Opinion
Enfin libres !
Soraya Hélou
Lundi 21 octobre 2013
Ce n'est pas une libération qui a eu
lieu samedi soir, mais un véritable
échange d'otages entre le Liban et la
Turquie, avec la contribution de la
Syrie. Les neuf pèlerins libanais
détenus à Aazaz depuis dix-sept mois,
alors qu'ils rentraient d'un voyage
religieux en Iran ont été libérés via la
Turquie, moyennant la remise en liberté
des deux pilotes turcs capturés au Liban
et de plus de cent prisonnières de
l'opposition syrienne détenues par le
régime. Le deal tant attendu et espéré
et plusieurs fois annoncé sans succès a
enfin abouti, sans que le secrétaire
général du Hezbollah sayed Hassan
Nasrallah n'ait eu à présenter des
excuses aux ravisseurs comme
l'exigeaient les
ravisseurs, et sans qu'il apporte le
moindre changement à ses prises de
positions politiques à l'égard du
conflit syrien. Au contraire, lorsque
les pèlerins libanais ont été enlevés en
mai 2011, le Hezbollah n'avait pas
encore commencé à participer aux combats
en Syrie, aux côtés des forces du
régime. Il se contentait d'appeler, par
la voix de son secrétaire général, à une
solution politique par le dialogue. Ce
n'est que plus tard, et alors que les
Libanais étaient déjà entre les mains de
«la brigade de la tempête du Nord»
(relevant de l'Armée Libre de Syrie),
que le Hezbollah est directement
intervenu dans le cours des combats à
Qousseir. En attendant, on avait eu
droit sur la plupart des chaînes de
télévision locales à des reportages en
long et en large sur «l'hospitalité
d'Abou Ibrahim» le ravisseur en chef,
qui avait compris l'avantage qu'il
pourrait tirer de la complaisance des
médias libanais pour tenter de faire
pression sur l'opinion publique interne
libanaise et en particulier sur les
partisans du Hezbollah. Pendant des
semaines, les chaînes ont donc rivalisé
de reportages sur Abou Ibrahim qui
présentait la capture des Libanais comme
une juste punition du Hezbollah pour ses
positions en Syrie. Abou Ibrahim a
finalement disparu, happé par les
combats dans la région d'Aazaz, mais le
dossier des 9 pèlerins est resté coincé
entre la Turquie et l'opposition
syrienne. Le tandem Marwan Charbel-Abbas
Ibrahim a multiplié les allers-retours à
Ankara et à Doha pour tenter d'aboutir à
un déblocage mais rien ne se passait de
concret.
Il était clair que le Hezbollah ne
cèderait pas sur des questions aussi
essentielles que son intervention en
Syrie et en tout cas pas par le biais de
ce chantage injuste qui utilise la vie
d'innocents chiites et les autres
parties concernées cherchaient une issue
honorable à l'impasse dans laquelle
elles s'étaient fourrées. C'est dans ce
contexte, où les ravisseurs et ceux qui
les protègent ont compris qu'ils
détenaient une carte qui n'avait plus de
valeur, puisque personne ne voulait
l'acheter, que les combats sont
intervenus, entre les forces d'Al Qaëda
dites «l'Etat islamique en Irak et au
Levant» et la brigade de la tempête du
Nord dans la région d'Aazaz. Ce sont les
forces d'Al Qaëda qui ont remporté les
combats, chassant pratiquement l'ASL de
cette zone avec ses otages qui ne
pouvaient que se réfugier en Turquie. La
Turquie ne pouvait que les abriter,
devenant ainsi directement impliquée
dans l'affaire et cherchant sérieusement
à trouver une issue honorable à cette
curieuse affaire. Entre-temps, le Qatar,
qui était un des principaux soutiens de
l'ASL, avait changé d'émir et de
politique, cherchant un moyen de
retrouver son vieux rôle de médiateur
dans la région, abandonné au profit de
sa radicalisation aux côtés de
l'opposition syrienne. C'est qu'aussi,
dans cette période, de grands
changements régionaux et internationaux
avaient eu lieu, notamment avec l'accord
russo-américain sur les armes chimiques
syriennes et l'ouverture américaine en
direction de l'Iran, sans parler de
l'éviction du président égyptien soutenu
par Ankara et Doha. Aussi bien la
Turquie que le Qatar ont alors compris
qu'un changement important était en
train de se produire dans la région et
que l'affaire des détenus d'Aazaz
pouvait servir d'occasion pour adopter
une nouvelle position au sujet des
dossiers régionaux. Mais, comme il
fallait sauver la face, l'idée de faire
un échange avec des prisonnières de
l'opposition syrienne détenues par le
régime syrien est arrivée à point nommé
pour donner l'impression qu'il y a eu
une contrepartie qui profite à
l'opposition syrienne. Mais en réalité,
la véritable contrepartie était la
libération des deux pilotes turcs qui
commençait à peser lourdement sur
l'intérieur turc, à la veille
d'élections municipales risquées pour le
parti du Premier ministre déjà affaibli
par la contestation populaire et
l'incapacité de trouver une solution au
dossier kurde. Voilà comment, un
contexte favorable a permis l'échange de
détenus entre le Liban et l'opposition
syrienne, avec l'aide de l'Autorité
palestinienne, de la Turquie, du Qatar
et bien sûr du régime syrien, en sauvant
la face de toutes les parties, et sans
que le Hezbollah n'ai eu à faire la
moindre concession. Un seul oublié de la
fête, le Courant du Futur qui avait cru
pouvoir tirer profit de ce sinistre
enlèvement. Mais cela est une autre
affaire, qu'en ces jours de joie, il
n'est pas bon d'évoquer. Un jour viendra
sans doute où le dossier des détenus d'Aaazaz
révélera tous ses secrets...
Source : French.alahednews
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Publié le 21 octobre 2013
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