Opinion
Syrie: La crédibilité
de l'opposition
syrienne à l'épreuve du parrainage
franco turc
René
Naba
René Naba
Vendredi 2 décembre 2011
Paris – L’affaire syrienne est
symptomatique des dérives mentales et
politiques de l’ensemble arabe et de ses
crispations ethnico-religieuses. Au delà
des vives critiques fondées sur les
nombreuses tares du pouvoir syrien, il
faut savoir raison garder.
L’affirmation peut paraitre
monstrueuse, mais elle correspond
néanmoins à la réalité. Le clan Assad,
Hafez puis Bachar, a assuré la stabilité
de la Syrie, au terme d’une double
décennie turbulente marquée par pas
moins de huit de coups d’état téléguidés
depuis Beyrouth ou Amman (1), mais cette
stabilité a été obtenue au prix d’un
autoritarisme sans faille tout au long
d’un règne cumulé de quarante ans qui a
gangréné la vie publique du pays, faute
de respiration politique, faute de
régénérescence démocratique.
Quiconque a eu affaire à la
bureaucratie tatillonne de la Syrie a pu
mesurer instantanément l’état de
délabrement de son administration, le
conformisme de ses médias,
l‘omniprésence des services de sécurité,
les turpitudes du régime, son
hermétisme, son autarcie, son népotisme,
ainsi que son fort degré de corruption,
comparable d’ailleurs en cela aux autres
régimes arabes, même les plus proches de
la grande démocratie américaine.
De ce fait, Bachar Al Assad (3) a eu
incontestablement un retard à
l’allumage. Il n’ignorait pas que son
pays était dans l’œil du cyclone, que la
dynastie wahhabite nourrissait des
visées à l’encontre de la Mosquée des
Omeyyades depuis le coup de force anti
nassérien de Ma’amoun Kouzbari,
représentant de la bourgeoise
compradore, en 1961, au coup d’état anti
bassiste du général Salim Hatoun, en
1966, en pleine phase du détournement
des eaux du Jourdain par Israël, au
soulèvement islamique de Hama, en 1982,
réprimé par le propre beau frère de
l’actuel Roi Abdallah d’Arabie, le
Général Rifa’at Al Assad, frère du
président syrien de l’époque Hafez Al-Assad.
Il n’ignorait pas non plus que les
Etats-Unis et l’Arabie attendaient la
première occasion pour récupérer le
pouvoir pour le compte des sunnites,
dont l’alliance Rafic Hariri, ancien
premier ministre sunnite du Liban, Abdel
Halim Khaddam, vice président sunnite de
la république syrienne, n’en était que
le signe précurseur. Pas ignorer surtout
que les revers militaires successifs
d’Israël face au Hezbollah libanais, en
2006, puis face au Hamas palestinien à
Gaza, en 2008, de même que le retrait
sans gloire des Américains de l’Irak,
fin 2011, reportait sur la Syrie le
poids de la revanche visant à briser
l’épine dorsale de l’axe de résistance à
l’hégémonie israélo-américaine.
Il devait accomplir son «printemps de
Damas» dans la foulée de son investiture
présidentielle, en 2001, plutôt de subir
dix ans plus tard les contrecoups des
soulèvements arabes de l’hiver 2010;
Pourquoi avoir rejeté les initiatives
d’opposants, tels l’alaouite Riad Seif,
le chrétien Michel Kilo, le sunnite
Haitham Al-Maleh, ou encore et surtout
«le Mandela syrien», le communiste Riad
Turk, tous d’authentiques patriotes
nullement suspectés de la moindre
velléité conspirationniste? Pourquoi
n’avoir pas réprimé les appétits de sa
coterie familiale, les prétentions
abusives de sa sœur Bouchra qui se
rêvait Première Dame de Syrie en
substitution de l’épouse du président,
Asma, infiniment plus populaire et
pertinente, ou la rapacité de son cousin
Rami Makhlouf? Pour avoir trop tardé à
engager les réformes, bridé les
tendances réformistes qui lui étaient
prêtées, ménager les intérêts de son
clan au détriment de ceux de son pays,
Bachar Al Assad récolte une tempête
populaire à l’effet de réduire à néant
sa magistrale maîtrise de la manœuvre
diplomatique face à l’offensive
israélo-américaine visant à remodeler un
«Grand Moyen Orient». L’opprobre qui le
frappe son pouvoir risque d’emporter son
pouvoir et son clan, implosant le projet
nationaliste dont il est porteur, son
bien le plus précieux.
Mais cela ne justifie en aucun cas la
mise à l’index de la Syrie, sa mise au
ban du Monde arabe par une conjuration
de cloportes qui tendent à placer sur le
même pied Israël et la Syrie pour se
dédouaner à bon compte d’une servitude
vomitive à l’égard du couple
israélo-américain. Non, au grand jamais,
non, Israël et la Syrie ne partagent pas
le même intérêt. L’Etat hébreu cherche à
constituer une ceinture d’états vassaux
sur son pourtour, la Syrie à se dégager
du nœud coulant glissé autour de son cou
pour la forcer à la reddition. Israël
est l’auteur d’un plan de balkanisation
du Monde arabe adopté comme feuille de
route par Washington, alors que la Syrie
s’applique à le mettre en échec.
C’est à Damas, en effet, que Khaled
Mechaal, le chef du Hamas, -alors
boycotté par Amman, Le Caire et Ryad et
quelque peu négligé par ses frères
musulmans égyptiens-, a trouvé aide et
refuge et que le chef Kurde Jalal
Talabani, président actuel de l’Irak, a
trouvé protection diplomatique face à la
répression du sunnite baasiste Saddam
Hussein, donnant à la Syrie la
possibilité de refreiner les tendances
centripètes de l’irrédentisme kurde dans
le nord de l’Irak. C’est la Syrie, qui a
accueilli à bras ouverts, sans
conditions, au risque de déstabiliser
l’équilibre démographique du pays, près
de deux millions de réfugiés irakiens,
dégâts collatéraux de l’invasion
américaine de l’Irak, fuyant les
exactions de l’armée irakienne et de
leurs supplétifs kurdes sans le moindre
soutien financier arabe ou
international. C’est la Syrie enfin qui
a fait office de «verrou arabe du Liban»
au moment de l’offensive
israélo-américaine visant à instaurer un
axe Le Caire Beyrouth Tel Aviv par la
signature d’un traité de paix libano
israélien, en 1983, sous la présidence
du phalangiste Amine Gemayel; C’est
encore la Syrie qui a servi d’hinterland
stratégique au Hezbollah chiite libanais
et au Hamas sunnite palestinien dans
leur guerre asymétrique contre Israël;
Beaucoup savent gré à la Syrie, par
son alliance de revers avec l’Iran
chiite, d‘avoir évité que le conflit
irako-iranien ne dégénère en un conflit
entre Arabes et Perses pour le plus
grand bénéficie de l’ennemi officiel du
Monde arabe; gré à ce point d’ancrage du
«Front de refus arabe» d’avoir assuré la
relève de l’Egypte défaillante, en
maintenant vivace la flamme du combat
nationaliste et irréductible le refus de
l’hégémonie israélienne; gré d’avoir
préserver les intérêts à long terme du
monde arabe, sans s’inféoder à une
logique de vassalité avilissante, sans
hypothéquer ses choix stratégiques, sans
aliéner sa souveraineté et son
indépendance; Gré, enfin, d’avoir
constitué le refuge ultime quand la
quasi totalité des pays arabes plongeait
dans la logique de la soumission à l’axe
israélo-américain. Peu de pays arabes
peuvent se targuer de pareils palmarès.
