Opinion
Egypte : Vers un
avenir de plus en plus sanglant
Robert Fisk
Dimanche 28 juillet 2013
Alors que la foule
des pauvres se rassemble en soutien de
Mohamed Morsi, les bien-nantis marchent
derrière les images de leur général. Des
centaines de milliers soutiennent le
coup d’Etat – juste comme beaucoup ne le
font pas.
Des
centaines de milliers de personnes se
sont rendus hier autour de la mosquée de Rabaa au Caire pour protester contre le
coup d’Etat en Egypte, tandis que des
centaines de milliers d’autres se
déversaient dans la place Tahrir pour
soutenir leur général favori , Abdel
Fattah El-Sisi, qui a organisé le ‘’coup-d’état-que-nous-ne-devons-surtout-pas-appeler-coup-d’état’’.
Grotesque, sans précédent, bizarre.
Appelez ça comme vous voulez. Mais, d’un
côté, les hélicoptères plongeant
joyeusement au-dessus Tahrir, et de
l’autre, la ligne de la police
anti-émeute avec leurs casques à visière
et les troupes debout en face des
barricades des Frères Musulmans, deux
histoires différentes. Les journalistes
ne devraient pas être des marchands de
malheur, mais les choses n’avaient pas
l’air trop bonnes au Caire hier soir.
La
chose la plus triste – le plus tragique,
si vous voulez -, c’est que les foules
dans Nasr City, à proximité de la route
de l’aéroport où se situe la mosquée,
étaient aussi gais et accueillants que
les masses dans Tahrir qui considèrent
leurs homologues comme des
« terroristes » plutôt que des partisans
de Mohamed Morsi, le Président
légalement et démocratiquement élu de
l’Egypte qui a été renversé par l’armée
il y a trois semaines. Les dizaines de
milliers d’Egyptiens traversant les
ponts sur le Nil ou transpirant sous une
chaleur de 40°C sur la route de
l’aéroport étaient aussi heureux que
s’ils se rendaient à un match de
football.
Mais
la gaieté s’arrête là. Les Frères
musulmans, hommes et femmes, avaient
amené des photos de Morsi et avaient
peint des étoiles de David sur la
caserne militaire près de la mosquée.
Ils avaient empilé des milliers de sacs
de sable autour de leur campement de
tentes et des tas de pierres à lancer à
tous ceux qui essaient de les déplacer.
Mais les soldats sur la route – eux
aussi, il faut le dire, gais et très
amicaux – tenaient des armes
automatiques à côté de véhicules blindés
français et de fabrication américaine,
et des matraques en bois, et étaient
flanqués de policiers en uniformes noirs
de mauvaise qualité.
Il
semblait qu’ils n’étaient qu’à quelques
heures du moment où ils allaient charger
les frères musulmans, et peu importe
combien d’hommes barbus étaient en train
de lire le Coran sur la chaussée – ce
qu’ils étaient effectivement en train de
faire – et il était difficile d’imaginer
les heures qui allaient venir autrement
que mortelles.
Un
point qui se distingue – et ce n’est
peut-être pas à la mode de dire ça -,
c’est que les partisans des Frères
musulmans étaient généralement pauvres
et avaient l’air pauvres dans leurs
abayas sales et sandales en plastique.
Certains des manifestants de la place
Tahrir, qui étaient vraiment
révolutionnaires contre Moubarak en
2011, ont paradé sur les ponts du Nil
brandissant des affiches du général al-Sisi.
Et il faut dire, aussi douloureux que
cela puisse être, que la vue de gens
bien nantis brandissant la photo d’un
général en lunettes de soleil – quoique
merveilleux et très démocratique général
– était profondément déprimante.
Qu’est-il vraiment arrivé à la
révolution du 25 Janvier 2011 ?
« Nous aimons les soldats, mais nous
n’avons pas besoin du général", a crié
une femme en foulard près de la mosquée
Rabaa, mais Sisi est maintenant un
visage bien connu, l’homme qui va faire
revenir l’Egypte dans sa véritable voie
révolutionnaire, si vous pouvez oublier
pour le moment que le premier président
réellement élu dans l’histoire
égyptienne moderne est probablement
incarcéré dans une de ces baraques que
nous longeons si allègrement sur la
route de l’aéroport.
Mais
l’Egypte a besoin d’un gouvernement. En
revenant de Nasr City pour me rendre au
centre du Caire, ce soir, ma voiture a
été bloquée dans un embouteillage parce
que les familles rivales se battaient
dans une fusillade à travers
l’autoroute. Environ 1.000 Cairotes s’y
étaient joints en jetant des pierres à
partir d’une passerelle. Deux miles plus
loin, une femme d’âge moyen avait été
traînée par une moto et était allongée,
souffrante, sur la chaussée. Bon nombre
de conducteurs qui l’ont vue ont
continué leur chemin, le nez de leurs
familles pressées contre la vitre
pendant que cette dame gisait bras et
jambes écartés sur l’autoroute dans sa
robe noire. Le proche avenir se présente
mal.
Original:
http://www.independent.co.uk/news/world/africa/robert-fisk-on-egypt-as-impoverished-crowds-gather-in-support-of-mohamed-morsi-the-wellheeled-march-behind-their-images-of-the-general-8734453.htmla>
Traduction Avic
Le sommaire de Robert Fisk
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