
Photo: Al-Ahram
Mercredi 6 janvier 2010
Sécurité.
Une marche pour la levée du blocus
contre Gaza entreprise par des Français appartenant à une
association civile a pris une tournure plutôt aigre.
Un bras de fer s’est engagé entre les activistes et le
gouvernement égyptien. Reportage sur une manifestation insolite.
La scène est
incroyable, surtout pour les passants égyptiens habitués à ne
pas « crier trop fort » leur révolte contre certains agissements
de leur gouvernement. Sur les trottoirs du Caire devant
l’ambassade de France à Guiza, 300 militants français sont
encerclés par une centaine de policiers anti-emeute. Cela n’a
pas l’air de les effrayer pour autant. Ils continuent de scander
leurs slogans haut et fort : « Libérez Gaza », « Gaza, Gaza, on
oublie pas ! ». Certains d’entre eux brandissent des drapeaux
palestiniens, d’autres portent le célèbre keffieh palestinien et
des t-shirts verts sur lesquels sont inscrits « Palestine vivra
» d’un côté et « Boycott Israël » de l’autre. Ils sont tous
membres du collectif CAPJPO Europalestine, une association de
citoyens français de toutes origines, se disant « déterminés à
dénoncer sans relâche l’occupation des territoires palestiniens
qui perdure depuis des décennies ».
En octobre dernier,
ce collectif décide de préparer une « marche pour la liberté de
Gaza » qui viendra commémorer le premier anniversaire de
l’offensive israélienne sur Gaza, répondant ainsi à l’initiative
lancée par CODEPINK : « The Gaza freedom march » l’été dernier
aux Etat-Unis.
Arrivés au Caire le
dimanche 27 décembre, ils découvrent que les cars qui sont
supposés les transporter vers Rafah et avec lesquels ils avaient
signé un contrat ne viendront pas, les autorités égyptiennes
auraient refusé d’accorder l’autorisation. Les membres
choisissent de protester vivement et entament un sit-in qui
bloque entièrement l’avenue principale devant l’ambassade. La
situation se développe rapidement jusqu’à ce que les forces de
sécurité soient déployées et les activistes contraints à
n’occuper qu’un bout de trottoir devant l’ambassade.
Deux jours après,
c’est toujours le statu quo. Les cars n’arrivent pas et les
activistes sont bien décidés à ne pas abandonner leur cause,
même s’ils doivent pour cela endurer des circonstances
exténuantes. Les ordres émis par le ministère des Affaires
étrangères sont quant à eux très clairs : interdiction formelle
aux médias d’approcher ou de s’infiltrer dans le groupe. Il
faudra attendre que quelques-uns d’entre eux sortent de
l’emprise policière « au compte-goutte » pour pouvoir les
aborder. « La première nuit a été la plus éprouvante », raconte
Belkacem, un activiste de 50 ans. « Nous n’avions pas le droit
de nous déplacer hors de la sphère imposée par les forces de
sécurité, maintenant ça commence à se relâcher petit à petit.
Entre-temps, nous avons trouvé un surnom à cette place : la
bande de Guiza, en allusion à la Bande de Gaza », lance-t-il sur
un ton ironique. Belkacem reproche également à l’ambassade de
France de ne pas avoir été à la hauteur de leurs attentes pour
gérer la crise : « Une seule toilette pour 300 personnes, des
queues interminables avant d’y entrer et l’obligation de montrer
son passeport pour y accéder ».
Une sorte de «
check-point » qu’il considère comme une injustice commise envers
les expatriés joints au groupe à l’occasion de cette marche.
Chris Den Hond en fait justement partie. C’est un Belge de 48
ans vivant à Paris qui reste de bonne humeur malgré les
obstacles qu’il a rencontrés. « Le plus embêtant pour moi c’est
la pollution sonore ainsi que celle plus marquante de l’air, il
y a continuellement de fortes odeurs de gaz qui jaillissent des
pots d’échappement, en conséquence, je me réveille les mains
toutes noires », se plaint-il en les montrant. Mais il retrouve
vite le sourire : « Ce qui est tout de même magnifique, c’est
notre capacité à nous remonter le moral quand nous commençons à
nous fatiguer en se demandant pourquoi nous sommes ici, sur les
trottoirs du Caire, alors que notre rêve était de passer ce
temps précieux des fêtes de fin d’années auprès des habitants de
Gaza et leur montrer notre solidarité ».
En effet, selon Den
Hond, l’enthousiasme ne manque pas. Non seulement grâce au
groupe de musique MAP (Ministère des Affaires Populaires) qui a
tenu à les accompagner et qui continue à les motiver, mais
également par leurs propres slogans improvisés qu’ils crient en
arabe, en anglais et en français. « On a même vu des larmes dans
les yeux des soldats qui nous retiennent, quand certains d’entre
nous se sont mis à scander : Al-Chaab al-arabi wahed ! (le monde
arabe est une unité !), et ça m’a profondément touché ».
Mizian Fathallah, un
autre activiste de 42 ans, préfère plaisanter sur le pittoresque
de la situation :
« Quand j’ouvre les
yeux le matin, la première chose que je vois, c’est les casques
des soldats au-dessus de ma tête, drôle de réveil ! Au lieu
d’être allongé sur une plage, on l’est sur le sol ! ».
Toutefois, il reprend un air sérieux avant de continuer.
« Notre objectif n’a
jamais été ni de perturber la circulation ni d’embarrasser le
gouvernement égyptien comme il a été rapporté dans certains
médias. Notre but était plutôt de nature politique : attirer
l’attention du monde entier sur les massacres qui ont lieu dans
la bande de Gaza depuis le blocus imposé par Israël ». « Si ça
ne tenait qu’à nous, nous serions déjà en Palestine à l’heure
qu’il est, nous avions même un calendrier d’activités prévu avec
des associations civiles à Gaza jusqu’au 2 janvier prochain.
Pour ce faire, les documents requis par l’ambassade d’Egypte en
France avaient été fournis, toutes nos procédures et démarches
sont légales depuis le début ».
Bien que les
démarches en question aient été prises de longue date, les
résultats sont malheureusement décevants. Belkacem le résume en
quelques mots sur un air bien triste : « Cette expérience nous a
donné une petite idée de ce que vivent les habitants de la bande
de Gaza, mais pour ma part, je ne remettrai plus les pieds en
Egypte ».
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AL-AHRAM Hebdo
Publié
le 7 janvier 2010 avec l'aimable autorisation de AL-AHRAM Hebdo