Aucune justification toutefois ne
saurait tenir lieu d’excuse absolutoire,
ni le complexe d’encerclement, réel,
dont la Syrie fait l’objet, ni les
manœuvres de déstabilisation,
répétitives, dont il est la cible de la
part de l’aile dure du trône wahhabite,
ni les campagnes de dénigrement,
effectifs, dont il est l’objet de la
part de la presse conservatrice arabe et
ses alliés occidentaux. Nul projet
nationaliste, si exaltant soit-il, ne
saurait justifier la captation des
richesses d’un pays au profit d’une
personne, si nécessaire soit il à la
protection du pouvoir. Nul projet
nationaliste, si glorieux soit il, ne
saurait justifier la mise sous
observation permanente de son peuple, la
mise en coupe réglée son pays. Et cette
position privilégiée ne saurait se vivre
en rente de situation. La réforme
s’impose, radicalement, sous peine de
dénaturation du projet nationaliste, en
dépit des menées de la contre révolution
téléguidée par l’Arabie saoudite et le
concours de Robert Ford, ambassadeur des
Etats-Unis à Damas, l’assistant de John
Negroponte à Bagdad du temps où l’ancien
chef des services des renseignements
américains, le déstabilisateur du régime
sandiniste du Nicaragua, était à l’œuvre
en Irak (2003-2004).
La Syrie doit turbuler, personne ne
le conteste. Mais il est choquant qu’un
pays qui a soutenu trois guerres contre
Israël, la première puissance militaire
de la zone, soit sanctionné dans
l’allégresse par des anciens confettis
de l’empire français, que le sort de la
Palestine, le point focal du contentieux
entre Orient et Occident, la ligne de
fracture majeure entre l’Occident et le
Monde arabo musulman, soit notamment
confié à Djibouti, dont la principale
activité se réduit à la consommation du
Qat et à la location d’une base franco
américaine, ainsi qu’aux îles Comores,
dans le giron français de l’Océan
indien, à des milliers de kms du champ
de bataille. Monumentale supercherie
qu’il importe de dénoncer sans
ménagement en ce qu’elle constitue une
insulte à la démocratie et à
l’intelligence humaine.
Que le Qatar, dont le quart de la
superficie est occupé par une base
américaine, prenne la tête de la
croisade contre un des principaux pays
du champ de bataille, que la mise en
quarantaine de la Syrie soit décidée par
une coalition de huit monarchies vassaux
de l’Amérique, antidémocratiques, de
surcroît pour la plupart des alliés
souterrains d’Israël, -de la Jordanie,
au Maroc-, en association avec la Libye,
la nouvelle plateforme occidentale,
constituent une insulte aux sacrifices
des milliers de soldats morts dans les
conflits israélo-arabes, aux dizaines de
milliers de militants torturés dans les
geôles arabes pour l’avènement de la
démocratie, particulièrement dans les
pétromonarchies du Golfe. Les remous
suscités au sein d’«Al Jazira» dans la
couverture parcellaire des révolutions
arabes, axée depuis peu davantage sur la
Libye et la Syrie que sur Bahreïn ou le
Sultanat d’Oman, avec la spectaculaire
démission d’une des vedettes chaine
transfrontière arabe Ghassane Ben Jeddo,
en porte témoignage. Mais comparaison
n’est pas raison et nul ne saurait se
prévaloir des turpitudes d’autrui.
Les décisions de la ligue arabe sont
obérées et son fonctionnement faussé par
la prépondérance monarchique. Les huit
monarchies disposent en effet du tiers
bloquant des voix et sont en mesure de
peser sur les décisions majeures
engageant l’avenir du Monde arabe, alors
qu’ils sont les principaux bénéficiaires
des coups de butoir d’Israël contre le
noyau dur du monde arabe. Elle fait
office de vecteur de sous-traitance de
la stratégie occidentale. Dans son
fonctionnement actuel, elle est
antidémocratique, qu’il importe de
dénoncer sans la moindre réserve. Son
nouveau secrétaire général, M. Nabil Al
Arabi en est la meilleure preuve en ce
que ce cacique de l’ancien régime
Moubarak a doublement servi, d’abord en
tant que membre de la délégation qui
avait accompagné Sadate à Jérusalem, en
1977, puis en tant que représentant de
l’Egypte sous Moubarak aux
Nations-Unies.
A-t-on d’ailleurs jamais vu la Ligue
Arabe voté une motion de défiance à
l’égard de l’Amérique pour sa partialité
dans le conflit israélo-palestinien? Le
zèle pétro monarchique contre la Syrie
est inversement proportionnel à la
passivité déployée par les gérontocrates
lors de la destruction de Beyrouth et du
sud Liban en 2006, par les Israéliens,
et de Gaza, en 2008. Il est donc frappé
d’une lourde suspicion. L’Islam
pétrolier doit être dénoncé avec la même
virulence que ne le sont les dérives de
la Syrie et de sa féroce répression des
manifestations populaires; dénoncé pour
ce qu‘il est: Un islam pétrolier
atlantiste et maléfique en ce qu’il
instrumentalise l’organisation pan
arabe, dans une politique qui a
précipité le Monde arabe dans une
régression épouvantable, sous couvert de
régénérescence démocratique du
«printemps arabe».
Soyons donc prudents avec les
stratégies occidentales. L’Afghanistan a
été sinistré, l’Irak aussi et il n’est
pas indifférent de relever, dans ce
contexte, que les quatre pays arabes qui
se sont abstenus de voter des sanctions
contre la Syrie, -L’Algérie, l’Irak, Le
Liban et le Yémen- sont des pays qui ont
eu à pâtir d’une guerre civile et qu’ils
sont donc avertis du prix des ingérences
étrangères et du coût humain, économique
et social pour leur pays.
