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UJFP
Pourquoi y a-t-il la guerre à Gaza ?
À cause du sionisme
Pierre Stambul
Pierre Stambul - Photo: Le Jour
d'Algérie
Marseille, le 15 janvier 2009
La guerre sanglante que l’armée israélienne mène à Gaza n’est pas
venue de nulle part. Tzipi Livni a prévenu tous les partis
politiques sionistes 48 heures avant l’agression et tous
l’ont approuvée, y compris le Meretz (la gauche sioniste). Le
mouvement « La Paix Maintenant » et les écrivains dits « de
gauche » (mais farouchement sionistes) Amos Oz, Avraham Yehoshua
et David Grossman ont aussi approuvé l’invasion en prônant peu
après une trêve. Tous partagent le point de vue officiel en
Israël : pour eux, le Hamas est un monstre infréquentable contre
lequel le droit de tuer va de soi, même s’il y a des «
dommages collatéraux ».
Des Israéliens juifs anticolonialistes s’opposent à la guerre.
Ils témoignent et manifestent quotidiennement avec un grand
courage. Ils ne représentent qu’une petite minorité (il paraît
que 95% des Israéliens juifs étaient d’accord avec la
perspective d’attaquer le Hamas) mais leur importance et leur
influence dépassent leur nombre. Tous sont non sionistes ou
antisionistes. Ils sont les seuls à comprendre la nature du
crime commis à Gaza : crime de guerre et crime contre
l’humanité. Il faudra bien qu’on en finisse avec l’impunité
de cet Etat-voyou. Cela passera par le boycott d’Israël tant que
durera l’occupation et par le jugement des criminels de guerre.
Une idéologie totalitaire
En Israël, tout est sioniste. L’identité, la mentalité,
l’histoire enseignée, les médias, les lois, l’air que l’on
respire. Personne ne peut échapper à cette idéologie qui
s’insinue partout. Au nom de cette idéologie, 60 ans après la
création de l’Etat d’Israël, la moitié des Bédouins du Néguev
vivent dans des bidonvilles sans route, ni eau, ni électricité,
ni maison en dur, parce que l’Etat Juif ne reconnaît pas leurs
villages et leurs actes de propriété. Entre Méditerranée et
Jourdain, il y a environ 5 millions de Palestiniens et 5
millions et demi de Juifs. À cause du sionisme, les premiers
n’ont aucun droit. Ils sont soit bombardés et massacrés, soit
occupés, soit des sous citoyens dans leur propre pays.L’apartheid
s’est installé.
Dans l’histoire multiple et diverse du judaïsme, le sionisme a
fait irruption, il y a un peu plus d’un siècle et il a la
prétention aujourd’hui de s’imposer à tous les Juifs. Si on
le critique et qu’on n’est pas juif, on est forcément
antisémite. Si on est juif, alors on est un « traître qui a la
haine de soi ». Et si on est palestinien, le sionisme délivre un
droit de tuer, pour la bonne cause bien sûr, la sacro-sainte «
sécurité d’Israël ».
Il n’en a pas toujours été ainsi. En 1948, tous les grands noms
du judaïsme américain avec en tête Albert Einstein et Hannah
Arendt signent une adresse au président Truman lui enjoignant
d’arrêter ou d’expulser le terroriste Menahem Begin qui vient de
massacrer 200 villageois à Deir Yassine. Aux yeux du monde, le
judaïsme à l’époque, c’est Rosa Luxembourg, Freud, Kafka,
Einstein, Arendt. Tou-te-s étaient non croyant-e-s et non
sionistes comme la majorité des 6 millions de morts du génocide
nazi. Comment est-on arrivé à cette inversion qui fait que les
valeurs de fascistes (je ne trouve pas d’autre mot) comme Begin,
Shamir, Liberman , Sharon se sont imposées et sont devenues
celles des criminels Olmert, Perès, Barak, Livni …ou celles d’un
grand nombre de dirigeants communautaires en France.
Cette mutation est incompréhensible si on n’examine pas ce
qu’est le sionisme : à la fois un nationalisme, une forme de
colonialisme, un messianisme qui a fabriqué un « homme juif
nouveau ». Et une idéologie devenue ultra militariste, ayant
fabriqué un pays devenu la tête de pont de l’impérialisme au
Proche-Orient. Une idéologie affirmant offrir un « havre de paix
» aux Juifs. Avec à la clé une instrumentalisation du génocide
nazi et de l’antisémitisme.
