Alahed
Maaloula, la ville
blessée
Soraya Hélou
Mardi 10 septembre 2013
Pire encore que les combats dans la
ville presque sainte de Maaloula, la
seule du monde où les habitants parlent
encore la langue de Jésus, l’araméen,
est la polémique politique qui se
développe autour d’elle. Et pire encore
que cette polémique politique, c’est le
silence coupable des médias occidentaux
et celui des responsables des grandes
démocraties, qui pourtant se préparent à
aller en guerre contre la Syrie, sans
tenir compte de leurs opinions publiques
peu soucieuses de se lancer dans une
nouvelle aventure militaire.
Le spectacle est tellement affligeant
qu’on n’arrive plus à trouver des mots
pour le qualifier ou le décrire. Plus de
5000 chrétiens, selon l’«Observatoire
des Droits de l’Homme» (pourtant proche
de l’opposition syrienne), ont été
contraints à l’exode, alors que des
groupes proches d’al-Qaïda ont investi
la localité et s’en prennent à ses
symboles religieux, notamment l’église
historique de Sarkis et Bakhos et celle
de Saint Elias. Malgré cela, les pôles
chrétiens du 14 mars n’ont qu’un souci,
nier les faits pour ne pas être
critiqués par leurs bases respectives
pour être les alliés objectifs de ceux
qui détruisent les églises et poussent
les chrétiens à l’exode. On a ainsi eu
droit la semaine dernière à une
pertinente déclaration du secrétaire
général du 14 mars, l’ancien député
Farès Souhaid qui avait estimé que
l’attaque de Maaloula est «un coup du
régime syrien». Pourtant, n’en déplaise
au M. Souhaid, les vidéos mises en ligne
par l’opposition syrienne elle-même
montrent bien que la localité chrétienne
a été investie par les combattants
proches du Front al-Nosra. Il y en a
même qui est encore plus pathétique que
les autres puisqu’elle montre deux
sœurs, photographiées de loin pour qu’on
ne voit pas la terreur dans leurs yeux
et auxquelles un interlocuteur invisible
enjoint de raconter comment elles ont
été traitées par les extrémistes. D’une
voix tout sauf convaincante, les deux
sœurs précisent qu’elles sont bien
traitées et leurs mots tremblants (on
peut voir la vidéo sur youtube) sont
plus poignants à entendre que les images
les plus cruelles.
Au point que l’on se demande pourquoi
elles sont restées sur place, alors que
les habitants sont partis? Justement,
elles ont écouté ceux qui leur disaient
qu’elles n’avaient rien à craindre et
qu’il fallait bien garder ces églises si
précieuses pour les chrétiens mais aussi
pour l’humanité tout
entière. Farès Souhaid, ce grand
«défenseur de la démocratie et des
libertés» n’a que faire de ces détails.
Tout comme il refuse de tenir compte du
fait que l’attaque de Maaloula a
commencé par un attentat suicide contre
le barrage de l’armée syrienne à
l’entrée de la localité. Cette attaque
qui ne peut avoir été accomplie que par
un extrémiste -puisque ce sont les seuls
à utiliser ce genre de procéder- a tué
tous les soldats en poste au barrage et
a facilité l’entrée des combattants de
l’opposition dans la ville. D’ailleurs,
après des affrontements intermittents,
lundi le 9 septembre, l’opposition a
affirmé qu’elle contrôle désormais la
localité. Comment dans ce cas, le régime
pourrait-il avoir monté le coup, au
risque de perdre cette zone et de donner
une victoire gratuite à l’opposition?
Comprenant que M. Souhaid avait fait une
déclaration le moins qu’on puisse dire
est qu’elle inopportune, le chef des
Forces libanaises Samir Geagea a voulu
rectifier le tir lundi et il n’a rien
trouvé de mieux que d’affirmer que
«l’opposition qui contrôle Maaloula
n’est pas djihadiste». «Ce sont des
membres de l’Armée libre de Syrie». Dans
ce cas, pourquoi les églises ont-elles
été attaquées et pourquoi dans la vidéo
postée sur youtube, les deux sœurs ne
précisent pas
l’identité de nouveaux occupants de la
localité? Et si ces membres de
l’opposition sont si rassurants,
pourquoi les habitants de la ville
ont-ils fui les lieux? Combien de
chrétiens doivent-ils encore mourir ou
quitter leurs maisons et leurs villages
pour que les chrétiens du 14 mars
reconnaissent enfin qu’ils ont fait les
mauvais choix et qu’ils sont les alliés
directs ou non, volontaires ou non, d’al-Qaïda
et du Front al-Nosra?
Mais en réalité, comment leur en
vouloir, puisque leurs maîtres en
Occident, ne font pas mieux? C’est à
peine si les médias occidentaux
mentionnent Maaloula dans leurs
bulletins télévisés ou dans leurs
articles, sans parler de l’exode des
chrétiens et des destructions
systématiques des symboles chrétiens.
Ils se contentent de l’évoquer comme
s’il s’agissait d’une bataille banale
dans la lutte que se livrent les forces
du régime et celles de l’opposition.
L’Occident chrétien -qui n’a d’ailleurs
plus de chrétien que le nom- se soucie
bien peu de ces villages à l’origine du
christianisme et de ces lieux de
pèlerinage qu’ils ne visiteront jamais.
Ils ont bien oublié al-Qods occupée
(Jérusalem), sacrifiant leur foi à
l’autel des intérêts économiques et de
ceux des Israéliens. Tout ce qui compte
à leurs yeux, c’est que le régime syrien
soit brisé et avec lui l’axe de la
résistance. Même si pour cela, les
chrétiens de la région doivent en payer
le prix et si les extrémistes d’al-Qaïda
risquent de contrôler la Syrie et les
pays voisins. Drôle de stratégie qui
pousse l’Occident à s’allier à son
ennemi pour se débarrasser d’Assad et de
ses alliés. On aurait cru pourtant que
la leçon de l’Afghanistan avait été
concluante…
Source: french.alahednews
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Publié le 12 septembre 2013
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