La déstabilisation de la Syrie vise à
compenser le basculement de l’Egypte
dans le camp de la contestation arabe et
à rompre la continuité stratégique entre
les diverses composantes de l’axe de la
résistance à l’hégémonie israélo
américaine en coupant les voies de
ravitaillement du Hezbollah au sud
Liban. L’effet secondaire est de
détourner l’attention sur la phagocytose
de la Palestine par Israël avec la
complicité des états occidentaux. Il est
faux d’affirmer dans ce contexte une
communauté d’intérêts entre la Syrie et
Israël; Non Israël et la Syrie ne
partagent pas le même intérêt. L’Etat
hébreu cherche à constituer une ceinture
d’états vassaux sur son pourtour, la
Syrie à se dégager du nœud coulant
glissé autour de son cou pour la forcer
à la reddition. Israël viole en toute
impunité la loi internationale, La Syrie
la subit. Israël a annexé la
quasi-totalité de la Palestine. La Syrie
victime d‘un arbitraire colonial, amputé
de son territoire arbitrairement par la
France, au bénéfice de la Turquie, du
temps de son mandat sur le pays, dont
elle recherche cent ans après à y
reprendre pied par une opération de
déstabilisation sous couvert de
démocratie.
A-Les griefs
… Le Golan, Tiran et Sanafir
Quatre des principaux griefs contre
la Syrie portent sur l’instauration
d’une «dynastie républicaine», l’opacité
de son système politique, sa présumée
passivité à propos du Golan, une
accusation constamment véhiculée par les
Frères Musulmans, de même que sa
prédation de l’économie libanaise au
cours des trente ans de sa présence au
pays voisin.
-La succession dynastique doit être
prohibée, mais ce principe doit
s’appliquer sans exception à Bachar Al-Assad,
certes, mais aussi à Saad Hariri, qui a
succédé à son père Rafic Hariri, sans la
moindre préparation, à la tête d’un pays
situé à l’épicentre du Moyen orient. A
Ali Bongo dont la France a truqué les
élections pour favoriser le maintien du
clan à la tête de l’état gabonais. A
Joseph Kabila jr et Mobutu, qui s’y
prépare en Afrique. A Amine Gemayel, élu
à l’ombre des blindés israéliens en
remplacement de son frère assassiné
Bachir, lui même élu à l’ombre des
blindés israéliens. A Nicolas Sarkozy
qui a veillé à propulser son fils Jean à
la tête de l’EPAD (Hauts de Seine). A
Hosni Moubarak qui se préparait à passer
la main à son fils Jamal, avec la
bénédiction des occidentaux dont Sarkozy
saluera le courage de son départ, sans
le moindre mot pour la courageuse lutte
du peuple égyptien.
La libre détermination des peuples
est un droit sacré inaliénable. Mais
ceci doit s’appliquer en Syrie, comme en
Palestine. Au Kosovo, au sud Soudan,
comme au Sahara Occidental.
-Le Golan: La disproportion des
forces provoquée par la défection de
l’Egypte, son basculement proaméricain
et son retrait du champ de bataille ont
conduit le régime syrien a développé la
stratégie de la Moumana’a, substituant
au choc frontal le choc oblique, la
guerre périphérique et asymétrique à la
guerre classique. Si le plateau du Golan
n’a pas été récupéré, son chef lieu
chef, Quneitra, l’a été au terme de la
guerre d’octobre 1973, une restitution
infiniment plus importante que ne l’ont
été les territoires saoudiens sous
occupation israélienne: Les îlots de
Tiran (80 km2) et de Sanafir (39km2), à
l’entrée du Golfe d’Akaba sur la Mer
rouge, occupés depuis 44 ans, sans que
les Etats-Unis, le meilleur allié tant
d’Israël que de l’Arabie saoudite, ne
lève le plus petit doigt pour en obtenir
la restitution ou que le royaume
wahhabite en fasse la requête. La
libération du Golan est, certes, un
impératif au même titre que les autres
lieux saints musulmans et chrétiens de
Jérusalem, y compris la Mosquée «Al Aqsa»
dont le Roi d’Arabie en a le devoir en
sa qualité de «gardien des lieux saints»
musulmans.
Le Liban: La prédation de l’économie
libanaise par les Syriens pendant trente
ans est un fait incontestable. Mais
cette captation de richesses a été faite
en partenariat avec une classe
affairiste pro occidentale dont les chef
de file auront été Rafic Hariri,
l’ancien premier ministre sunnite
assassiné, et Walid Joumblatt, chef
druze du parti socialiste progressiste,
sous l’autorité des figures de proue de
la présente opposition syrienne,
notamment Abdel Halim Khaddam, en charge
du dossier libanais pendant trente ans,
dont la France s’honorerait de le
poursuivre en justice pour
enrichissement sans cause.
B- La France,
la Turquie, le contentieux
d’Alexandrette sur fond d’une opposition
syrienne amnésique.
L’opposition syrienne, qui se veut la
relève d’un pouvoir pourri, se doit
d’être exempte de tout reproche. Elle
paraît frappée d’amnésie, oublieuse de
l’histoire de son pays, oublieuse
d’inscrire son combat dans la continuité
de sa mémoire historique. Faire cause
commune avec le philosophe Bernard Henry
Lévy, l’un des adversaires les plus
résolus des aspirations légitimes des
peuples arabes en ce qu’il avoue agir,
sans ambages, par «fidélité au sionisme
et à Israël» relève d’une grave
aliénation mentale d’autant plus
déplorable que, sous couvert de «combat
de l’Islam des Lumières» contre «
l’Islam des ténèbres», il vise à
constituer une ceinture d’états vassaux
à Israël. Se vautrer dans le giron des
anciens bourreaux de la Syrie, la France
et la Turquie, les artisans de son
démembrement par l’amputation du
district syrien d’Alexandrette et son
rattachement à la Turquie, constitue une
insupportable insulte à la mémoire de
Youssef Al Azmeh et aux 310 martyrs
tombés sur la champ d’honneur de
Maysaloun, face à l’occupant français,
en 1920, bataille fondatrice de la
conscience nationale syrienne; une
insulte aux milliers d’Algériens
carbonisés à Sétif (1945), aux centaines
de morts de Suez (1966) du fait de
l’agression tripartite
franco-anglo-israélienne, de Bizerte
(1958) et d’ailleurs.
Comment s‘adonner ainsi sans retenue
à un pays, la France, qui n’a cessé de
nourrir de visées à l’égard de son
ancienne possession, dont elle cherche
près d‘un siècle après son mandat
onusien à y reprendre pied; confier sans
la moindre hésitation la mission de
restaurer la démocratie en Syrie à un
pays, pourtant propulsé par des pulsions
xénophobes cycliques du Code noir de
l’Esclavage, au Code de l’indigénat, aux
expositions ethnologiques, aux pensions
de guerre cristallisées des anciens
combattants basanés, sans compter les
stigmatisations lapidaires permanentes,
du «Bougnoule au sauvageon», «des bruits
aux odeurs», «du karcher aux moutons que
l’on égorge dans les baignoires».
