Liban
Le piège du
faucon...
Soraya
Hélou
Mardi 11 décembre 2012 Jusqu’à quand le 14 mars peut-il
continuer à prendre les Libanais pour
des imbéciles ? La question se pose avec
plus d’acuité depuis les démentis plus
ou moins hystériques du député Okab Sakr
«le faucon du printemps arabe» selon le
surnom que lui a donné un journaliste du
14 mars aux enregistrements diffusés par
la chaîne OTV et le journal Al Akhbar.
Alors comme cela, le député si soucieux
de sa mission envers ses électeurs, a
tendu un piège à ses détracteurs en
accordant une interview au quotidien
saoudien Al Chark al Awsat dans laquelle
il reconnaissait que les enregistrements
étaient vrais et il affirmait sa fierté
d’aider l’opposition syrienne. Drôle de
façon de tendre un piège surtout dans un
quotidien saoudien qui ne doit
certainement pas être satisfait d’être
utilisé pour diffuser des mensonges. De
plus, le message essentiel de cette
interview n’était pas de confirmer ce
qui était déjà certain, mais d’affirmer
que le député a agi de son propre chef
et que son maître cheikh Saad Hariri
n’était pas au courant de ses activités.
Sachant que cheikh Saad réside le plus
clair de son temps en Arabie saoudite,
on comprend mieux l’importance pour Okab
Sakr d’innocenter son patron face aux
propres patrons de celui-ci. Vivant dans
un pays démocratique et étant lui-même
un grand démocrate cheikh Saad ne
pouvait en effet pas assumer un tel rôle
ouvertement, sans l’autorisation de ses
parrains. Donc, Okab Sakr a tendu un piège à ses
détracteurs en commençant par
reconnaître les enregistrements. De quel
piège s’agit-il? Il ne le précise pas et
selon quelle logique ? Inutile de
chercher à comprendre, il n’y a pas
d’explication. Il s’est contenté de
diffuser les «vrais enregistrements»,
une semaine après la diffusion des faux.
Ce qui donne le temps de les travailler
pour ajouter des extraits, avec la
grande technologie dont dispose «le
député faucon» et ses appuis.
D’ailleurs, les experts ont aussitôt
noté que les extraits diffusés dans les
enregistrements de Okab Sakr sont plus
nets que les conversations diffusées par
ses détracteurs. Mais bon, ces détails
techniques sont laissés à la justice. Ce
qui compte c’est que Okab Sakr a agi par
esprit de solidarité avec un souci
humanitaire, distribuant du lait et des
couvertures à ceux qui ont fui les
combats dans leur pays. C’est vraiment
touchant. Mais une telle mission, aussi
importante soit-elle, exige-t-elle de
rester plus de 22 mois aux environs des
camps de réfugiés ? N’y a-t-il pas des
ONG dont c’est le métier et qui
disposent des mécanismes nécessaires
pour accomplir une telle mission ?
Signalons d’ailleurs que ces ONG ne
laissent pas en poste leurs membres dans
un même lieu plus d’un an dans le
meilleur des cas, pour éviter une
lassitude ou au contraire des liens trop
étroits avec les réfugiés. Mais Okab
Sakr est lui, un grand humaniste. Il
s’est totalement dévoué à la cause des
réfugiés syriens à la frontière turque
et nulle part ailleurs et il croit,
selon une vieille méthode, qu’en
multipliant les insultes et en haussant
le ton, il va convaincre ses auditeurs
et surtout détourner l’attention de ses
détracteurs en leur créant un nouveau
sujet d’inquiétude et en plaçant
l’affaire entre les mains de la justice
en espérant qu’elle y restera le plus
longtemps possible, c’est-à-dire après
la chute du régime syrien qu’il estime
rapide et inéluctable. Depuis un an et dix mois, c’est en effet
le seul projet du 14 mars : la chute du
régime syrien et comme elle se fait
attendre, ils essaient d’accélérer le
processus, quitte à entraîner leur pays
et leurs partisans dans la tourmente
syrienne, tout en essayant de s’abriter
derrière la tension confessionnelle pour
cacher leurs méfaits et l’échec jusqu’à
présent de leur grand projet. Il n’y a
d’ailleurs pire que les démentis de Okab
sakr que la déclaration d’un de ses
collègues membres du Courant du Futur
sur une chaîne libanaise qui affirmait
que c’est Facebook qui a provoqué les
derniers combats de Tripoli à cause des
commentaires désobligeants adressés aux
compagnons de ceux qui sont morts à Tell
Kalakh. Mais ces gens-là se fichent pas
mal de leurs jeunes qu’ils envoient à la
mort et des morts que peuvent provoquer
leurs armes. Ils ne pensent qu’à leur
obsession, la chute du régime syrien.
Mais il reste une question à poser au
«député faucon» : si son interview au
Chark el Awsat était un piège, les
déclarations de ses collègues du bloc du
Futur qui se sont empressés de se
désolidariser de lui, en disant qu’il
n’est pas membre du Courant du Futur,
faisaient-elles aussi partie du scénario
? Décidément, le ridicule ne tue pas…
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