Une histoire falsifiée
Les sionistes ont fabriqué une histoire fantastique du judaïsme.
Alors que la grande majorité des premiers sionistes étaient
non-croyants et souvent très hostiles aux religieux, ils sont
allés chercher dans la Bible toutes les « justifications » au
projet colonial qu’ils étaient en train d’inventer.
Depuis des dizaines d’années, il y a consensus chez les
archéologues et les spécialistes de l’histoire antique (lire «
La Bible Dévoilée » de Finkelstein et Silberman chez Bayard).
Les épisodes d’Abraham et de Moïse sont totalement légendaires.
Mais, ce qui est plus important, la conquête de Canaan par Josué
est totalement légendaire. Ce texte qui est une véritable
apologie du nettoyage ethnique et du massacre de « l’autre » n’a
aucune réalité historique. C’est pourtant lui qui sert de base «
historique » à l’installation des colons en Cisjordanie et aux
partisans de l’expulsion des Palestiniens (la moitié de la
société israélienne y est favorable). Il n’y a aucune trace
archéologique de l’existence du royaume unifié de David et
Salomon. À l’époque, Jérusalem était un village. Il est très
probable que le royaume d’Israël (détruit par les Assyriens) et
celui de Juda (détruit par les Babyloniens) aient toujours été
des entités distinctes. Et il est surtout avéré que, pendant
toute l’antiquité des peuples différents, des langues
différentes et des religions différentes ont cohabité sur cette
terre qui était un véritable carrefour. Les sionistes qui
affirment que c’est la terre du peuple juif et que l’Etat
d’Israël est une reconstitution du « royaume unifié » ont
entériné une légende religieuse à laquelle ils ne croyaient pas
eux-mêmes.
Dans la théorie sioniste, le peuple juif a été expulsé de sa
terre au moment de la guerre menée par Titus et de la
destruction du temple. Il aurait vécu 2000 ans en exil dans des
conditions épouvantables jusqu’à ce que le sionisme lui permette
de retourner dans son pays.
Or cette théorie est une affabulation. Dans « Comment le peuple
juif fut inventé » (chez Fayard), Shlomo Sand montre, documents
à l’appui, qu’il n’y a eu ni exil ni retour. Au moment de
la destruction du temple, il y avait déjà des Juifs à Babylone,
Alexandrie, Rome, en Espagne …Après la défaite face aux Romains,
c’est la religion qui s’est dispersée, pas le peuple. Donc
les descendants des Hébreux sont essentiellement les
Palestiniens. Ben Gourion en était d’ailleurs persuadé et il
a d’abord songé à les intégrer au projet sioniste.
Pendant plusieurs siècles dans l’empire Romain puis dans
d’autres régions, la religion juive a été prosélyte. Les Juifs
ont formé un pourcentage notable des habitants de l’empire
romain. De nombreuses conversions ont eu lieu plus tard chez les
Berbères d’Afrique du Nord puis chez les Khazars (une tribu
turque ayant établi un empire entre Caspienne et Mer Noire).
Bref les Juifs d’aujourd’hui seraient majoritairement
descendants de convertis. Quant au retour, à plusieurs
reprises, les Juifs auront l’occasion de s’installer à Jérusalem
et ils préfèreront aller à Bagdad, Alexandrie ou Salonique. Il
n’y a pas de « race » juive et (d’après Sand) même pas de «
peuple » juif. La théorie sioniste de l’exil et du retour est
complètement une construction idéologique.
Les sionistes ont instrumentalisé l’épisode de Massada. Après la
prise de Jérusalem par Titus, des Juifs révoltés sont assiégés
par les Romains dans la citadelle de Massada au-dessus de la Mer
Morte et ils préfèrent le suicide à la reddition. D’où le
complexe de Massada : « personne n’aime les Juifs, ils ne
peuvent compter que sur eux-mêmes et ils sont menacés en
permanence de destruction ». En réalité, les révoltés de Massada
étaient des fanatiques religieux (les zélotes) qui ont commencé
par massacrer les Juifs qui acceptaient le mélange avec les
autres peuples de la région et la souveraineté romaine.
Diaspora et antisémitisme.
Pour les sionistes, la diaspora (=dispersion) est une parenthèse
qui se serait terminée avec la fondation de l’Etat d’Israël.
C’est faux : la diaspora est le centre de l’histoire des
différents judaïsmes. C’est le lieu où la religion s’est
structurée. C’est là que les différentes langues juives
(judéo-arabe, ladino, yiddish) se sont développées. Le sionisme
s’est acharné à faire disparaître les langues, les traditions et
les cultures des différentes communautés juives de la diaspora.