S’adonner sans la moindre pudeur à un
président, Nicolas Sarkozy, dont le
projet phare l’Union Pour La
Méditerranée visait à constituer un
front arabo israélien contre l’Iran,
dont la mandature s’est attelée à
éradiquer méthodiquement toute
sensibilité pro palestinienne de
l’administration préfectorale et de
l’audiovisuel extérieur français avec la
mise à l’écart de Bruno Guigue
(administration préfectorale),
l’éviction de Richard Labévière (Média)
et de Wahib Abou Wassel, seul
palestinien du dispositif médiatique
extérieur, et, la promotion concomitante
de personnalités au philo sionisme
exacerbé de Bernard Kouchner (Quai
d’Orsay), Pierre Lellouche (Affaires
européennes), Dominique Strauss Khan
(FMI), Arno Klarsfeld (Matignon, puis
Office National de l’Immigration),
François Zimmeray, ancien vice-président
de la commission d’études politiques du
CRIF, Ambassadeur pour les Droits de
l’homme, Dov Zerah, (Agence française
pour le développement), Christine
Ockrent (pôle audiovisuel extérieur),
Philippe Val (France inter), enfin,
Valérie Hoffenberg, présidente de la
section française de l’American Jewish
Committee, chargée de suivre le volet
économique des négociations
israélo-palestiniennes.
La priorité revient aux opposants de
l’intérieur, particulièrement Michel
Kilo, interdit de paroles à Paris, Fayez
Samara, Haitham Al Maleh, Riad Turk,
Riad Seif, cinq militants qui n’ont
jamais déserté le combat sur le terrain,
payant de leur liberté leurs
convictions. La présence d’opposants de
la dernière heure dans la galaxie de
l’opposition, de surcroît imposés par
l’étranger, en la circonstance
parachutés par la France au terme d’une
carrière exclusivement bureaucratique,
sans aucune tradition de lutte,
émargeant alternativement sur le budget
de l’administration française ou sur
celui de la Ford Foundation, à la
remorque du forum de Bilderberg,
l’organisation tricontinentale
atlantiste, relève d’un opportunisme
méprisable à l’effet de réhabiliter, à
bon compte, le rôle particulièrement
négatif de la France dans la zone,
maitre d’œuvre de
l’institutionnalisation et du
confessionnalisme politique et de son
instrumentalisation corrosive.
Ce parachutage doublé de
l’aménagement d’une plateforme
opérationnelle de la DGSE dans le nord
du Liban en vue former des opposants
syriens à des opérations commandos
contre le pouvoir alaouite, en pleine
violation de la souveraineté libanaise,
répond au double souci de Paris (2) de
disposer d’un levier d’influence au sein
de l’opposition syrienne, en même temps
qu’il vise à bonifier auprès des Arabes
l’image du plus pro israélien des
dirigeants français; de renflouer Saad
Hariri, au moment l’ancien premier
ministre sunnite libanais, en pleine
déconfiture politique, a choisi
curieusement Tripoli, le chef lieu du
Nord Liban, au mépris de tous les
usages, pour y célébrer, avec une
semaine de retard, la Fête Nationale
Libanaise; une action d’éclat destinée à
redorer le blason de ce fugitif
permanent, par l’aménagement d’une zone
sécurisée visant à l’établissement d’un
corridor humanitaire en direction de la
Syrie, dans une démarche qui représente
le degré ectoplasmique de la politique.
Curieux comportement d‘une opposition
syrienne qui pactise avec ses bourreaux
la France et la Syrie. Curieux
comportement d’une opposition syrienne
qui tolère dans ses rangs la présence de
personnages sulfureux tels Abdel Halim
Khaddam, le prédateur du Liban, et le
général Rifa’at Al -Assad, le boucher de
Hama. Curieux comportement que de faire
alliance avec le principal artisan du
blocus de Gaza, le principal soutien aux
dictateurs méditerranéens de Ben Ali de
Tunisie à Moubarak d’Egypte, ses
partenaires dans le projet d’Union Pour
la Méditerranée. Curieux comportement
que celui de la France qui menace la
Syrie des foudres de la Guerre pour une
psychanalyste assignée à résidence,
Rafah Nached, et se prosterne devant le
roitelet d’Abou Dhabi qui a embastillé
depuis cinq ans un professeur de la
Sorbonne, Nasser Bin Ghaith, et quatre
de ses collègues, oubliant que
l’Université n’est pas seulement
prestataire de services d’enseignement
ou de recherche, mais un sujet moral.
La France qui se préoccupe de
légiférer sur les binationaux, voire
même de fonder une «allégeance aux
armes» pour s’assurer de la loyauté de
citoyens jouissant de la double
nationalité, ne s’embarrasse guère de
considérations opportunistes. La dualité
qui frappe l’un des porte paroles de
l’opposition syrienne est comparable à
celle qui avait prévalu en Géorgie avec
la transmutation en 2003 de
l’ambassadrice de France en Tbilissi,
Salomé Zourabichvili, en ministre des
Affaires étrangères de la Géorgie, en
2004, avant d‘être « démissionnée » fin
2005, pour cause de mésentente de la
transfuge franco géorgienne avec la
présidente du parlement. Elle est
comparable à celle qui frappe le
binational franco israélien, Arno
Klarsfeld, réserviste de l’armée
israélienne et directeur de l’Office
national de l‘Immigration. Des bouffons,
il n’en manque pas en France à tous les
niveaux de la classe politique et de la
haute administration.
Que l’opposition syrienne ne commette
pas les mêmes erreurs que l’égyptien
Anouar el Sadate, l’irakien Saddam
Hussein ou le libyen Mouammar al-
Kadhafi. Sadate a répudié l’alliance
stratégique de l’Egypte avec l’URSS, le
pays qui lui a pourtant fourni les armes
de la victoire pour le franchissement du
Canal de Suez, en 1973, pour se rallier
aux Etats-Unis. Il a été assassiné par
les protégés de l’Amérique. Saddam
Hussein a engagé une guerre meurtrière
et ruineuse de dix ans contre l’Iran
pour fixer, pour le compte des
pétromonarchies sunnites, la révolution
chiite islamique iranienne, avant d’être
lâché et abattu par ses bailleurs de
fond. Mouammar Kadhafi a dévoilé tout un
pan de la coopération nucléaire inter
arabe aux services occidentaux pour
sauver sa tête. Il n’a bénéficié que
d’un sursis. Il a été lynché et son
trésor de guerre confisqué, son héritier
présomptueux, Seïf Al Islam, qui voulait
moderniser la Libye selon le schéma
occidental capturé avec l’aide des
services anglais, signant la fin de la
dynastie.
