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TLAXCALA
Une
philosophie de rêve pour les paranoïaques :
« Tuez des Arabes, criez à l’antisémitisme ! »
Norman
Finkelstein
on
CounterPunch, 12 septembre 2006
http://www.counterpunch.org/finkelstein09122006.html
Une des thèses
centrales de mon livre Beyond
Chutzpah [Au-delà du culot monstre], c’est que, dès
lors qu’Israël est confronté à une débâcle dans ses
relations publiques, ses apologues sonnent l’alarme afin
d’avertir qu’une énième forme de « nouvel antisémitisme »
vient de nous arriver [comme le Beaujolais nouveau ! ndt].
Aussi, conformément à l’attente, juste après qu’Israël se
soit trouvé confronté à un nouveau problème d’image en
raison de sa destruction meurtrière du Liban, un groupe
multipartidaire du Parlement britannique, sous la houlette du député
travailliste Denis MacShane, ci-devant champion notoire d’Israël,
a publié un énième rapport alléguant une résurgence d’antisémitisme
[Report of the All-Party
Parliamentary Inquiry Into Antisemitism, Septembre 2006]. A en
juger d’après les témoins (David Cesarani, Lord Janner, Oona
King, Emanuele Ottolenghi, Melanie Phillips) et les sources
(MEMRI, Holocaust Education Trust) cités dans le corps du texte,
beaucoup de temps et d’argent auraient pu être épargnés eût
ce rapport été tout simplement soumissionné au Ministère israélien
des Affaires étrangères. [L’affirmation contenue dans ce
rapport selon laquelle « nous n’avons reçu aucune preuve
du fait que l’accusation d’antisémitisme aurait été en quoi
que ce soit utilisée de manière abusive par les organisations et
les dirigeants reconnus de la communauté juive britannique »
traduit sans doute plus
le soin apporté à la sélection des témoins que la réalité].
La seule
nouveauté de ce rapport, constitué pour l’essentiel de réchauffé
des allégations spécieuses auxquelles nous avons déjà fait un
sort dans Beyond Chutzpah, ce sont les paliers inexplorés
d’idiotie qu’il franchit.
Prenons la
méthodologie mise en œuvre pour démontrer ce soi-disant
« nouvel antisémitisme ». Le rapport définit comme
incident antisémite toute occasion « perçue » comme
antisémite par la « communauté juive ». Nous
avons affaire à cette école de pensée
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selon
laquelle il pleut, quand bien même n’y aurait-il pas la moindre
précipitation, parce que j’ai
l’impression qu’il pleut ! On a affaire, ici, à la
philosophie rêvée pour des paranoïaques, et en particulier des
paranoïaques rationnels, pour lesquels une victimitude alléguée
est politiquement expédiente. Ce rapport place sous la rubrique
des incidents antisémites non seulement des actes violents et des
discours incendiaires, mais aussi les « conversations,
discussions ou déclarations faites tant publiquement qu’en privé,
qui franchissent la ligne rouge de l’acceptabilité »,
ainsi que « le ton et l’humeur entourant des propos
portant sur les juifs. » Le miraculeux, dans cette affaire,
étant qu’il n’ait pas recensé y compris les fantasmes
libidineux antisémites répréhensibles. Dans la catégorie des déclarations
intrinsèquement antisémites, le rapport inclut le fait d’ « établir
des comparaisons entre la politique israélienne actuelle et la
politique des Nazis » (seules les comparaisons entre la
politique arabe actuelle et celle des Nazis sont autorisées…)
et les « théories au sujet de l’influence juive et / ou
sioniste sur la politique extérieure des Etats-Unis » (que
les organisations juives et sionistes s’en vantent, ça n’est
apparemment pas une raison !)
La
plupart des soi-disant « preuves » d’un antisémitisme
britannique omniprésent requièrent de véritables trésors de crédulité.
La seule occurrence listée – sous la sous-rubrique (de très
mauvais augure) de « Diffamations sanglantes » [« The
Blood Libel »] – est une série télévisée syrienne,
« que des téléspectateurs disposant de l’équipement
idoine de réception des retransmissions satellitaires auraient pu
voir au Royaume-Uni ». Le rapport relève aussi le cas (non
circonstancié) « d’un maître assistant d’université,
juif, qui a fait l’objet d’une tirade antisémite de la part
d’un étudiant, au beau milieu d’un cours, et dont il aurait
été par la suite exigé qu’il expliquât aux autorités
universitaires pour quelle raison il aurait (lui, la victime)
provoqué l’étudiant en question. »
Et
se demander s’il s’agissait d’un vieux chnoque, c’est
aussi de l’antisémitisme ?
