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Le Web de l'Humanité
« Gaza est une ville fantôme »
Ziad Medoukh
Photo Palestine Solidarité
Mardi 6 janvier 2009
Ziad Medoukh, professeur de français, témoigne depuis Gaza, ville
où nous l’avons joint hier par téléphone. « Gaza est une ville
fantôme. Ce matin, j’ai fait le tour de la cité pour chercher du
pain. Hormis les ambulances, il n’y avait pratiquement pas dix
voitures qui circulaient. Les rues sont vides. Les gens
préfèrent rester chez eux. Les seules personnes qu’on rencontre
sont celles qui font la queue devant les deux seules grandes
boulangeries ouvertes. Des files d’attente de trois kilomètres.
Six heures pour avoir du pain, de plus en plus cher, et dont la
distribution est désormais rationnée. Pas assez de farine,
surtout pas de carburant pour faire fonctionner les générateurs.
Et depuis samedi soir, début de l’offensive terrestre
israélienne, les Israéliens ont coupé l’électricité : Gaza est
plongée dans le noir dès la tombée de la nuit. Il faut savoir
qu’Israël fournit 70 % de l’électricité de Gaza, le reste est
fourni par une centrale électrique qui, faute de carburant,
n’alimente la ville que de deux à trois heures par jour. »
« On souffre du froid, particulièrement les enfants. Plus
grave, au principal hôpital de la ville, Shiffa, l’électricité
n’est disponible que quatre à cinq heures par jour, parfois
moins. Les chirurgiens et les infirmiers opèrent pratiquement
dans le noir. De plus, faute de pièces de rechange du fait du
blocus israélien, du matériel médical est en panne. En bref, on
fait avec. Bien que tout le monde souffre, les gens
s’entraident, personne n’est laissé sur le bord de route, c’est
ce qui fait la force des Palestiniens de Gaza. »
« Avant-hier, l’aviation israélienne a bombardé durant toute
la nuit. Ce matin, c’était au tour de la marine israélienne.
Elle a tiré sur un camp de réfugiés situé en bord de mer : une
femme et ses cinq enfants ont été tuées. C’est terrible. C’est
la politique de la terre brûlée. Les avions israéliens
s’acharnent sur les établissements suspectés d’être gérés par le
Hamas : banques, distributeurs de billets, commerces, écoles,
mosquées, services de la ville. Et les habitations situées à
proximité de ces prétendues cibles sont détruites ou fortement
endommagées. Au moins 300 immeubles et maisons ont été détruits
partiellement ou totalement. Quant au nombre de morts, il doit
être supérieur à 500 car de nombreuses victimes sont demeurées
ensevelies sous les décombres des habitations et immeubles en
ruines. Les secours ne peuvent rien faire car un immeuble
bombardé une première fois, l’est une seconde et une troisième
fois. Il y a au moins une frappe aérienne toutes les cinq à dix
minutes. »
« Gaza est paralysée. Les services sont à l’arrêt. Le
ramassage des ordures ne se fait plus. Les eaux usées
envahissent les rues. Quand on appelle les services pour réparer
les canalisations dont plusieurs ont été détruites par les
frappes aériennes, plus personne ne répond. D’ailleurs ils sont
débordés et ne se rendent pas dans les quartiers visés par les
raids aériens. De ce fait, l’eau courante n’est distribuée
qu’une heure tous les trois ou quatre jours. Pire, il n’y a plus
d’institutions, plus de police, les gens s’auto-organisent pour
faire face à la situation. »
« La situation est de plus en plus insupportable. L’armée
israélienne est entrée ce matin à Khan Younes. Mais, à l’heure
où je vous parle (14 heures hier), elle n’a pas pénétré dans
notre cité de Gaza. Les gens se posent la question se savoir
jusqu’à quand ça va durer. Pour l’heure, le Hamas bénéficie du
soutien d’une majorité d’habitants mais pas à n’importe quel
prix. S’il accepte un cessez-le-feu, nombreux sont ceux qui ne
manqueront pas de lui demander à quoi a servi cette guerre.
D’autres, ils sont nombreux, ont le sentiment qu’il n’existe pas
de perspective. C’est un peu le côté contradictoire de la
société palestinienne. »
« Certes, on le sait bien, Sarkozy n’est pas Chirac. Mais du
président Sarkozy on n’attend qu’une chose : l’urgence, c’est
l’arrêt immédiat des combats. Il faut faire vite. Sa tournée
dans la région peut être une occasion pour trouver une solution.
Car ici, la France continue de bénéficier d’une bonne image.
Ici, à Gaza, les Français sont toujours les bienvenus. Le Centre
culturel français est resté ouvert alors que ceux des autres
pays ont été fermés par le Hamas quand il a pris le pouvoir en
juin 2007. »
Propos recueillis par Hassane Zerrouky
© Journal
l'Humanité
Publié le 8 janvier 2009 avec l'aimable autorisation de
l'Humanité.
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