La plupart des Israéliens ont des noms et des prénoms qui n’ont
rien à voir avec ceux de leurs ancêtres. L’Hébreu s’est imposé,
la culture israélienne a fonctionné comme un effaceur du
passé. Pour fabriquer l’Israélien nouveau, il a fallu « tuer
» le Juif (le cosmopolite, le minoritaire, le dispersé). La
plupart des Israéliens ignorent tout de leur histoire. Cette
absence de mémoire, remplacée par une mémoire falsifiée est une
des explications de leur indifférence à « l’autre ».
Le sionisme décrit la vie en diaspora comme une suite
ininterrompue de persécutions et de malheurs qui auraient pris
fin avec la création d’Israël. Avec l’idée que le mélange ou
l’égalité des droits entre Juifs et Non Juifs est impossible et
que les Juifs ne peuvent vivre qu’entre eux dans un Etat juif.
Il y a là une vision réductrice. La persécution des Juifs
commence sous l’empereur Constantin (IVe siècle ap JC) quand le
christianisme devient religion officielle. Cet antijudaïsme
chrétien a des origines multiples : le christianisme est
issu du judaïsme, les 2 religions ont longtemps été en
concurrence, l’accusation de « déicide » est centrale chez les
Chrétiens. Les Juifs subiront de très nombreuses expulsions (la
plus importante étant l’Espagne en 1492), de grands massacres
(croisades, Ukraine), un enfermement et une discrimination
systématiques. Mais il y a eu aussi des périodes plus fastes
marquées par une vie culturelle intense. Les sionistes essaient
de montrer que les Musulmans ont toujours été les ennemis des
Juifs. C’est faux : le statut de « dhimmi » n’est certes pas la
citoyenneté, mais il a assuré aux Juifs une paix relative qui
n’a rien à voir avec les persécutions chrétiennes.
C’est paradoxalement l’Emancipation des Juifs européens (qui
commence au XVIIIe siècle en Allemagne et en France) qui
provoque la transformation de l’antijudaïsme chrétien en
antisémitisme racial. Le Juif personnifie l’obstacle à la
construction d’Etats-nations ethniquement purs. Il devient le
bouc émissaire de tous les nationalismes. C’est le consensus
antisémite en Europe qui permettra le génocide nazi.
Le sionisme contre l’Emancipation
Vers 1900, une dizaine de millions de Juifs vivent en Europe de
l’Est. Ils parlent le Yiddish. Les transformations sociales les
ont massivement prolétarisés. Une grande partie d’entre eux
abandonne la religion et se tourne vers les idées socialistes.
Pour beaucoup, la révolution, en émancipant les prolétaires,
résoudra la question de l’antisémitisme. Si les principaux
partis révolutionnaires mettent entre parenthèse la « question
juive », le Bund, parti révolutionnaire juif, propose dans le
cadre de la Révolution, une « autonomie culturelle » des Juifs
là où ils vivent.
C’est à cette époque qu’apparaît le sionisme. Il se présente au
départ comme une version juive des différents nationalismes
(qui mèneront à la boucherie de 1914 et au nazisme) avec
l’équation simple : un peuple = un état. Problème : s’il y a à
l’évidence un peuple Yiddish entre Baltique et Mer Noire, ce
peuple a peu à voir avec les Juifs marocains, irakiens ou
yéménites. Les sionistes inventent donc le peuple et l’exil.
Alors que le Bund crée des milices d’autodéfense contre les
pogromistes, les sionistes considèrent que l’antisémitisme est
inévitable, qu’il est inutile de le combattre et que la seule
solution est la fuite vers le futur Etat Juif. Ils tournent
délibérément le dos à toute idée d’égalité, d’émancipation, de
citoyenneté, de mélange. Peu avant sa mort, Herzl rencontre
un des pires ministres antisémites du tsar en lui expliquant que
sionistes et tsaristes ont des intérêts communs : faire partir
un maximum de Juifs. Le pogrom de Kichinev ou l’Affaire Dreyfus
sont utilisés pour convaincre que tout combat en Europe est
inutile. L’Affaire Dreyfus a pourtant montré que l’antisémitisme
concernait toute la société et que la victoire des forces de
progrès était possible.