Réclamer l’intervention de la
Turquie, au prétexte d’une identique
communauté religieuse sunnite, dresse,
d’une part, le constat d’une incapacité
des Arabes à régler leurs propres
différends hors de toute interférence
étrangère. Il révèle, d’autre part, la
complaisance malsaine des Arabes à
l’égard des turpitudes anciennes de la
Turquie, laquelle, pendant cinquante
ans, en tant que partenaire stratégique
d’Israël, a constitué la deuxième manche
de la tenaille qui étranglait le Monde
arabe et entravait sa libération et son
développement. L’appartenance de la
Turquie au sunnisme n’a pas constitué un
obstacle dirimant à son alliance de
revers avec Israël, un pays considéré
par la majorité des sunnites comme
l’«usurpateur de la Palestine».
La Turquie n’est pas si désintéressée
que cela en cela en ce qu’au-delà des
constructions théoriques, le choix
atlantiste de la Turquie repose sur un
pacte tacite conclu avec le camp
occidental, fondé sur l’occultation de
la responsabilité de la Turquie dans le
génocide arménien en contrepartie de
l’implication de ce pays de culture
musulmane non seulement dans la défense
du «Monde libre» face à l‘Union
soviétique, mais aussi dans une alliance
stratégique avec Israël contre le Monde
arabe.
Son zèle vise à s’emparer du leadership
sunnite régional du fait de la
défaillance saoudienne et égyptienne
afin de se poser en gardien du dogme de
l’orthodoxie sunnite face aux hérétiques
chiites iraniens comme en témoigne
l’installation sur son sol du bouclier
anti missiles dirigé principalement
contre l’Iran, la Russie et la Syrie
avec à l’arrière plan le vœu secret de
régler la question kurde par
l’aménagement d’une zone autonome en
territoire syrien dans la zone de Jisr
al Choughour. La géographie des
minorités de Turquie sous tend sa
géopolitique. Héritage de l’Empire
Ottoman, la Turquie est un pays multi
ethnique et multi religieux.
Consubstantiels à son histoire, la
problématique des minorités arméniennes
et kurdes a longtemps conditionné les
choix diplomatiques de la Turquie post
Atatürk, quand bien même ils étaient
masqués du halo de la modernité et de
l’occidentalisation.
La promotion de la Turquie au rôle de
pôle de référence diplomatique régionale
vise à compenser en outre, aux yeux des
Occidentaux, les déboires d’Ankara dans
ses vaines tentatives d’intégrer l’Union
européenne, de compenser l’humiliation
de se voir signifier que l’édifice
européen est exclusivement réservé aux
blancs, dans la pire tradition de la
ségrégation raciale «for white only». Il
n’est pas indifférent de noter que les
quatre pays arabes qui se sont abstenus
de voter des sanctions contre la Syrie,
-L’Algérie, l’Irak, Le Liban et le
Yémen- sont des pays qui ont eu à pâtir
d’une guerre civile et qu’ils sont donc
avertis du prix des ingérences
étrangères et du coût humain, économique
et social pour leur pays.
Au-delà des fanfaronnades du nouveau
Field Marshall du Monde arabe, l’Emir du
Qatar, la balkanisation du Monde arabe
est en œuvre dans le droit fil des
schémas israéliens et américains. «La
désintégration de la Syrie et de l’Irak
en provinces ethniquement ou
religieusement homogènes, comme au
Liban, est l’objectif prioritaire
d’Israël, à long terme, sur son front
Est; à court terme, l’objectif est la
dissolution militaire de ces Etats. La
Syrie va se diviser en plusieurs états
suivant les communautés ethniques, de
telle sorte que la côte deviendra un
Etat alaouite chiite; la région d’Alep,
un Etat sunnite; à Damas, un autre Etat
sunnite hostile à son voisin du Nord :
les Druzes constitueront leur propre
Etat, qui s’étendra sur notre Golan
peut-être, et en tout cas dans le Hourân
et en Jordanie du Nord. Cet Etat
garantira la paix et la sécurité dans la
région» se proposait déjà comme objectif
la stratégie israélienne depuis la
décennie 1980 (5).
Gardons nous donc d’un emballement
comparable à celui qui s’est manifesté,
dans la décennie 1980, avec des
militants enthousiastes s’engageant dans
le Djihad, dans un combat pour la
démocratie et la libération de
l’Afghanistan du joug soviétique. Un
combat mené, à six mille kms du champ de
bataille de la Palestine, le champ de la
véritable bataille, sans diriger le
moindre pétard mouillé vers les
territoires occupés.
Le partenariat que cherche à
promouvoir les Etats-Unis avec les
Frères Musulmans ne résulte pas d’un
amour immodéré pour les Musulmans, mais
vise à livrer une compensation au rabais
des turpitudes antérieures à leur égard,
notamment en ce qui concerne la question
palestinienne; à assurer la pérennité de
l’économie du marché dans les pays
arabes, qu’ils jugent plus assurée par
les régimes islamiques que par un
système nationaliste contestataire avec
son cortège de syndicats et de
revendications professionnelles et
patriotiques. La docilité de l’Arabie
saoudite à l’égard des menées
américaines s’explique ainsi pour une
large part par la crainte d’une nouvelle
partition du Royaume, une menace
régulièrement brandie en catimini par
Les Etats-Unis et théorisée par le
lieutenant-colonel américain, Ralph
Peters, dans la revue militaire
américaine, AFJ (Armed Forces Journal),
en juin 2006, préconisant la
constitution d’un état islamique dans la
province du Hedjaz, sur le périmètre qui
englobe les Lieux saints de La Mecque et
Médine, ainsi que le détachement de la
province chiite du Hassa et son
rattachement à l’état chiite d’Irak (6).
C- Purger le
non dit
Aucun régime arabe ne bénéfice de la
confiance populaire, pas plus le syrien
Bachar Al-Assad que le saoudien Abdallah
Ben Abdel Aziz. Mais que l’opinion
internationale, particulièrement
française et arabe, se focalise
exclusivement sur la Syrie paraît
indécent, sauf à y purger un non dit
permanent des relations inter arabes, à
savoir: Bachar al Assad est Haram parce
que alaouite, et le Roi d’Arabie, tout
lui est Halal, parce que sunnite. Ceci
pourrait expliquer sans toutefois la
justifier la duplicité occidentale qui
fait qu’une semaine de répression en
Arabie saoudite, en octobre 2011, avec
près de 80 morts, ne soulève pas la
moindre protestation, de même qu’au
Yémen et au Bahreïn.
La crainte se fait jour que ne survienne
une troisième vague de colonisation du
Monde arabe par les Occidentaux, avec le
concours, cette fois, des supplétifs
arabes: Sud soudan, Irak, Libye, blocus
de Gaza… la liste est longue des coups
de force occidentaux contre la
souveraineté arabe et la sécurisation de
son espace national. Le combat pour
l’avènement de la démocratie dans le
monde arabe incombe au premier chef, non
aux gérontocrates repus, mais à
l’ensemble de la communauté des citoyens
démocratiques du Monde arabe dans un
large front fédérant les diverses
composantes de la société, ouvriers,
artisans, agriculteurs, professions
libérales, chrétiens et musulmans, du
Machreq ou du Maghreb, laïcs ou
religieux, jusque même les intellectuels
enfin sortis de leur léthargie et de
leur servilité……….tant il est vrai que
de «Min Yafa Ila Beyrouth Cha’ bon Wahad
Lan yamout». (De Yafa à Beyrouth un
peuple unique ne saurait mourir).