Ensuite,
le rapport cite la mise en garde du Groupe conservateur de l’Assemblée
municipale de Londres, contre le fait qu’il « existe un
risque que, dans certains milieux politiques, « des opinions
sur certains événements internationaux puissent, fût-ce de manière
subconsciente, conduire à de subtils changements d’attitudes
envers (et à de subtils niveaux d’engagement aux côtés de)
divers groupes minoritaires… » »
Dites-moi :
votre nouvel antisémitisme doit avancer sacrément de traviole,
pour que les conservateurs britanniques se mettent à parler comme
Lacan !
Enfin,
il est jugé antisémite, pour des syndicats étudiants, de prôner
un boycott des produits israéliens, car cela aurait pour effet de
« limiter la disponibilité d’aliments cachère sur les
campus ».
Ne
pourrait-on pas demander à Israël d’organiser un « pont
aérien style Berlin années cinquante » en vue d’assurer
un approvisionnement des campus en carpes farcies ?
Tout
en jurant ses grands dieux que, dans la lutte contre l’antisémitisme « aucune
des personnes qui ont témoigné n’a manifesté le moindre désir
de voir porter atteinte à la liberté d’expression », et
que « seulement dans des circonstances extrêmes
serions-nous partisans d’une intervention de la justice »,
le rapport recommande que les autorités universitaires « prennent
une part active dans la lutte contre des actes, des discours, une
littérature et des manifestations susceptibles de causer de
l’anxiété ou une certaine inquiétude chez leurs étudiants
juifs ». Il note aussi une certaine inquiétude, causée par
le fait que des « œuvres antisémites classiques et
contemporaines sont en libre accès, prêtes à être commandées,
sur le site ouèbe de la librairie en ligne Amazon.com » et
que « les Etats-Unis, en particulier, ont été particulièrement
lents à agir » afin de contraindre à fermer « des
sites ouèbes antisémites ».
C’est
dans des moments comme ceux-là que même la moins patriotique des
âmes peut légitimement se sentir fière d’être américaine !
[*
Les données de la police concernant l’augmentation des
incidents antisémites ne prouvent pas grand-chose en elles-mêmes
car, comme le concède le rapport, la pointe dans le graphique
peut être attribuée au fait qu’une proportion plus importante
d’incidents a fait l’objet d’un dépôt de plainte ainsi
qu’au durcissement de la vie britannique en général, ainsi
qu’au « débordement » [en France, la notion d’ « importation »
est plus souvent invoquée, ndt] du conflit israélo-palestinien.
De plus, il y a très peu de preuves au sujet d’agressions antisémites
« organisées » et « politiquement motivées » ;
il n’y en a aucune non plus que les auteurs de telles attaques
aient été musulmans dans une mesure disproportionnée et la
plupart des suspects, dans les incidents rapportés, étaient des
adolescents. Pour l’année 2005, le rapport cite deux ou trois
incidents « potentiellement » mortels. Il ne cite
aucune donnée comparative concernant d’autres minorités en
Grande-Bretagne, tout en reconnaissant tacitement que le « niveau
des préjugés et des discriminations attribuables aux juifs de
Grande-Bretagne demeure très inférieur », ce qui est un
euphémisme considérable. Dans une note à ce sujet, le rapport déplore
que « moins d’un incident antisémite dénoncé à la
police sur dix ait abouti à la mise en accusation d’un suspect »,
mais il ne cite aucune donnée de comparaison qui pourrait
permettre de vérifier le caractère aberrant d’un tel ratio.]
[Le
dernier livre de Norman Finkelstein est Beyond
Chutzpah: On the misuse of anti-Semitism and the abuse of history
[Au-delà de la Chuzpah : du mésusage de l’accusation
d’antisémitisme et de la distorsion de l’histoire] (University
of California Press). Adresse URL de son site :
http://www.NormanFinkelstein.com
]
Traduit
de l'anglais par Marcel Charbonnier, membre de Tlaxcala, le réseau
de traducteurs pour la diversité linguistique (www.tlaxcala.es).
Cette traduction est en Copyleft : elle est libre de reproduction,
à condition d'en respecter l'intégrité et d'en mentionner
sources et auteurs.
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