Opinion
Le discours d'Assad
marque un tournant
Soraya
Hélou
Mercredi 9 janvier
2013 En dépit du rejet systématique de la
communauté occidentale de tout ce que
fait le président syrien Bachar Assad,
son dernier discours a surpris aussi
bien à l’intérieur de son pays qu’à
l’extérieur. Il est d’abord intervenu à
un moment où l’armée syrienne est en
train de marquer des points sur le
terrain, ayant réussi à empêcher
l’opposition de s’emparer de l’aéroport
de Damas et de celui d’Alep, tout comme
elle a expulsé les rebelles d’une zone
stratégique Balbaa à Homs. Alors qu’à la
fin de 2012, l’opposition et ses alliés
et parrains régionaux et internationaux
se comportaient comme si le régime
syrien était quasiment mort, le voilà
qui a repris l’initiative sur le terrain
et sur le plan politique avec le
discours de Bachar Assad. Ce dernier
s’est donc posé en interlocuteur et en
partie de la solution. Il a même
présenté un plan de sortie de crise qui
n’exprime pas le point de vue d’un
perdant, mais celui d’un responsable
soucieux d’arrêter le bain de sang dans
son pays. Indépendamment de l’accueil négatif que
lui a réservé la communauté
internationale, ce discours marque un
tournant dans les développements en
Syrie. Il montre d’abord que près de
deux ans après le déclenchement des
troubles dans ce pays, le régime tient
encore le coup tant sur le terrain que
sur le plan international avec des
alliances solides qui ont résisté à
toutes les menaces et à tous les appâts
occidentaux. Deux ans après, la
confusion est donc dans le camp de
l’opposition qui a perdu l’élan
populaire des débuts, lorsqu’une partie
de la population croyait qu’il
s’agissait d’un mouvement réclamant la
démocratie. Désormais, l’opposition est
tiraillée entre ses divers courants et
semble de plus en plus à la merci des
takfiristes et autres Jabhet el Nosra.
Au point d’ailleurs que c’est parce
qu’il se sentait complètement
marginalisé et essuyait un flot de
critiques que le chef de l’ASL, le
colonel Riad el Assaad a été contraint
de se faire filmer en train d’effectuer
une tournée dans le Nord de la Syrie
selon ses dires tombé entre les mains
des rebelles. Il a donc fait quelques
pas sous l’œil des caméras dans un lieu
non identifié, probablement à la
frontière turque pour tenter de
convaincre les Syriens qu’au bout de
deux ans de combats féroces, il a enfin
réussi à gagner du terrain et à
reprendre l’initiative. Mais nul
n’ignore que si l’opposition a pris le
contrôle de certaines régions éloignées
et peu peuplées, ce n’est pas l’ASL qui
l’a fait, mais bien les groupes
takfiristes qui n’ont rien à voir avec
le tissu social syrien. Sur le plan international et régional,
le régime est aussi plus confiant.
C’était d’ailleurs clair dans le
discours d’Assad. Ce dernier a remercié les Etats qui l’ont appuyé et qui ont
montré qu’ils ne sont pas prêts à
changer de stratégie, en dépit des paris
lancés pendant des mois par les
Etats-Unis et leurs alliés. Ceux-ci ont
longtemps cru pouvoir pousser la Russie
et la Chine à se rallier à leur point de
vue mais les vétos successifs au Conseil
de sécurité les ont fait déchanter. Plus
encore, le plan proposé par le président
syrien a été annoncé juste après la
visite officielle du vice ministre des
AE Fayçal Mokdad à Moscou et il est donc
le fruit de concertations avec les
alliés du régime. Le front formé par le
régime et ses alliés reste donc solide
et cohérent. Ce qui n’est pas forcément
le cas dans le camp adverse. La Turquie
est menacée sur le plan interne avec la
grogne kurde et alaouite et l’Arabie
saoudite est visiblement soucieuse de
renouer les contacts avec le régime. Des
informations de presse ont ainsi révélé
qu’une rencontre a eu récemment lieu
entre le prince Abdel Aziz (fils du roi)
et des officiers syriens en Jordanie,
alors qu’au cours de leur dernière
rencontre, les ministres saoudien et
égyptien des AE se sont prononcés
officiellement en faveur d’une solution
politique en Syrie. On est loin de la
période pendant laquelle l’émir Saoud al
Fayçal réclamait fortement l’armement
des rebelles syriens pour qu’ils en
finissent avec le régime d’Assad. Ce
dernier a d’ailleurs bien saisi le
changement puisque contrairement à ce
qu’il faisait dans ses précédents
discours, il a soigneusement évité cette
fois-ci de critiquer l’Arabie. Certes,
la crise syrienne n’est pas encore finie
et nul ne peut prédire quand une
solution sera trouvée. Mais ce qui est
sûr, c’est que de jour en jour, le
régime montre sa solidité et sa
cohérence, face à une opposition
divisée, incohérente et incapable,
malgré l’argent, les pressions et les
armes à renverser l’équation.
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