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Opinion
Le nouveau pari de
cheikh Saad
Soraya Hélou

Saad Hariri
Jeudi 3 mars 2011
Les choses ont le mérite d’être désormais claires. L’ancien
Premier ministre Saad Hariri a enfin décidé de ne plus cacher
ses sentiments et d’exprimer tout haut ce qu’il a pensé tout bas
pendant des années, notamment lorsqu’il présidait un
gouvernement d’union nationale qui avait consacré dans sa
déclaration ministérielle la fameuse équation en or « l’armée,
la population et la résistance ». Dans son discours de lundi à
Koraytem Saad Hariri a ainsi estimé que « rien ne va avec les
armes du Hezbollah », faisant de la lutte contre ces dernières,
le grand titre de son opposition contre le Premier ministre
Mikati et la nouvelle majorité. Un point mérite toutefois d’être
relevé: l’appui à la résistance et à ses armes reconnu par Saad
Hariri
lui-même dans le gouvernement qu’il a présidé et dans toutes ses
déclarations pendant et après l’accord de Doha qu’il a
lui-même signé et au cours de ses entretiens de plusieurs heures
avec le secrétaire général du Hezbollah sayed Hassan Nasrallah
est une question de principe. Alors, de deux choses l’une: soit
cheikh Saad a menti sur ses principes pendant plusieurs années
et il pourrait donc le refaire une fois au pouvoir –ce qui fait
de lui un chef de gouvernement peu crédible et susceptible de
faire des compromis sur des principes de base-, soit c’est
maintenant qu’il ment et cela signifie qu’il est prêt à tout
pour revenir au pouvoir quitte à lancer des slogans qui ne
correspondent pas à ses convictions intimes. Dans les deux cas,
sa stature de leader en prend un coup sérieux. Comment en effet,
les Libanais en général et les partisans du Courant du Futur
pourraient-ils confier leur sort à un chef aussi instable et
prêt à renoncer à ses principes pour le pouvoir?
Le pouvoir, c’est justement là le mot clé. Selon une figure de
la nouvelle majorité, Saad Hariri a toujours mené sa carrière
politique dans les coulisses du pouvoir, d’abord en tant
qu’héritier désigné de son père le président martyr Hariri en
2005, puis en tant que chef de la majorité parlementaire en juin
2005 jusqu’en 2009, lorsqu’il est devenu Premier ministre.
Aujourd’hui, il est en train de découvrir l’opposition et parce
qu’il n’a ni structure réelle d’appui, ni expérience politique
suffisante, il ne sait pas comment se comporter. Il joue donc,
en quelque sorte son va-tout, préférant relever le plafond de
ses revendications au maximum, quitte à tout perdre d’un coup.
Avec l’approche de la publication de l’acte d’accusation du TSL
(prévu pour le courant de ce mois), Saad Hariri prend pour cible
de sa bataille d’opposant les armes de la résistance. Il espère
ainsi rendre impossible la mission du Premier ministre Négib
Mikati qui devra traiter avec le TSL et la communauté
internationale, avec une rue sunnite mobilisée à fond contre le
Hezbollah et ses armes. Dans ses calculs, la position de Mikati
sera alors intenable. Il devra démissionner et Saad Hariri
reviendra au pouvoir en tant que sauveur de la nation, avec un
Hezbollah affaibli, prêt à tous les compromis pour se dégager de
ce pétrin. C’est un peu un retour à l’ancien conseil qui lui
avait été par ses parrains occidentaux et en particulier
américains, de refuser de négocier avec le Hezbollah avant la
parution de l’acte d’accusation. C’est d’ailleurs ce conseil qui
l’avait poussé à saboter les contacts syro-saoudiens et l’accord
auxquels ils étaient parvenus, sous prétexte que sa position
serait plus confortable après la parution de l’acte
d’accusation. Résultat, il a perdu le gouvernement et il se
retrouve dans l’opposition. La figure de la majorité poursuit
son développement pour préciser que cette fois encore, il est
mal conseillé et le scénario auquel il croit ne se produira pas.
Mais au cours de sa courte vie politique, Saad Hariri a montré
qu’il écoute peu la voix de la raison, préférant celle de
certains extrémistes qui l’entourent. Et même si, comme les
Arabes de l’ancienne époque, celle des régimes qui s’éternisent
et qui baignent dans la corruption et dans l’alignement sur la
politique américaine, contre les intérêts de leurs populations,
il a l’art de transformer les défaites en victoires et de se
présenter toujours comme une victime, cela ne change rien aux
nouvelles réalités. Il n’est plus Premier ministre, et il n’a
pas de chances de le redevenir de sitôt. Il a perdu l’appui du
régime égyptien et ses relations ne sont pas à leur meilleur
stade avec le roi Abdallah d’Arabie. Quant aux Etats-Unis, ils
sont en train de revoir l’ensemble de leur politique dans la
région. Autant de thèmes qu’avec ses conseillers, il devrait
méditer un peu plus longuement. Car ni la mobilisation
confessionnelle, ni sa campagne systématique et ciblée contre
les armes de la résistance, ni ses voltes faces successives ne
changeront rien à ces nouvelles données.
Article publié sur Résistance islamique au Liban
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