Les sionistes, très souvent laïques voire athées, s’emparent du
texte biblique et décident de s’installer en Palestine. C’est
le fameux mensonge fondateur de Zangwill (« une terre sans
peuple pour un peuple sans terre »). Leur installation
commence donc par la négation de l’existence du peuple
palestinien. Du coup, ils fabriquent une histoire de la
Palestine, où paraît-il les Juifs auraient vécu sans
interruption depuis 4000 ans. C’est bien sûr faux. Après la
dernière révolte juive contre les Romains (Bar Kochba), il y a
très peu de Juifs en Palestine, la population étant devenue
chrétienne puis musulmane. Vers 1900, les Juifs forment 4% de la
population en Palestine, ce qui est la même proportion que dans
les pays voisins. Ils sont majoritairement arrivés au XVIIIe
siècle, sont très bien intégrés et sont contre toute idée
d’Etat Juif.
Jusqu’à la deuxième guerre mondiale, les sionistes seront
très minoritaires parmi les Juifs. Ceux qui émigrent pour
fuir la misère ou l’antisémitisme partent très majoritairement
vers les Etats-Unis ou l’Europe occidentale. Toutes les
élections qui ont lieu en Pologne ou en Lituanie dans les
ghettos montrent que les partis sionistes sont minoritaires. En
1939, il n’y a que 3% de la population juive mondiale qui est
partie en Palestine.
Le sionisme n’est pas au départ religieux. Le courant religieux
sioniste (celui du rabbin Kook) sera au départ très faible, les
religieux étant majoritairement sceptiques, voire très hostiles
au sionisme. Ils considèrent que l’Etat Juif se substituent au
Messie. Il faudra attendre 1967 avec l’émergence du courant
national-religieux pour voir l’horrible synthèse entre
colonialisme et intégrisme.
Du colonialisme au nettoyage ethnique.
Les sionistes sont arrivés en Palestine avec le même complexe de
supériorité vis-à-vis des autochtones et le même comportement
que les colonialistes de l’époque. Il s’agissait d’accaparer
le maximum de terre et de repousser, confiner, domestiquer le
peuple qui vivait là. Au musée de la ville israélienne de
Hadera, il y a une grande photo avec la légende : « Moshé X,
fondateur de Hadera ». Autour de l’individu en question, il y a
une quinzaine de Palestiniens, mais les fondateurs du musée
n’ont même pas vu qu’ils existaient. Tout sera bon pour acquérir
des terres. L’argent qui sert à « arroser » quelques féodaux et
à valoriser les terres mais aussi la force. La déclaration
Balfour marque la complicité entre le sionisme et
l’impérialisme. Pour Balfour qui partage les préjugés
antisémites de l’époque, c’est un coup double : faire partir
les Juifs d’Europe et assurer une présence européenne au
Moyen-Orient où l’empire ottoman s’est effondré.
Quand les Palestiniens réalisent que l’immigration juive a pour
projet d’établir un Etat juif et de les déposséder de leur
propre pays, ils se révoltent (1929, 1936) et c’est l’armée
britannique qui les écrase. Pendant toute cette période, les
sionistes construisent un véritable appareil d’état et ils sont
totalement absents de la lutte contre la montée du nazisme.
Pire, l’aile droite du sionisme dont le chef de file est
Jabotinski, s’inspire directement des idées fascistes (il a
vécu en Italie et admirait Mussolini) pour proposer dès 1930
l’expulsion des Palestiniens au-delà du Jourdain. Le groupe
Stern d’Itzhak Shamir (futur premier ministre d’Israël) avait
une telle conscience du génocide nazi qu’il assassinera des
soldats britanniques jusqu’en 1942 et tentera de négocier avec
les Nazis.
Les sionistes ont joué un rôle confidentiel dans la
résistance juive au nazisme qui a été principalement
communiste ou bundiste. Et pourtant, c’est le génocide (qui a
tué la moitié des Juifs européens et a fait définitivement
disparaître le Yiddishland) qui va permettre la fondation
d’Israël.
Les Européens, les Américains et les Soviétiques se rallient dès
1945 à l’idée d’un Etat Juif. Ils vont faire payer au peuple
palestinien pour un crime européen (l’antisémitisme et le
génocide) dans lequel il n’a pas le début d’une responsabilité.
On sait de façon sûre, les nouveaux historiens israéliens
(surtout Ilan Pappé) ayant confirmé ce que les Palestiniens ont
toujours dit, que l’expulsion de 800000 Palestiniens en 1948
était préméditée. Ce nettoyage ethnique (la Naqba) est un crime
et aucune paix ne pourra être signée sans la reconnaissance de
ce crime qu’il faudra, d’une façon ou d’une autre, « réparer ».
