Opinion
Palestine, les
mauvaises solutions
Soraya Hélou
Mahmoud
Abbas © REUTERS
Samedi 17 septembre
2011
La
Palestine sera-t-elle le 194 Etat membre
des Nations Unies après avoir obtenu la
résolution 194 du Conseil de sécurité
qui n’a d’ailleurs jamais été appliquée
? Avec la détermination du chef de
l’autorité palestinienne Mahmoud Abbas à
demander une reconnaissance de
l’Assemblée générale de l’ONU de la
proclamation d’un Etat palestinien dans
les frontières de 67, la question se
pose avec acuité. D’ailleurs, la
Palestine est pour une fois la véritable
vedette de cette session de l’Assemblée
générale et dans les couloirs du siège
de l’ONU, il n’est question de cette
initiative. Les Etats-Unis éternels
alliés d’Israël et plus que jamais sous
la coupe du lobby juif veulent à tout
prix la court-circuiter, la France veut
suggérer un report et les autres Nations
sont dans l’expectative.
C’est
que la question de la proclamation de
l’Etat palestinien dans les frontières
de 67 est un véritable casse-tête. Si
sur le plan symbolique, cette démarche
est hautement affective et constitue
pour les millions de Palestiniens la
consécration d’une identité perdue, elle
a toutefois peu de chances de se
concrétiser. L’initiative de Mahmoud
Abbas ne fait d’abord pas l’unanimité
des Palestiniens eux-mêmes, certaines
organisations dont le Hamas refusant une
Palestine qui ne s’étendrait pas sur
tout le territoire d’autant que les
frontières de 67 ne représentent que 22%
de l’ensemble de la terre initiale. De
plus, Mahmoud Abbas est sans doute
assuré d’obtenir le vote favorable d’au
moins 120 Etats membres de l’ONU à
l’Assemblée générale, mais cela ne
donnera à son Etat que le statut de
membre observateur qui n’aura notamment
pas le droit de recourir à la Cour
pénale internationale (Ce qui arrange
énormément les Israéliens qui craignent
toujours d’être poursuivis devant cette
cour pour crimes contre l’humanité).
Pour devenir membre permanent de l’ONU,
il lui faut une décision du Conseil de
sécurité qui doit être adoptée à 9 voix
sur 15, à condition qu’aucun des 5 pays
membres ayant le droit de véto n’utilise
celui-ci. Les Etats-Unis ont assuré
qu’ils n’hésiteraient pas à le faire,
discréditant ainsi leur président Barak
Obama qui en 2009 avait prononcé un
discours au Caire dans lequel il avait
promis un Etat palestinien au plus tard
en 2011. Déjà au plus bas dans les
sondages, et à la veille du début de la
campagne présidentielle, Obama
préférerait éviter d’en arriver au point
d’utiliser son droit de véto. C’est
pourquoi il multiplie les contacts pour
tenter de pousser Mahmoud Abbas à
revenir sur sa décision et à reprendre
les négociations directes avec "Israël".
Si l’on s’en tient à l’inquiétude que
provoque la décision de Abbas aux
Etats-Unis et en "Israël", il faudrait
l’appuyer sans réserves. Mais il ne
s’agit pas que de cela. Sur le plan des
faits, la proclamation d’un Etat
palestinien dans les frontières de 67
aura peu d’impact sur la réalité. Cet
Etat restera des mots sur un papier. Il
n’aura pas de statut d’Etat à part
entière et il signifiera l’abandon du
reste de la Palestine. De plus, cette
initiative met un terme au rêve de
plusieurs millions de Palestiniens de
rentrer un jour chez eux conformément à
la résolution 194 du Conseil de sécurité
qui prévoit le droit au retour pour les
Palestiniens de l’exil. En comparant les
avantages et les inconvénients de cette
démarche, les inconvénients l’emportent
et pour cette raison, il est difficile
de l’appuyer. Mal préparée et mal
calculée, cette démarche ressemble à un
acte désespéré, une sorte de fuite en
avant pour le président de l’Autorité
palestinienne au mandat terminé depuis
des années et qui n’a plus de
possibilité de manœuvre. Ces
conséquences pourraient d’ailleurs être
désastreuses et créer un fait accompli
qui se retournera contre les
Palestiniens eux-mêmes.
La
partie qui se joue à New York est très
délicate et dans un contexte aussi
complexe, alors que le monde arabe dans
son ensemble fait l’objet d’une nouvelle
colonisation occidentale déguisée et
traverse une période d’incertitude et de
turbulences. La menace de Mahmoud Abbas
a eu le mérite de replacer la Palestine
oubliée au cœur de l’actualité
internationale. Mais ce n’est pas une
raison pour rechercher les mauvaises
solutions…
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