Beaucoup d’observateurs de la guerre
civile du Liban (1975-1990) gardent le
souvenir vivace des campagnes
psychologiques de désinformation et de
diabolisation pour ne pas inciter à la
prudence. La duplicité occidentale est
un fait, le double standard de son
langage aussi, de même que le jeu
trouble de BHL, le chef de file de la
stratégie médiatique israélo-américaine
sur le théâtre européen.
L’Arabie, de notoriété publique, a de
tout temps privilégié la survie de la
dynastie wahhabite au détriment de la
sécurisation de l’espace national arabe.
Épargnons-nous donc les indignations
vertueuses qui masquent souvent des
protestations sélectives. Gardons nous
d’une nouvelle méprise comparable, par
ses dégâts, à l’exaltation qui s’est
emparée de larges factions de la
population arabe et musulmane, la
décennie 1980, lors du «djihad» anti
soviétique d’Afghanistan, avec les
conséquences désastreuses sur le monde
arabe et musulman, en ce que le
principal bénéficiaire de cette
opération, Les Etats-Unis, font barrage
à l’admission de la Palestine à l’ONU,
tandis que la victime, la Russie,
s’applique à faire reconnaitre la
légitimité internationale de l’Etat de
Palestine.
Appliquons à la Palestine ce que l’on
exige de la Syrie. Une zone tampon, des
observateurs étrangers pour sécuriser la
population civile, l’interdiction de
recourir aux forces armées pour la
répression des manifestations, un
couloir humanitaire. La Ligue arabe
retrouvera alors sa crédibilité et
cessera alors d’être perçue comme le
faux nez de la politique de reconquête
impériale occidentale de l’ensemble
arabe. La planète cessera alors de
prendre les Arabes pour des imbéciles à
qui l’on peut faire prendre les vessies
pour des lanternes.
Il y a des potences qui tardent à
être dressées. «Le malaise arabe»
provient aussi de ses reniements.
Références
1- Le décompte des 18 coups d’état
dans le monde arabe entre 1945-2000:
Huit pour la seule Syrie: Hosni Zaim,
Sami Hennaoui et Adib Chichakli en 1949,
Faysal Al-Attassi, février 1954, Colonel
Nahlaoui auteur du coup d’état qui a
entraîné la rupture syro égyptienne le
28 septembre 1961, Ziad Harari 8 mars
1963 qui inaugure la série des coups
d’état baasistes présentés comme des
corrections de trajectoire avec Salah
Jedid, 23 février 1966 et Hafez Al-Assad,
15 novembre 1970. En deuxième position
dans l’ordre putschiste, l’Irak avec
quatre coups de force notamment celui de
Abdel Karim Kassem contre le trône
hachémite (14 juillet 1958), lui même
sera renversé par le général Aref en
1961 avant que son frère ne lui succède
à la suite de son décès accidentel et
que celui-ci ne soit évincé à son tour
par les baasistes, le tandem Ahmad
Hassan Al-Bakr-Saddam Hussein en 1968.
L’Egypte avec Farouk, en 1952, L’Imam
Badr au Yémen, en 1961, le Liban avec le
coup d’état avorté de la Saint Sylvestre
1961 mené par le parti populaire syrien,
le Roi Senoussi en Libye en 1969, le
Sultan Qabous d’Oman qui a évincé son
père en 1971, de même que le cheikh
Zayed d’Abou Dhabi qui a évincé son
frère le cheikh Chakhbout ainsi que la
Tunisie avec le coup d‘état médical du
général Ben Ali contre le président
Bourguiba, en 1987, ainsi que l’Emir de
Qatar qui a détrôné son père en juin
1995 ferment la liste des Etats
putschistes.
2- La famille Assad- Le clan alaouite
au pouvoir en Syrie est articulé autour
de l’alliance scellée entre deux
familles Al-Assad et Makhlouf,
concrétisé par le mariage de Hafez Al-Assad
et Anissa Makhlouf. Rami Makhlouf,
cousin du président Bachar, est le fils
du général Mohamad Makhlouf, pro consul
de la région nord de Syrie du temps de
la mandature de Hafez al Assad, qui
choisit de soutenir le président, lors
de la guerre fratricide qui opposa Hafez
à son frère cadet Rifa’at, à l’époque
chef des troupes spéciales «Saraya ad
dif’a » responsable à ce titre de la
répression du soulèvement de Hama, en
1982, qui fit plusieurs milliers de
morts. Dénommé «Roi de Syrie» Rami
Makhlouf est un richissime homme
d’affaires. Il incarne, à ce titre, la
corruption et le népotisme du régime.
Quant aux autres membres de la
fratrie, L’ainé Bassel, destiné au
départ à succéder à son père, a trouvé
la mort dans un accident de voiture.
Bouchra, l’unique fille de la famille,
est l’épouse de Assef Chawkat, ancien
chef des services de sécurité dont les
Occidentaux réclamaient la tête en
compensation de l’assassinat de l’ancien
premier ministre libanais Rafic Hariri.
Assef Chawkat entretient des relations
houleuses avec le frère cadet du
président, le colonel Maher, le nouvel
homme fort du régime, au point que le
benjamin de la fratrie a blessé à
l’estomac d’un coup de pistolet en 1999,
en plein palais présidentiel. Réputée
autoritaire, Bouchra passe pour nourrir
une forte intimité à l’égard de l’épouse
de Bachar, Asma, fille d’un médecin de
la grande bourgeoisie syrienne, ancienne
spécialiste des transactions boursières
dans un établissement londonien, à la
forte présence médiatique. Le frère
cadet du fondateur de la dynastie,
Rifa’at Al Assad, ancien vice président
de la république, est entré en
dissidence fin 1983. Il vit en exil en
Espagne. Ses deux fils, Sumar et Ribal,
organisent depuis Londres la campagne
médiatique contre le régime via la
chaine de télévision ANN TV, (Arab
Network News). Deux autres cousins
Mounzer et Fawwaz Al-Assad, fils de
Jamil Al Assad, cousins germains du
président, se comportent en chefs de
milices dans les montagnes alaouites,
berceau de la famille, à l’ouest du
pays.
3- L’opposition syrienne: La
fondation du Conseil National Syrien
découlerait d’un accord entre
Américains, Turcs et Frères musulmans.
