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Opinion
Saad Hariri et
l'extrémisme
Soraya Hélou

Lundi 31 janvier 2011
On n’a pas fini de parler du fameux « Jour de colère » de mardi
dernier. Ses effets n’ont pas fini de faire sentir dans les
esprits et les proches de l’ancien Premier ministre Saad Hariri
s’évertuent à défendre les actions de leurs partisans sans
parvenir à les justifier. Ce qui a surtout frappé les esprits,
au-delà des actes de vandalisme et des agressions contre les
médias, ce sont les discours extrémistes prononcés sur la
tribune à Tripoli. Pendant des années, l’ancien Premier ministre
martyr Rafic Hariri s’est ingénié à se présenter comme un
rempart contre l’extrémisme musulman en affirmant haut et clair
qu’il était le visage de l’islam modéré, face à l’extrémisme et
donc la seule alternative acceptable. Il a édifié tout son
réseau de relations sur cette base, devenant indispensable à
l’heure où Al Qaëda soulevait toutes les inquiétudes de
l’Occident et même des peuples de la région. Or, voilà que les
responsables du Courant du Futur se mettaient à adopter
ouvertement dans leurs meetings, le langage des extrémistes
musulmans avec des références dignes du plus clair
enregistrement de Oussama Ben Laden et Ayman Zawahiri. Si cela
s’était limité à un seul discours, on aurait pu croire qu’il
s’agissait d’une erreur ou d’un débordement dû à l’enthousiasme
provoqué par la foule. Mais les propos du député Mohammed
Kabbara, ainsi que ceux du responsable de la culture au sein du
Courant du Futur Mohammed Salam ont été précédés par une série
de déclarations qui allaient dans le même sens. En plus des
relations étroites entretenues par le Courant du Futur avec les
mouvements islamistes sunnites depuis le fameux compromis qui a
permis d’adopter une loi d’amnistie en faveur de leurs éléments
emprisonnés et du chef des Forces libanaises Samir Geagea au
printemps 2005. S’agissait-il alors d’une réaction affective
suite à l’assassinat de Rafic Hariri, ou d’un plan soigneusement
mis au point pour contrôler la scène sunnite dans toute sa
diversité et utiliser les islamistes à la fois pour effrayer et
pour bien montrer que ce Courant est le seul à pouvoir les
contrôler ? Toujours est-il que presque six ans après ce
changement significatif dans les options du Courant du Futur,
les Libanais ne parviennent plus à faire la différence entre ce
Courant et les extrémistes sunnites, qui semblent avoir le
monopole de la rue. C’est un peu comme si Saad Hariri a rayé
d’un trait la longue démarche de son père de montrer au monde le
visage d’un islam modéré. Certes, Saad Hariri s’est empressé de
condamner les dérapages verbaux et sur le terrain, mais il n’a
pas réussi à effacer des esprits les images de ce mardi « noir
». Où se situe désormais le Courant du Futur ? C’est une
question à laquelle il lui revient de répondre dans les plus
brefs délais, non seulement pour ses propres partisans, mais
aussi pour ses alliés chrétiens. Ceux-ci ont gardé un silence
prudent après cette fameuse journée, conscients du fait que ce
genre de propos affaiblit sérieusement leur position. Ils se
sont quasiment retrouvés dans une situation identique à celle du
dimanche 5 février 2006, lorsque les extrémistes alliés au
Courant du Futur étaient descendus dans la rue en principe pour
protester contre les caricatures danoises et avaient fini par
casser une église… Bien sûr, les mémoires oublieuses et le
tapage médiatique destiné à effacer ces images ont agi, au cours
des dernières années, mais voilà que tout ressurgit à la faveur
d’une protestation qui a failli mal tourner. IL est sans doute
temps pour le Courant du Futur et pour son chef de préciser
leurs options. Ils ne peuvent pas être à la fois le visage de
l’islam modéré et les alliés des extrémistes. Un jour ou
l’autre, ce jeu subtil se retourne contre ceux qui le
pratiquent. L’heure des choix est arrivée…
Article publié sur Résistance islamique au Liban
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