Opinion
Le Pape... et nous
!
Soraya Hélou
Mercredi 19 septembre 2012
L’avion du Pape
Benoît XVI était encore dans le ciel
libanais et déjà les différentes parties
politiques ont commencé à interpréter le
contenu de l’exhortation apostolique et
les positions du Vatican. C’est surtout
vrai pour le camp du 14 mars qui a
commencé à envahir les chaînes de
télévision et les médias pour affirmer
que Sa Sainteté le Pape Benoît XVI a
appuyé "le printemps arabe", en
demandant aux chrétiens du Moyen Orient
de ne pas avoir peur. Pourtant, dans
aucun de ses discours, le Pape n’a
déclaré son appui au "printemps arabe".
Il a même été plus loin condamnant sans
équivoque l’envoi d’armes en Syrie
(allant jusqu’à le qualifier de péché)
et l’écoulement du sang, en répétant à
plusieurs reprises qu’il prie pour les
Syriens. Le message du chef de l’Eglise
catholique est bien au-delà des
considérations de la petite politique.
Il se résume ainsi : les chrétiens ne
sont pas des passants dans cette région
et leur présence y est ancrée depuis la
naissance du Christ, il y a plus de deux
mille ans. Les chrétiens sont appelés à
avoir les meilleures relations avec
leurs frères musulmans car dans cette
région, ils ont un avenir et un sort
communs. Le Liban est un modèle de
coexistence dans la région et dans le
monde qu’il faut préserver, non
seulement pour le bien des Libanais mais
aussi pour celui de l’ensemble des
populations de la région et du monde en
général. Le Pape a certes demandé aux
jeunes de ne pas avoir peur, de ne pas
quitter leurs pays à la recherche
d’autres horizons qu’ils croient être
plus bienveillants et de rester fidèles
à leurs origines et à leurs croyances.
Pas parce qu’il ne faut pas craindre la
montée des extrémismes comme se sont
empressées de le clamer certaines
figures du 14 mars, mais parce qu’il
faut justement condamner la violence et
l’extrémisme.
Au moment où la
montée du radicalisme islamique menace
la présence des minorités au Moyen
Orient, le Pape Benoît XVI, qui est un
des idéologues de l’Eglise catholique, a
donc appelé les fidèles à s’accrocher à
la diversité et à la préserver car elle
est un enrichissement pour la région, et
un modèle pour le reste du monde. Aux
Occidentaux qui regardent avec fatalisme
le nombre réduit des chrétiens dans la
région, en comparaison à la marée
musulmane et qui sont donc prêts à les
sacrifier pour la cause supérieure de
leurs intérêts politiques et
économiques, le Pape Benoît XVI a
rappelé l’importance de la diversité
religieuse dans la région et celle de la
présence chrétienne. Ce sont les thèmes
principaux qui sont revenus dans les
discours qu’il a prononcés à diverses
étapes de son voyage au Liban, au cours
desquelles il a aussi rappelé les
fondements de l’Eglise catholique qui
reposent sur l’amour (contre la haine et
la violence) et sur le pardon et le
dialogue.
Autant de thèmes qui n’ont absolument
rien à voir avec les polémiques
politiques intérieures qui occupent sans
relâche les médias libanais. Malgré
cela, des figures du 14 mars, notamment
des chrétiens, ont trouvé moyen de
chercher à « libaniser » un message qui
va bien au-delà des
considérations
de politique interne. Ces figures-là
sont incapables de voir au-delà de leurs
petits intérêts et craignent avant tout
de froisser leurs alliés musulmans, qui
d’ailleurs, se sont bien gardés de
commenter la manifestation violente à
Tripoli qui a fait un mort et plusieurs
blessés, le jour même de l’arrivée du
Pape au Liban. De plus, ils voulaient à
tout prix éviter de laisser le Pape
évoquer le drame des chrétiens de Syrie,
chassés de chez eux par leurs alliés qui
saccagent au passage les églises et les
divers lieux de culte. Ce souci virait à
l’obsession et pour s’en convaincre, il
n’y a qu’à revoir leurs médias et la
façon dont ils ont interprété à leur
convenance le discours du Pape. Quand le
Pape s’adresse aux chrétiens et aux
musulmans du Moyen Orient, ils ne
veulent voir qu’un appui au printemps
arabe et quand San Sainteté demande aux
jeunes de ne pas avoir peur, ils ne
veulent comprendre qu’un appui aux
jeunes de l’opposition syrienne qui ne
devraient pas avoir peur du « Grand
méchant régime ». Ils ne sont sans doute
pas programmés pour assimiler le message
du Pape dans toute sa profondeur. Et le
texte de l’exhortation apostolique, ils
l’ont sans doute déjà rangé dans un
tiroir qu’ils n’ouvriront plus
jamais…Même à la parole de Dieu ou de
ceux qui peuvent parler au nom de
l’Eglise, n’est plus sourd que celui qui
ne veut pas entendre… Voilà comment, une
partie des chrétiens et des Libanais a
raté son rendez-vous avec le Pape qui
pourtant a tracé une voie pour l’avenir
de la région.
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