Son objectif st de fédérer les trois
principales tendances de l’opposition: «
nationalistes », « libéraux » et «
islamistes ». Présidé par Bourhane
Ghalioun, cet universitaire basé à
Paris, auteur d’un ouvrage critique sur
le monde arabe «Le malaise arabe»
(Editions la découverte) est assisté
dans ses fonctions par Mme Basma Kodmani,
ancienne attachée de recherche à l’IFRI,
Institut Français des Relations
Internationales, le fortin atlantiste de
la pensée stratégique de la diplomatie
française, par ailleurs ancienne
directrice pour le Moyen Orient de la
Ford Foundation, dont elle a assumé les
fonctions pendant cinq ans en Egypte
avant de retourner à Paris présider
l’initiative démocratique arabe, un
institut de recherche opérant en
collaboration avec des instituts
européens et américains.
A-L’opposition interne:
Riad Seif (1946-): Ancien député,
Alaouite, cet homme d’affaires syrien,
réputé pour sa lutte contre la
corruption, s’est signalé par sa
dénonciation de l’attribution dans des
conditions arbitraires d’une licence
téléphonique au cousin du président Rami
Makhlouf. Détenteur depuis 1993 de la
franchise Adidas en Syrie, réputé pour
son sens social, il a crée une garderie
pour enfants pour ses employés, une
cantine, des transports en commun entre
l’entreprise et le domicile de ses
employés. Son fils Lyad, 21ans, a péri
dans des circonstances mystérieuses, le
2 août 1996, deux ans après cette
dénonciation. Fondateur, en 2000, du
«forum du dialogue national»
(rassemblement d’intellectuels et de
personnalités syriennes de la société
civile, signataire de la «Déclaration de
Damas pour le Changement National
Démocratique Pacifique en Syrie», Il est
arrêté pendant le «printemps de Damas».
Le pouvoir avait alors signé une
«autorisation spéciale» pour lever son
immunité parlementaire et engager des
poursuites. Il restera cinq ans en
prison.
Riad al-Turk (1930-), un poids lourd de
l’opposition interne. Surnommé le
«Mandela syrien», ce symbole du
communisme syrien a été emprisonné
pendant 17 ans pour avoir dénoncé la
répression contre les Frères Musulmans.
Fondateur avec Jamal Al-Atassi, en 1979,
du Rassemblement national démocratique,
groupement de personnalités syriennes
hostiles à la coalition au pouvoir
autour du parti Baas. En 2005, il avait
participé à la rédaction de la
Déclaration de Damas du 16 octobre,
réclamant un «changement démocratique et
radical» du pouvoir de façon «pacifique
et graduelle».
Haytham al-Maleh (1931-) Cet avocat
islamiste modéré est un symbole des
droits de l’homme en Syrie. De tendance
conservatrice sociale et islamiste, ce
sunnite a été arrêté et emprisonné de
1980 à 1986 car il plaidait en faveur de
réformes constitutionnelles. Emprisonné
plusieurs fois, interdit de voyager, il
a créé, en 2002, une association de
défense des droits de l’homme en Syrie.
Il a été remis en liberté le 8 mars 2011
à la suite de l’amnistie pour les plus
de 70ans, décidée par Bachar el-Assad.
B-L’opposition externe
Sur la problématique des «Frères
musulmans à l’épreuve de la révolution»
cf. à ce propos la série
Egypte: Les Frères musulmans à l’épreuve
de la révolution de René Naba
1ère partie: L’Arabie saoudite, le
foyer de la contre-révolution arabe
http://www.renenaba.com/egypteles-freres-musulmans-egyptiens-a-l%E2%80%99epreuve-de-la-revolution/
2eme partie: Le rôle mobilisateur de
Saïd Ramadan
http://www.renenaba.com/egypteles-freres-musulmans-egyptiens-a-l%E2%80%99epreuve-de-la-revolution-2/
3eme partie: Les Frères Musulmans aux
portes du pouvoir
http://www.renenaba.com/egypteles-freres-musulmans-egyptiens-a-l%E2%80%99epreuve-de-la-revolution-3/
Abdel Halim Khaddam (1932-), Sunnite
ministre des Affaires étrangères, puis
vice président de la République sous
Hafez Al-Assad, il sera l’un des plus
fermes opposants à la politique
d’ouverture prônée par Bachar à la
succession de son père, dont il
redoutait les conséquences comparables à
la perestroïka soviétique. Logeant dans
l’ancienne résidence de l’armateur grec
Aristote Onassis, gracieusement mise à
sa disposition par la famille Hariri, à
Paris, il a fait alliance avec les
Frères Musulmans syriens, la bête noire
du régime et mène, depuis Paris, une
opposition syrienne en exil, après avoir
été le proconsul syrien au Liban dont il
assurera la ponction de son économie en
partenariat avec Rafic Hariri, l’ancien
premier ministre libanais assassiné.
Fondateur en 2006 du Front de Salut
national (FSN), il est condamné par
contumace en 2008 par un tribunal
militaire syrien pour avoir notamment
«organisé un complot en vue de renverser
le pouvoir politique».
4-Selon le Canard enchaîné, dans son
édition du 23 novembre, 2011 des
officiers de la DGSE, le service de
contre-espionnage français, ont été
envoyés au nord du Liban et en Turquie
avec pour mission d’instruire et de
structurer les « contingents » de l’
»Armée syrienne libre », censée
regrouper des « milliers » de «
déserteurs » syriens. Et dont le chef
nominal, le colonel Ryad al-Asaad, se
trouve précisément réfugié en Turquie
depuis deux mois. L’activisme français a
donné lieu à une réplique de la Russie
qui a dépêché trois bâtiments de sa
flotte au large du port syrien de
Tartous pour une mission de collecte de
renseignements et de neutraliser les
manœuvres de la France contre un pays
anciennement sous son mandat, qui a
constamment tenu la dragée haute en
soixante ans d’indépendance.
5 -Stratégie pour Israël dans les
années 1980. Document publiée article
par la Revue d’Etude Palestiniennes au
printemps 1982, à trois mois avant
l’invasion israélienne du Liban. Pour
l’intégralité de ce document sous ce
lien
((http://www.renenaba.com/revue-d%E2%80%99etude-palestiniennes-n%C2%B0-14-fevrier-1982;
Ce document fourni par Israël Shahak,
ancien président de la Ligue israélienne
des Droits de l’Homme, est également
paru dans Kivunim (Orientations), n° 14,
février 1982 (Revue publiée par le
Département de l’Organisation Sioniste
mondiale, Jérusalem). Dans sa préface,
Israël Shahak avait attiré l’attention
des lecteurs sur la proximité entre
cette «stratégie pour Israël» et la
pensée néoconservatrice américaine, la
même qui présidera à la politique
étrangère des Etats-Unis depuis
l’accession de George W. Bush au
pouvoir. L’éclatement de l’Irak, les
tensions communautaires dans la plupart
des pays arabes, l’annexion aussi de
Jérusalem et d’une bonne partie de la
Cisjordanie dotent l’article d’Oded
Yinon, vingt-cinq ans après sa
publication, d’une funeste actualité.
