Le Web de l'Humanité
La détermination à résister demeure
Pierre Barbancey
© Photo L'Humanité
Samedi 17 janvier 2009
Notre envoyé spécial est entré dans Gaza.
« Ma maison a été détruite, nous n’avons plus
d’eau, ni électricité. »
Le journaliste de l’Humanité a pénétré dans
la bande de Gaza qui, depuis le début de l’offensive, était
maintenu à huis clos par les troupes israéliennes. Il nous
raconte ses premières impressions. Rafah
(Bande de Gaza), envoyé spécial.
La nuit tombe sur la ville palestinienne de Rafah, première
ville de la bande de Gaza après l’Égypte. Il aura fallu plus de
trois heures pour franchir une frontière large de seulement
quelques dizaines de mètres. Il y a de la bureaucratie
égyptienne mais surtout des questions sécuritaires : les avions
israéliens s’acharnent sur la frontière pour détruire les
tunnels. Une fois passé la barrière, la première chose que l’on
aperçoit, ce sont les ambulances du croissant rouge qui amènent
les blessés - ils sont nombreux - de l’autre côté.
Sur la route principale qui mène vers la ville, les détritus
qui jonchent le sol montrent que la ville ne fonctionne plus.
Avec les minutes la pénombre s’installe. Il n’y a plus
d’électricité ce qui crée un sentiment d’insécurité. Quelques
voitures circulent néanmoins. Abou Ahmed nous montre le quartier
Chaboura où des bombardements ont eu lieu il y a deux semaines.
Des morceaux de béton gisent à même le sol. Là, c’est un jardin
pour enfants qui abritait une structure qui a été touchée. De
l’autre côté de la rue, les magasins ont été soufflés. « Il y a
une eu une dizaine de morts », précise Abou Ahmed. « Il y a
encore eu des bombardements avant-hier. Mais ils semblent plus
se concentrer sur la zone frontalière et l’est de la ville ». Un
de ses amis précise : « ça ne les empêche pas de continuer à
distribuer des tracts pour nous dire de partir. Les Israéliens
laissent aussi des messages sur nos téléphones portables pour
qu’on dénonce ce qu’ils appellent les terroristes. C’est une
vieille méthode utilisée pour nous effrayer, pour faire peur à
la population ».
Devant un brasero improvisé Nidan Ali tente de se réchauffer
avec sa femme et ses enfants. « Ma maison a été détruite »,
dit-il. « C’est un F-16 qui a balancé un missile. Nous n’avons
plus d’eau, plus d’électricité . Des membres de ma famille ont
été blessés. Je veux vivre en sécurité avec ma famille, qu’il
n’y ait plus d’occupation et que le siège de Gaza finisse. » En
face de la mosquée Abrar, bombardée il y a deux jours, Ahmed
Bardawi montre les dégâts dans sa pharmacie. Les étagères sont
renversées, le plafond s’est effondré. Un point de médicaments
en moins pour le quartier. « Il y a d’abord eu une roquette
tirée, comme un avertissement », témoigne-t-il, la voix encore
tremblante. « Et puis tout de suite après un missile s’est
abattu sur la mosquée. J’étais près de ma fenêtre et j’ai un peu
touché. Mais je ne voulais pas aller à l’hôpital parce que dans
une situation pareille je ne voulais pas laisser ma famille
seule ».
Pas très loin de là on entend les bruits sourds des canons
d’artillerie. A moins que ce ne soient des chars qui déversent
leurs obus. Ils sont à quelques encablures de là. On ne sait pas
s’ils sont dans la bande de Gaza ou en lisière. La nuit
s’installe sur Rafah et sur la bande de Gaza. Il paraît que les
Israéliens ont prévu de lourds bombardements sur la frontière.
Rafah n’est qu’à un kilomètre. Ici, tout le monde a les traits
tirés, les yeux rouges, les visages pâles. On n’attend qu’une
chose, que ça finisse. Mais personne n’est prêt à abdiquer.
© Journal l'Humanité
Publié le 17 janvier 2009 avec l'aimable autorisation de l'Humanité.
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