Opinion
Ingérences
américaines et souci de souveraineté
Soraya Hélou
Maura Connelly
Vendredi 7 octobre
2011
Si
soucieux en apparence des droits et des
libertés des peuples (surtout arabes,
car en Corée du Nord par exemple ou dans
certains Etats du Caucase, il n’est pas
question de mettre en difficulté les
régimes en place pourtant peu réputés
pour leur démocratie), les américains se
comportent toutefois comme si le Liban
était une province chez eux. Sans la
moindre honte, l’ambassadrice des
Etats-Unis au Liban, Etat souverain et
membre fondateur de l’ONU, a demandé au
ministre de la Défense Fayez Ghosn de
protéger les opposants syriens réfugiés
sur son territoire. Auparavant, les
responsables américains rencontrés à New
York et à Washington par le Premier
ministre Négib Mikati et par le ministre
des Finances Mohammed Safadi leur
avaient clairement demandé d’avoir un
droit de regard sur les dépôts syriens
dans les banques libanaises qui
s’élèveraient à près de 4 milliards de
dollars. L’idée est d’utiliser le Liban
pour resserrer les sanctions sur le
régime syrien et d’en faire un refuge et
un terrain d’action pour l’opposition
syrienne. Selon des sources
ministérielles, les responsables
américains auraient déclaré à leurs
interlocuteurs libanais en gros ce qui
suit : nous voulions bien comprendre
votre position délicate au Conseil de
sécurité et nous serions même prêts à
attendre un peu pour le financement du
TSL, mais vous devez nous aider
concrètement pour isoler le régime
syrien et l’affaiblir économiquement.
Les derniers rapports américains
montrent en effet que ce régime a besoin
d’environ un milliard de dollars par
mois pour se maintenir au pouvoir et ses
réserves financières seraient de 17
milliards de dollars. En gros, il
pourrait tenir encore un an et demi.
Mais avec une pression grandissante, il
pourrait s’effondrer avant. Le Liban
doit donc jouer son rôle dans ce
scénario et Mrs Connelly ainsi que les
responsables américains sont convaincus
qu’il doit exécuter leurs ordres,
surtout si le gouvernement veut rester
en place.
Est-ce du chantage ? Non, c’est cela le
respect de la démocratie et de la
souveraineté et de la liberté des
peuples selon les américains qui
considèrent que le monde entier est à
leur service et doit être honoré qu’ils
daignent lui demander quelque chose. Que
des Libanais soient soucieux de leur
indépendance et de l’intérêt de leur
pays les dépasse complètement. Ils sont
tellement habitués à dicter leurs
instructions à leurs alliés sans même
écouter leur opinion qu’ils sont soudain
pris de court. Si un petit pays divisé
comme le Liban se met à se rebeller, que
faut-il attendre des grands ? Pour les
Américains, une telle hypothèse n’est
même pas à envisager. C’est pourquoi ils
ne prennent même pas de gants pour
exprimer leurs exigences et ne cherchent
même pas à leur donner un aspect de
respect de la souveraineté des Etats et
des peuples. L’ambassade américaine a
exprimé elle-même ses demandes dans un
communiqué, sans honte et sans égard. Si
les régimes syrien et iranien s’étaient
permis bien moins que cela quelle aurait
été la réaction du 14 mars ? Un tollé de
protestations et d’invectives sur les
ingérences de ces deux pays dans les
affaires libanaises. Mais quand cela
vient des Etats-Unis, ils gardent un
silence prudent. Heureusement qu’au
Liban, il existe encore des
nationalistes sincères qui savent
s’opposer aux diktats et qui ont à cœur
les intérêts de leur pays et ceux de la
région. Eh oui, c’est peut-être un petit
pays comme le Liban divisé qui donnera
une bonne leçon de respect des autres à
ceux qui se croient les maîtres du
monde…
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