Mercredi 10 mars 2010
Le nombre d’universités
qui accusent Israël d’Etat raciste qui ressuscite la politique
de l’apartheid ne cesse d’augmenter. En effet, à peine quelques
semaines après que des universités britanniques eurent appelé au
boycott d’Israël au niveau académique, plus de 50 universités
dans 40 pays ont organisé Une semaine de l’apartheid israélien,
comprenant des colloques, des films et des activités médiatiques
anti-sionistes. Ceci a coïncidé avec l’annonce de 500 artistes
canadiens de leur solidarité avec le peuple palestinien contre
le racisme israélien.
Depuis la guerre israélienne contre la bande
de Gaza en 2008, l’image d’Israël aux yeux du monde devient de
plus en plus laide. Cette question inquiète beaucoup l’Etat
hébreu, bien que rien n’ait changé dans les positions des
gouvernements occidentaux qui le soutiennent. Alors qu’Israël
semble occuper une position tout à fait confortable sur terre
dans le contexte de la faiblesse arabe et de la division
palestinienne, son image est un point faible dont il craint les
conséquences dans un avenir pouvant être proche. Il se peut
qu’Israël craigne surtout de perdre graduellement sa force douce
qui lui avait toujours permis de justifier les attaques et les
violations commises en recourant à la force.
Le rapport du comité d’investigation de l’Onu
qui s’est chargé de la guerre de Gaza, sous la présidence de
Goldestone, n’a pas été l’unique à montrer le mécontentement
sans précédent au sein de la communauté internationale envers
Israël. De nombreux autres indices démontrent que le niveau
mondial de soutien à Israël est en baisse, alors que son image
est devenue associée à des crimes de guerre douloureux. Il ne
faut pas prendre à la légère qu’aujourd’hui, certaines
directions politiques israéliennes, et non pas seulement
militaires, craignent de se rendre dans des pays européens,
qu’ils considéraient comme des refuges et non seulement un
allié. Dans ces pays, l’opinion publique sympathise de plus en
plus avec les Palestiniens, qui sont soumis à un blocus
étranglant dans la bande de Gaza et qui sont exposés aux feux
d’une occupation qui semble sans fin.
Et puisqu’il est difficile pour Israël de
changer cette image sombre en changeant ses politiques, il ne
lui reste plus qu’à essayer de pousser les Palestiniens vers des
positions qui nuisent à leur image. Il est vrai que la faiblesse
arabe encourage Israël à commettre encore plus de violations.
Mais il est également vrai que la crainte envers son image
négative est devenue un motif essentiel qui dirige sa stratégie
dans la gestion du conflit avec les Palestiniens. En effet,
l’objectif de l’escalade actuelle vise à pousser les
Palestiniens vers des réactions violentes qu’Israël peut
employer dans sa propagande médiatique contre les Palestiniens.
C’est peut-être cette conception qui
constitue le fil conducteur entre l’assassinat de Mahmoud Al-Mabhouh,
le commandant au Hamas, l’annexion de l’Esplanade des mosquée et
du caveau des patriarches à la liste du patrimoine israélien et
l’augmentation du nombre de visites effectuées par des juifs
extrémistes à la mosquée d’Al-Aqsa.
Effectivement, rien ne peut mieux aider
Israël dans sa tentative d’améliorer son image et de nuire à
celle des Palestiniens que de se concentrer sur la dimension
religieuse dans le conflit, au détriment du caractère national
et de libération de ce conflit. Le monde sympathise avec les
Palestiniens parce qu’ils luttent pour la libération de leur
patrie comme l’ont précédemment fait de nombreux peuples, y
compris des peuples européens qui étaient tombés sous l’emprise
de l’occupation nazie, bien que leurs pays aient un long
parcours colonial. De ce fait, si Israël réussit à convaincre le
monde que le peuple palestinien lutte pour des raisons
religieuses et s’il réussit à isoler ces objectifs loin du
contexte national général de leur lutte, ceux qui soutiennent
les Palestiniens peuvent tomber dans la confusion. Israël avait
déjà eu recours à cette méthode en exploitant le recours des
Palestiniens aux bombes humaines ou opérations martyres pour
leur attribuer le caractère de terroristes et les accuser de
déclencher une guerre religieuse. De plus que quand les
Palestiniens avaient donné le nom d’« Intifada Al-Aqsa » à leur
deuxième intifada, Israël en avait profité pour convaincre de
larges catégories de la communauté internationale que les
Palestiniens luttaient pour des causes religieuses. C’est ainsi
qu’aux yeux de ceux-là, les Palestiniens ne sont plus des
victimes et l’image devient celle de deux parties en conflit
religieux et non pas d’une partie qui occupe les territoires et
opprime l’autre. Et voilà qu’Israël tente de provoquer le Hamas
pour le pousser à sortir de l’accalmie qu’il a gardée depuis la
guerre contre Gaza. Malgré les déclarations variées des
dirigeants du Hamas après l’assassinat de Mabhouh, les médias
israéliens se sont concentrés sur l’appel de Hanieh à une
troisième intifada et sur les déclarations du président Mahmoud
Abbass mettant en garde contre l’éventualité du déclenchement
d’une guerre religieuse. Rappelons que la deuxième intifada
s’était déclenchée après l’invasion provocante d’Ariel Sharon et
de ses alliés armés de l’Esplanade des mosquées en 2000. Et bien
que cet événement ne soit que le facteur direct qui a déclenché
une colère retenue après l’échec des négociations finales de
Camp David 2, l’image qui régnait alors était celle des
Palestiniens qui se sont soulevés pour sauver Al-Aqsa, alors que
peu sont ceux qui ont compris que c’est une intifada nationale
avant tout.
Le cas est similaire aujourd’hui. Dans chaque
discours et à chaque occasion, c’est ce que l’autorité (ou
plutôt les deux autorités), ainsi que les dirigeants et les
factions doivent dire et redire. Ce n’est pas du tout le moment
de parler d’une troisième intifada et de mettre en garde contre
une guerre religieuse. Il serait même utile que Abbass corrige
ce qu’il a dit concernant la guerre religieuse face au Parlement
belge le 23 février dernier et qu’il a répété au cours de sa
visite en Jordanie le 28 du même mois. De plus que les
dirigeants du Hamas doivent eux aussi cesser de parler de cette
troisième intifada pour ne pas faciliter la mission israélienne
de convaincre le monde que les motifs palestiniens sont purement
religieux, c’est-à-dire des motifs antisémitistes. Et ce, dans
une tentative d’améliorer une image qui n’a jamais été aussi
laide.
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AL-AHRAM Hebdo
Publié
le 10 mars 2010 avec l'aimable autorisation de AL-AHRAM Hebdo
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