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Opinion
La fuite en avant de
cheikh Saad
Soraya Hélou
Saad Hariri
Samedi 9 avril 2011 Comme dans une fuite en avant, pour faire
oublier ses déclarations scandaleuses dans le cadre de «
Wikileaks », le Premier ministre chargé des affaires courantes
Saad Hariri a ouvert un nouveau front dans un pays qui ne sait
plus quel dossier traiter tant les problèmes y sont nombreux. Il
a ainsi choisi de déclarer la guerre à l’Iran, refusant, selon
ses propres termes, que le Liban devienne un protectorat
iranien. Comme si la question était aujourd’hui à l’ordre du
jour.
En entendant cette déclaration, les Libanais se sont demandés si
les Gardiens de la Révolution avaient brusquement débarqué à
Beyrouth pour obliger le Premier ministre désigné à former un
gouvernement. Outre qu’elle est grotesque parce qu’injustifiée,
la déclaration de Saad Hariri est aussi dangereuse. Pour le chef
d’un camp qui se prétend souverainiste et qui prône
l’indépendance du pays, cette déclaration résonnait étrangement
en écho avec celles du secrétaire d’Etat à la Défense américain
Robert Gates en visite en Arabie saoudite. Ce dernier avait
ainsi accusé l’Iran d’appuyer l’opposition à Bahrein et de
vouloir augmenter son influence dans les pays du Golfe, et voilà
que cheikh Saad s’insurge contre les interventions américaines
dans les pays du Golfe et refuse que le Liban se transforme en
protectorat iranien.
En politique, les coïncidences sont rares, surtout avec
cheikh Saad qui n’a pas toujours brillé par son esprit
d’initiative. Il y a quelques mois encore, le même Saad Hariri
était en visite en Iran où il était accueilli en grandes pompes
et il déclarait alors que l’Iran est un pays ami, soucieux
d’aider le Liban. Il avait même signé plusieurs protocoles de
coopération dans de nombreux domaines avec la République
islamique d’Iran. Que s’est-il passé entre-temps pour qu’il
change aussi radicalement d’avis? La question mérite d’être
posée, même si depuis qu’il a commencé à faire de la politique,
cheikh Saad n’a pas fait preuve d’une grande cohérence.
Un jour c’est la Syrie qui a tué son père, le président
martyr Rafic Hariri et le lendemain, il s’insurge contre ceux
qui ont cherché à nuire aux relations libano-syriennes. Un autre
jour, il se veut le grand défenseur de la résistance contre
Israël et le lendemain il brandit comme slogan « non aux armes
en dehors du cadre de l’Etat ». Désormais, c’est le tour de
l’Iran. Chez lui, c’est donc à la demande. Il change d’avis
selon les instructions de ses protecteurs, indifférent au mal
que ses positions intempestives peuvent causer à son pays et à
ses concitoyens.
D’ailleurs, comment pourrait-on accorder foi à ses déclarations,
après les révélations du site
« Wikileaks » qui ont bien montré que l’homme est prêt à tout
pour servir les intérêts américains et qu’il s’est même retrouvé
en train de supplier l’ambassadeur des Etats-Unis à Beyrouth de
lui donner une chance pour « en finir » (le terme qu’il a
utilisé était bien moins élégant) avec le Hezbollah…en 2006,
c'est-à-dire en pleine guerre israélienne contre le Liban. Un
responsable capable de tenir de tels propos au moment où les
avions ennemis font pleuvoir leurs bombes mortelles sur les
civils innocents, peut-il avoir encore la moindre crédibilité?
Pourtant, cheikh Saad continue d’avoir des partisans et mobilise
une partie des Libanais, entraînée par la vague confessionnelle
qui est en train de grandir dans la région. Saad Hariri qui, il
y a quelque temps encore, refusait d’entraîner le Liban dans la
politique des axes, vient une fois de plus de le placer dans le
sillage américain, comme si ce petit pays qui a déjà tant
souffert des problème régionaux devait une fois de plus payer
pour le conflit entre les Etats-Unis et la République islamique
d’Iran.
Quel intérêt a donc Saad Hariri en aiguisant les dissensions
internes et confessionnelles? Un responsable digne de ce nom
utilise-t-il de tels procédés? Les Libanais qui avaient encore
des illusions devraient ouvrir tout grands leurs yeux et leurs
oreilles: la chute de son gouvernement a montré Saad Hariri dans
toute sa réalité: un petit pion américain qui avance et recule,
ouvre des guerres et lance des polémiques à la demande de ses
sponsors. C’est en réalité une bien piètre image de sa propre
famille et de son leadership qu’il donne ainsi à tous les
Libanais. Personne ne devrait plus être dupe. D’ailleurs, de
grandes personnalités sunnites se sont empressées de critiquer
ses propos sur le protectorat iranien. Le Premier ministre
Mikati, mais aussi l’ancien Premier ministre Sélim Hoss et ce
n’est qu’un début. En dépit de tous les problèmes qui continuent
à secouer la scène libanaise, les Libanais n’ont pas perdu leur
sens national, ni la conscience de leurs propres intérêts. Ils
savent très bien que dans une région qui traverse une zone de
turbulences, il vaut mieux resserrer les rangs internes et
tenter d’épargner leur pays. Le Liban n’a que faire d’un nouvel
affrontement, surtout si on veut le pousser à combattre le pays
qui a le plus appuyé la cause palestinienne au cours de ces
dernières années… En tout cas bien plus que les Etats-Unis dont
cheikh Saad veut être le pion.
Article publié sur Résistance islamique au Liban
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