Hezbollah
L'Union européenne
tombe dans le piège
Soraya Hélou

Jeudi 25 juillet 2013
L'Union européenne a donc fini par céder
aux pressions américaines et
israéliennes en mettant le Hezbollah sur
la liste européenne des organisations
terroristes. Dans un sursaut
d'indépendance, elle a toutefois établi
une distinction entre «le bras armé» du
Hezbollah et l'aile politique, avec
laquelle elle souhaite garder le
contact. C'est la seule formule que les
grands penseurs européens ont fini par
trouver pour concilier les exigences
américano-israéliennes avec les intérêts
européens. L'affaire est donc entendue
et si personne ne comprend vraiment- les
chancelleries européennes en premier-
comment va se traduire concrètement la
distinction entre bras armé et aile
politique, peu importe, l'essentiel
était d'en finir avec les pressions qui
ont gravement augmenté ces derniers mois
et qui n'ont forcément rien à voir avec
l'attentat de Bourgass en Bulgarie.
Un petit retour en arrière s'impose. Il
y a près d'un an, un attentat a eu lieu
contre un autobus à Bourgass et qui a
visé des touristes israéliens. «Israël»
a aussitôt accusé le Hezbollah et le
gouvernement bulgare s'est empressé de
suivre le mouvement, même si la justice
bulgare elle-même a jugé les indices
insuffisants. Depuis, cette affaire est
souvent revenue pour constituer une
carte de pression sur le Hezbollah, sans
que l'Union européenne ne se décide à
aller jusqu'au bout de ses menaces en
plaçant le Hezbollah sur la liste des
organisations terroristes. La menace
était brandie régulièrement, mais il se
trouvait toujours un pays membre de l'UE
pour ne pas être d'accord et la décision
était reportée. Cette fois, le scénario
a été différent et les 27 pays membres
de l'UE ont accepté de mettre le
Hezbollah sur la liste européenne des
organisations terroristes, «à condition
toutefois de maintenir le dialogue avec
l'aile politique de ce parti». En «off»,
plusieurs diplomates européens en poste
ou en visite au Liban expriment leur
désaccord avec une telle démarche, mais
ils laissent entendre que l'UE est
soumise à de très fortes pressions.
Publiquement, ils disent bien entendu le
contraire et affirment que le Hezbollah
étant impliqué dans des actes
terroristes sur le territoire européen,
il est donc normal pour l'UE de prendre
une telle décision.
Mais au fond d'eux, ils savent tous que
l'affaire de Bourgass n'est que le
prétexte. La vérité que la responsable
de la diplomatie européenne, lady Ashton
a déclaré elle-même, c'est la
participation du Hezbollah aux combats
en Syrie aux côtés du régime de Bachar
el Assad. Si le Hezbollah avait combattu
aux côtés de l'opposition syrienne,
aucune mesure n'aurait été prise contre
lui. Au contraire, il aurait été
félicité et même s'il avait utilisé les
armes les plus destructrices, il aurait
été considéré comme un héros. Toujours
la fameuse règle des deux poids deux
mesures...La bataille de Qousseir à
laquelle a participé le Hezbollah ayant
renversé l'équation en Syrie en faveur
du régime dont l'armée régulière a
repris l'initiative sur plusieurs fronts
d'Alep à Homs en passant par Deraa et
Damas, il fallait donc mettre un terme à
cette percée et punir sévèrement ceux
qui y ont contribué, tout en laissant
une porte ouverte pour le dialogue. La
décision de l'Union européenne se résume
donc ainsi : le Hezbollah est condamné,
mais il y a une possibilité de revenir
sur cette décision s'il renonce à aider
le régime syrien.
Une fois de plus, les Européens montrent
qu'ils n'ont rien compris à la
résistance libanaise. Allant de victoire
en victoire dès sa création dans la
foulée de l'occupation israélienne en
1982, elle a pourtant montré qu'elle ne
craignait que Dieu et ne cédait pas aux
pressions. Pourquoi ? Parce qu'elle
allie la conviction, la foi et le
courage. Autant de qualités qui font
défaut à ceux qui vendent et qui
achètent et qui monnayent leur cause.
Pour le Hezbollah, la participation aux
combats en Syrie s'inscrit dans une
stratégie qui vise à défendre le Liban
et l'axe de la résistance. Ceux qui
critiquent cette participation se
sont-ils demandé dans quelle situation
serait plongé le Liban si Qousseir et sa
région n'étaient pas tombés entre les
mains des forces du régime ? Toute la
Békaa serait devenue un point de passage
pour les combattants syrien du Front al
Nosra qui auraient fait la jonction avec
le Nord du Liban et auraient multiplié
les attaques contre les villes de la
Békaa d'abord et ensuite un peu partout
au Liban. Les Européens qui ne cessent
de se prononcer en faveur de la
stabilité du Liban ont-ils envisagé
cette possibilité et comment peuvent
-ils concilier cet appui déclaré à la
stabilité du Liban et la décision de
placer le Hezbollah sur la liste des
organisations terroristes ? Comment
peuvent-ils concilier cette décision
avec la déclaration du président
français en faveur d'un gouvernement qui
regrouperait toutes les composantes de
la société libanaise ?
Plus on tente d'analyser cette décision
et plus les incohérences apparaissent.
Mais le plus important reste le fait
qu'elle n'a aucune portée réelle. En
général, ce genre de décision entraîne
deux conséquences principales : les
fonds de cette organisation dans les
banques européennes sont gelés et les
membres de l'organisation ne peuvent
plus obtenir de visas pour l'Europe. Or,
dans les deux cas, le Hezbollah pourra
en principe survivre à ces sanctions.
Ses fonds, s'ils existent, ne sont pas
en Europe et ses membres ne passent pas
leur temps à voyager dans les pays
européens. Reste donc le poids politique
et moral de cette décision. S'il est
certain que des parties libanaises
chercheront à l'exploiter politiquement
pour court-circuiter une participation
du Hezbollah au gouvernement, la
décision de l'Union européenne n'aura
aucun impact sur les équilibres au
Liban, ni sur le rapport des forces.
Elle montre au contraire à quel point le
Hezbollah est devenu fort pour que les
Européens soient contraints d'adopter
une décision dont ils ne sont pas
convaincus pour chercher à l'affaiblir.
Le fait que la décision européenne suive
les mesures prises par les pays du Golfe
contre les prétendus membres du
Hezbollah, ainsi que les décisions
américaines dans ce sens montre aussi
que rien ne peut influer sur les
décisions de ce parti. Aujourd'hui,
c'est plutôt l'UE qui doit se poser des
questions : comment fera-t-elle pour
distinguer entre le bras armé et l'aile
politique dans ses discussions avec les
représentants du Hezbollah et avec qui
la Finul- qui regroupe d'importants
contingents européens- devra-t-elle
traiter pour assurer le calme au Sud
Liban ? En prenant une telle décision,
l'Union européenne n'a pas seulement
commis une faute, elle a compliqué sa
propre situation. Elle est tombée dans
le piège qu'elle s'est elle-même tendu.
Source : French.alahednews
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