Or, pour le sionisme, cette reconnaissance est une négation
du projet fondateur et de la prétendue légitimité de ce
projet. Dans le film sioniste « Décryptage », Ehud Barak
interviewé le dit : « j’aurais voulu qu’Arafat reconnaisse la
légitimité du sionisme ». Bref il aurait voulu sa capitulation.
On est au cœur du problème. Le sionisme est bien un obstacle
à la paix.
Ajoutons puisque aujourd’hui le Hamas est accusé de terrorisme
que le terrorisme sioniste pendant la guerre de 48 a été bien
réel avec l’Irgoun et le groupe Stern (mais la Haganah, armée
officielle occupait les zones « nettoyées » par les
terroristes). De Deir Yassine à l’attentat contre l’hôtel King
David ou à l’assassinat du comte Bernadotte, on voit que les
auteurs de ces crimes sont devenus plus tard Premiers ministres.
Et aujourd’hui, on découvre que Tzipi Livni qui a travaillé dans
les services secrets est la responsable d’un attentat
anti-palestinien à Rome.
La politique du fait accompli et l’instrumentalisation du
génocide.
Après 1948, les sionistes ont accéléré la stratégie qui leur
avait si bien réussi en se faisant reconnaître par l’ONU sur des
frontières qui n’avaient plus rien à voir avec celles du plan de
partage : la stratégie du fait accompli. Dès 1949, les terres et
les propriétés des Palestiniens chassés sont confisquées. Alors
qu’Israël a dû reconnaître dans les conventions d’armistice de
1949 le droit au retour des Palestiniens, ce droit va
immédiatement être nié et même présenté comme une revendication
inacceptable mettant en question l’existence d’Israël.
En 1948, il y a moins d’un million de Juif dans le nouvel état.
Tout va être mis en route pour provoquer partout l’émigration.
Sionisme et antisémitisme vont devenir complémentaires,
le second alimentant le premier et le premier cherchant à
provoquer le second quand l’émigration se tarit. L’arrivée d’un
million de Juifs du monde arabe est le résultat conjoint d’une
propagande très intense pour les arracher de pays où ils
vivaient depuis des siècles et de l’attitude de la plupart des
gouvernements arabes ravis de ces départs. Pour les Juifs venus
des pays de l’Est, la persistance d’un antisémitisme d’état a
provoqué une rupture avec le communisme (qui avait la sympathie
d’un très grand nombre de Juifs) et l’émigration vers Israël.
Le fait accompli va prendre un tour nouveau en 1967. On sait
maintenant que les menaces de Nasser ont été un prétexte. La
guerre, l’annexion et la colonisation étaient programmées.
L’annexion (par vote de la Knesset) de Jérusalem Est a lieu dès
1967. Elle sera suivie de celle du Golan. Ne disposant pas du «
personnel » pour créer des colonies, les travaillistes au
pouvoir vont littéralement créer le courant national-religieux
(qui représente aujourd’hui 1/4 de la population) en leur
offrant des colonies. C’est Ygal Allon (réputé être « de gauche
») qui est à l’origine de cette colonisation. 500000 Israéliens
vivent aujourd’hui dans les territoires conquis en 1967 et tout
a été fait pour faire disparaître la « ligne verte » et rendre
l’annexion définitive.
Le sionisme a eu au départ une attitude ambiguë vis-à-vis du
génocide. Les rescapés ont été très mal reçus en Israël
(aujourd’hui, beaucoup vivent sous le seuil de pauvreté). On
opposait leur prétendue résignation à l’Israélien fier de lui
qui défrichait, se battait et « transformait le désert en jardin
». Mais très rapidement, le gouvernement a vu le parti à tirer
du génocide. D’où la création du musée Yad Vashem, l’arrestation
et l’exécution d’Eichmann. Plus tard le « devoir de mémoire »
est devenu obligatoire.
