Opinion
Lorsque 15% des
électeurs décident pour tout le monde
Soraya Hélou
Mercredi 17 octobre 2012
Aux dernières estimations le
président Barack Obama aurait repris du
poil de la bête et devancerait son rival
Mitt Romney de plusieurs points. Certes,
d’autres sondages donnent encore des
résultats serrés et montrent que dans
l’élection présidentielle américaine qui
doit se tenir le 4 novembre, rien n’est
encore définitivement joué. Pour la
plupart des spécialistes, l’issue finale
du scrutin devrait dépendre du troisième
débat télévisé entre les deux candidats
rivaux qui doit se tenir la semaine
prochaine en Floride. Le premier a
tourné à l’avantage de Romney qui s’est
montré plus agressif, attaquant Obama
sur son bilan interne, alors que
l’occupant actuel de la Maison Blanche
aurait été jugé terne et manquant de
flamme par les téléspectateurs. Mais le
second face-à-face télévisé a au
contraire été plus avantageux pour Obama
qui est passé à l’attaque. Il faudra
donc attendre le troisième débat pour
connaître l’identité du futur président
de la première puissance du monde. Quand
on pense que le sort de la planète
dépend d’un programme de télévision, on
mesure l’ampleur de la place prise par
les moyens de télécommunication dans les
décisions politiques, même les plus
importantes. C’est un constat
particulièrement inquiétant qui montre
surtout les dérives de la démocratie à
l’occidentale. Les électeurs ne
choisissent pas leurs candidats selon
des programmes ou des idées mais sur
leur façon de parler et sur leur
attitude devant les caméras. Quand on
pense aussi que face à ce phénomène, le
plus important budget d’une campagne
présidentielle occidentale est consacré
désormais aux conseillers en
communication et non aux économistes ou
aux spécialistes de stratégie… Les
conseillers en communication veillent
aux moindres détails de toute
apparition, télévisée ou non, de leur
client : comment il s’habille, les
gestes qu’il doit accomplir, la mèche
qui tombe, le sourire, l’attitude…Rien
n’est laissé au hasard. Même une boutade
qui paraît naturelle a été en fait
soigneusement trouvée par un humoriste
et apprise par le candidat. C’est donc
sur ces détails que va porter le choix
des électeurs américains. Selon les
dernières estimations, la plupart
d’entre eux aurait déjà fait leur choix
et il ne resterait plus que 15% qui
hésitent encore. Mais ces 15% sont eux
qui choisiront le président américain et
l’homme le plus puissant du monde.
La question qui se pose est donc la
suivante : dans quelle dérive
sommes-nous aujourd’hui, puisque le sort
du monde est décidé par 15% des
électeurs américains, qui font leur
choix, non pas sur les idées et les
programmes, mais sur l’attitude, la
télégénie et ce qu’on appelle désormais
le look du candidat? On est bien loin de
l’ère des grands hommes et des grandes
idées. Aujourd’hui, nous sommes à
l’époque de la communication et c’est le
meilleur communiquant qui l’emporte. Au
siècle de l’image, où les dirigeants du
monde occidental ont un œil sur la
caméra et l’autre sur les sondages, on
ne doit plus s’étonner que le monde soit
en crise. On doit juste se demander
jusqu’où ira cette crise… Aux partisans
d’Obama et de Romney d’en tirer les
conséquences et aux 15% des électeurs
encore hésitants d’assumer leur
responsabilité face à la planète entière
!
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