|
Al-Ahram Hebdo
Une bombe peut en
cacher une autre ...
Richard Labévière

Richard Labévière
Mercredi 28 avril 2010
Quelque 36 chefs d'Etat et de gouvernement, ainsi que dix autres
délégations étrangères se sont pressés, les 12 et 13 avril
derniers, autour d'un Barack Obama rayonnant, à l'ouverture des
travaux de « son » sommet sur la sécurité nucléaire. Le
président américain a transformé Washington en capitale du monde
pour une rencontre internationale - sans précédent - destinée à
« conjurer le spectre d'attentats nucléaires terroristes ».
Précédent la conférence de réexamen du Traité de
non-prolifération nucléaire de la mi-mai, cet activisme
nucléaire est, sans conteste, destiné à compenser les revers de
politique étrangère enregistrés par la nouvelle administration
américaine depuis son entrée en fonction officielle le 20
janvier 2009.
Accumulés au Proche-Orient, en
Afrique, en Asie et en Amérique latine, ces revers, ajoutés à un
désintérêt marqué pour l'Europe, réclamaient la mise en chantier
d'une nouvelle initiative globale. Comme son prédécesseur George
Bush, l'actuel président américain nous a refait le coup du
terrorisme global/menace planétaire. Envers et contre toutes les
expertises les plus sérieuses tendant à minimiser la menace du
terrorisme nucléaire, il n'a pas ménagé ses efforts pour
dramatiser le dossier et chercher à convaincre les participants
que la perspective de « bombes sales » tombant aux mains
d'organisations comme Al-Qaëda « est aujourd'hui le plus grand
danger menaçant la sécurité du monde ». Il en a aussi profité
pour presser la Chine et la Turquie, membres du Conseil de
sécurité des Nations-Unies, de rejoindre le principe de
nouvelles sanctions contre l'Iran. Et comme le « business »
n'est jamais complètement absent des orientations diplomatiques
de la Maison Blanche, les experts ont bien travaillé à produire
de la norme internationale destinée à favoriser les exportations
du nucléaire civil américain.
Enfin, le président américain a
appelé toutes les nations - incluant Israël - à signer le Traité
de Non-Prolifération (TNP). Selon un haut fonctionnaire de
l'Agence Internationale de l'Energie Atomique (AIEA), deux
résolutions seront présentées à la prochaine conférence générale
d'examen du TNP, entre les 3 et 28 mai prochain. La première
réclamera la création d'une zone libre d'armes nucléaires au
Proche-Orient, la seconde pointera la capacité nucléaire
israélienne, Etat non signataire du TNP. D'ores et déjà
boycottant ces travaux, Tel-Aviv a aussitôt opposé une fin de
non-recevoir. Le 15 avril, le ministre israélien de la Défense,
Ehud Barak, a affirmé : « Israël maintient une politique
d'ambiguïté nucléaire, à savoir de refuser de confirmer ou de
nier sa capacité. Des spécialistes étrangers estiment que le
pays a produit du plutonium suffisant pour propulser jusqu'à 200
ogives. Israël déclare qu'il considérera un accord pour
démanteler les armes de destruction massive au Moyen-Orient une
fois que la région sera parvenue à la paix complète ».
Plusieurs sources israéliennes
estiment aujourd'hui que le nombre de têtes nucléaires
israéliennes oscille entre 300 et 400. Tel-Aviv dispose aussi de
vecteurs de lancement très performants dont une cinquantaine de
chasseurs-bombardiers américains de dernière génération, ajoutée
à une vieille flotte d'une centaine de F-15/I et F-16/I.
L'arsenal israélien compte également une centaine de missiles
Jéricho 2 et quatre sous-marins lanceurs d'engins capables
d'atteindre les capitales de toute la région, y compris les
grandes villes iraniennes. Tel-Aviv a négocié avec New Delhi une
autorisation permanente d'escale pour ses sous-marins dans le
port militaire de Bombay, confortant l'idée qu'Israël est bien
décidé à conduire des opérations à l'encontre de l'Iran.
Dernièrement, l'état-major
israélien a engagé un important programme de modernisation de
ses capacités nucléaires. A l'instar du Pentagone, il s'est
lancé dans l'expérimentation de mini-bombes atomiques destinées
à des attaques très ciblées, afin de détruire, par exemple, des
centres de pouvoir ennemis ou des infrastructures militaires
inattaquables autrement. Sans renoncer à sa stratégie classique
de dissuasion - stratégie de non-emploi - Tel-Aviv envisage
désormais de nouvelles postures opérationnelles, dont le recours
offensif à l'arme atomique. On comprend bien, dans ces
conditions, pourquoi Israël n'envisage pas de signer le TNP. On
comprend mieux pourquoi il continue à violer allègrement la
législation internationale. Au moment même où le Conseil de
sécurité prépare de nouvelles sanctions contre l'Iran, Israël
peut poursuivre - en toute impunité - ses incursions meurtrières
dans les territoires palestiniens, son « Mur de la honte », ses
déplacements de populations et la construction de ses nouvelles
colonies. Avec la complicité de la communauté internationale,
Israël peut parachever l'extermination de tout un peuple …
Au
sein des Nations-Unies, tous les Etat-membres sont égaux, mais -
comme pour les animaux de la ferme de George Orwell -,
« certains sont plus égaux que d'autres … ».
Droits de reproduction et de diffusion
réservés. ©
AL-AHRAM Hebdo
Publié
le 29 avril 2010 avec l'aimable autorisation de AL-AHRAM Hebdo
Sommaire Al-Ahram Hebdo
Les dernières mises à
jour
 |