoui
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