6- Le Pentagone redessine le monde:
L’article de ce militaire américain,
intitulé «Frontières ethniques, que
faire pour améliorer le Moyen-Orient»,
part du principe qu’il faut lever le
tabou de la sacro-sainte frontière
inamovible. Pour l’auteur, les nouvelles
frontières doivent se modeler en
fonction du critère ethnique et
confessionnel. Même s’il n’est pas
possible de tracer des frontières
respectant la totalité des
particularismes en tout genre nombreux
et numériquement très variables, il faut
pour Ralph Peters se rapprocher au
maximum de ce concept. Comme il le
souligne: «Nous parlons de difformités
énormes faites par les hommes qui
n’arrêteront pas de générer la haine et
la violence tant qu’elles n’auront pas
été corrigées.» Dans son esprit, il
s’agit de remettre radicalement en cause
les frontières nées des Accords
Sykes-Picot de 1916 préparant le
démantèlement de l’Empire ottoman.
En observant l’ensemble de cette zone
en partant de la péninsule Arabique, on
constate immédiatement le démantèlement
du royaume d’Arabie saoudite. Les propos
de l’auteur sont très clairs à l’égard
d’un pays qui a bénéficié de la
protection américaine suite aux
discussions entre le président Roosevelt
et le roi Ibn Saoud, le 14 février 1945,
à bord du croiseur USS Quincy.
Désormais, le royaume d’Arabie saoudite
passe à la trappe. Deux grandes entités
territoriales échappent à l’autorité de
Riyad.
Sur la côte Ouest, il s’agit de créer
un « Etat sacré islamique ». Comme le
précise Ralph Peters dans des propos
lourds de conséquences: «La cause
principale de la large stagnation du
monde musulman réside dans le traitement
réservé à la Mecque et à Médine
considérés comme leur fief par la
famille royale saoudienne. Les lieux
saints de l’Islam soumis au contrôle de
la police d’Etat de la part d’un des
plus bigots et oppressifs régimes au
monde ont permis aux Saoud (ndlr: la
famille régnante d’Arabie saoudite) de
projeter leur croyance wahhabite à la
fois intolérante et disciplinée au-delà
de leurs frontières. [...] Imaginez
comme le monde musulman se sentirait
mieux si la Mecque et Médine étaient
dirigés par un Conseil représentatif
tournant issu des principales écoles et
mouvements de l’Islam dans le monde au
sein d’un Etat sacré islamique — une
sorte de super Vatican musulman — où
l’avenir de la foi serait débattu au
lieu d’être arbitrairement fixé». Ce
point est capital puisqu’il révèle la
volonté de réformer l’Islam afin de
l’adapter aux principes occidentaux. Une
sorte «d’Islam des Lumières» élaboré au
cœur de cet Etat sacré islamique
permettrait de rayonner sur l’ensemble
du monde musulman et de remodeler les
esprits afin qu’ils épousent pleinement
la philosophie mondialiste. Il est vrai
que contrôler les esprits a toujours
permis de contrôler les hommes.
C’est d’ailleurs dans le même ordre
d’idée que l’on retrouve ces mesures
préconisées par la fondation
Bertelsmann, think tank allemand qui,
dans ses travaux débattus dans le cadre
des «discussions de Kronberg» en 2002 et
2003 (Europe, the mediterranean and the
Middle East, strengthening
responsibility for stability and
development et Die Zukunft der
europäischen Politik im Nahen Osten nach
dem Irak Krieg), relève l’inadéquation
de l’Islam à l’évolution du monde
moderne et prône une refonte des
mentalités et la remise en cause des
frontières. Ces recommandations
allemandes soulignent aussi la
convergence des buts à atteindre de part
et d’autre de l’Atlantique pour refondre
entièrement le Moyen-Orient. Il est vrai
aussi que les concepts
ethno-confessionnels développés par
Ralph Peters cadrent parfaitement avec
la vision ethniciste germanique. Sur la
côte du golfe Persique, c’est la
province de Hassa dont la population est
majoritairement chiite qui est détachée
de l’Arabie saoudite et intégrée à un
«Etat chiite arabe», vestige d’un Irak
littéralement explosé.
L’application de cette mesure
entraînerait la mort économique du
royaume car c’est à cet endroit que se
concentre l’essentiel de l’extraction
des hydrocarbures autour de la triade
Dammam-Dharhan-Al-Khobar. L’Etat chiite
arabe verrait ses réserves pétrolières
et gazières monter en flèche et
deviendrait incontournable car, outre
les vastes ressources de Hassa et de la
production off-shore, il faudrait
ajouter celles de la région de Bassora
(ex-Irak) et des provinces arabes
iraniennes, détachées de Téhéran, riches
en hydrocarbures jouxtant le Chatt el-Arab
(Arabes chiites du Khouzistan et Arabes
sunnites du Bouchir). De plus, Riyad
perdrait ses provinces du Sud (Jizrane,
Najran et l’Assir) au profit du Yémen,
territoires acquis en 1934 lors du
Traité de Taëf, et qui ont conservé leur
identité yéménite. Enfin, la curée sera
complète avec l’octroi d’une façade
maritime à la Jordanie.
Armed Forces Journal (AFJ) est une
revue affiliée à un véritable empire de
la presse militaire américaine. Fondé en
1863, ce mensuel s’adresse aux officiers
des Etats-Unis traitant de sujets aussi
variés comme: la technologie militaire,
la logistique, la stratégie, la doctrine
ou encore la tactique. AFJ est coiffé
par une maison mère, Army Times
Publishing Company, dont les
publications s’articulent autour de
trois axes: 1) The Military Times Media
Group qui publie : Army Times, Navy
Times, Air Force Times et Marine Corps
Times, 2) The Defense News Media Group,
groupe mondial des revues de défense et
qui publie : Defense News, Armed Forces
Journal (AFJ), Training & Simulation
Journal et C4ISR Journal (renseignement,
surveillance et reconnaissance); Enfin 3
The Federal Times, hebdomadaire
d’informations traitant des nouvelles
technologies et des sujets financiers.
Depuis le 1er août 1997, Army Times
Publishing Company est une filiale d’un
groupe encore plus puissant, la société
Gannett. Fondé en 1906 par Frank Gannett,
cet empire de presse et des médias
publie aux Etats-Unis près de 90
quotidiens dont les plus connus sont USA
Today et USA Weekend et contrôle 22
stations de télévision. Ses activités
débordent aussi au Royaume-Uni puisque
17 quotidiens sont sous son influence.
L’ensemble génère des revenus financiers
colossaux estimés à 7,6 milliards de
dollars pour 2005.
Pierre HILLARD
http://www.armedforcesjournal.com/2
Publication originale : Balkans Infos,
n°113, septembre 2006.
© René Naba
Reçu de René Naba pour publication
Le sommaire de René Naba
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