Aujourd’hui, ce devoir est devenu une horreur. Il y a d’abord
l’idée que les Juifs ont été, sont et seront toujours des
victimes. Les Israéliens ont « peur de ne plus avoir peur
», ça les obligerait à examiner l’impasse meurtrière dans
laquelle ils se trouvent. Quand les dirigeants israéliens ont
négocié avec les Palestiniens, le seul sujet qu’ils voulaient
traiter, c’était la sécurité de l’occupant. Pour eux, le «
peuple élu », c’est celui qui a tous les droits. Les sionistes
célèbrent les quatre Israéliens tués par les Qassams du Hamas et
se moquent totalement des 1000 morts de Gaza. Israël est le pays
(après la Turquie) où il y a le plus de négationnistes du
génocide arménien, le seul génocide valable étant celui des
Juifs. Couramment on présente les Palestiniens comme les
héritiers du Nazisme. Arafat a été qualifié de « nouvel Hitler »
et Begin a dit en 1982 en lançant ses troupes sur Beyrouth «
qu’il avait l’impression d’attaquer le bunker d’Hitler ». Sharon
a déclaré lors du 60e anniversaire de la libération d’Auschwitz
que cela prouvait que « les Juifs ne pouvaient se défendre que
par eux-mêmes », bref que tout était permis. Pour les
rescapés et leurs descendants (dont je suis), cette
instrumentalisation est obscène.
Le sionisme prétendait apporter un « havre de paix » aux Juifs
persécutés. Il a fabriqué un projet criminel pour les
Palestiniens mais suicidaire pour les Israéliens et même pour
les Juifs. S’il y a bien un pays où les Juifs sont en
insécurité, c’est Israël et il en sera ainsi tant que la
destruction de la Palestine se poursuivra.
Israël est devenu un pays odieusement militariste. On dit
d’ailleurs que ce n’est pas un pays doté d’une armée mais «
une armée dotée d’un état ». D’ailleurs la plupart des
dirigeants politiques viennent de l’armée ou des services
secrets. Et Israël est devenu une tête de pont de l’Occident au
Moyen-Orient dans le cadre du « choc des civilisations ».
Ce pays incarne l’Occident face aux « barbares ». D’où le «
permis de tuer » à Gaza qui a été octroyé.
Le sionisme a gommé les différences idéologiques
Les différents gouvernements d’Union Nationale en Israël ou le
fait qu’en France, le CRIF soutienne inconditionnellement toute
politique israélienne montrent qu’il n’y a aucune différence
entre sionistes de droite et sionistes « de gauche ». Les
premiers ont toujours été « sincères ». Ils sont depuis 70 ans
pour le nettoyage ethnique et l’expulsion des Palestiniens. Les
seconds ont fait la même chose mais sans oser l’avouer. La «
gauche » sioniste était au pouvoir au moment de tous les crimes
commis par la Palestine : la Naqba, la colonisation, la
construction du mur de l’Apartheid. Jamais les sionistes n’ont
accepté les Palestiniens comme des égaux. Le processus d’Oslo a
échoué parce que tous les courants sionistes exigeaient une
capitulation des Palestiniens, une renonciation à tous leurs
droits, l’acceptation de bantoustans éclatés qu’on aurait
baptisé Etat palestinien.
Il n’y a pas de sionisme à visage humain. Le crime commis à Gaza
et l’indifférence en Israël face à ce crime en sont une preuve
supplémentaire. La paix fondée sur l’égalité des droits et la
justice passera par une « désionisation » d’Israël, une rupture
avec cette fuite en avant criminelle. Le sionisme a rendu plus
que malade la société israélienne devenue autiste et complice de
crimes.
Alors, nous dira-t-on, vous autres antisionistes, vous êtes pour
la destruction de l’Etat d’Israël ? Ne mélangeons pas les
choses. Les Israéliens juifs (5 millions et demi de
personnes) forment aujourd’hui un peuple et ils resteront.
Mais aucune paix n’est envisageable sans une égalité totale,
politique et économique entre les peuples de la région. Quelle
que soit la solution envisagée (un ou deux états), cela devra
être les sociétés de tous leurs citoyens. Donc oui
l’existence d’un « Etat Juif » (Etat Français, ça sonne mal
et ça rappelle de mauvais souvenirs, n’est-ce pas ?) où les Non
Juifs sont des sous citoyens est un cauchemar. Un Etat ne
peut pas être à la fois juif et démocratique, c’est une
contradiction. La paix passe par le respect de la citoyenneté de
tous et par celui des droits humains fondamentaux.
Le sionisme est une idéologie criminelle. Et c’est une
catastrophe pour le judaïsme quel que soit le sens qu’on
donne à ce terme. En mélangeant sciemment juif et sioniste et en
assimilant toute critique d’Israël à l’antisémitisme, les
sionistes transforment « l’antiisraélisme » (selon la formule
d’Edgar Morin) en antijudaïsme. Ils se comportent en véritables
pyromanes. Il est temps que la parenthèse sioniste se referme.
Pierre Stambul (Bureau National de l’Ujfp)
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