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TLAXCALA
L’opposition
entre « droite » israélienne et « gauche »
israélienne démasquée
Nicola
Nasser *
on
Countercurrents.org, 3 novembre 2006
http://www.countercurrents.org/pa-nasser031106.htm
L’accession d’Avigdor
Lieberman à un poste stratégique en Israël a démasqué
l’opposition factice entre « gauche » et « droite »
dans ce pays, en mettant en évidence le fait que l’élite
gouvernante consensuelle israélienne est toujours en accord avec
les objectifs sionistes, ce qui écarte toute possibilité d’un
quelconque processus de paix crédible dans un futur prévisible
et condamne la « paix » et la « gauche » [à
la sauce israélienne] à demeurer les vœux pieux qu’elles
n’ont jamais cessé d’être depuis la création de l’Etat
juif, dans l’attente qu’une puissante intervention militaire
extérieure puisse imposer la désionisation indispensable à un
authentique processus de paix.
La ligne de séparation
entre la « droite » et la « « gauche » »
israéliennes, en matière de prérogatives de recherche de la
paix avec les Arabes, dont les Palestiniens, est trop mince pour
qu’on puisse la considérer comme initiatrice d’une quelconque
paix ; c’est la raison pour laquelle la recherche de la
paix va conserver son caractère illusoire et dilatoire.
Le domaine contesté,
qui a été bien trop longtemps réduit aux territoires occupés
par Israël en 1967, s’est érodé du fait que tant la droite
que la gauche en sont arrivées à la conclusion que le seul cadre
internationalement accepté permettant de garantir la sécurité
d’Israël s’inscrit dans la « vision » d’une
« solution à deux Etats ». Il n’est pas jusqu’à
l’ancien Premier ministre comateux Ariel Sharon et Lieberman qui
n’aient souscrit à cette « vision » [après avoir
adjoint, toutefois, quatorze conditions supplémentaires à leur
adhésion], laquelle « vision » est devenue la
politique israélienne officielle.
Le Premier ministre
actuel Ehud Olmert a souligné récemment que « la ligne de
conduite politique fondamentale du gouvernement ne sera pas modifiée »
avec l’admission à bord de Lieberman, et rien ne permet de réfuter
cette affirmation d’Olmert au motif qu’elle serait
fallacieuse, car un examen attentif révèle que Lieberman est un
parfait représentant du spectre politique israélien
consensuel…
L’Etat juif est
en train de montrer sa véritable orientation et de dévoiler sa véritable
identité, qui avait été cachée depuis sa création par des
postures gauchisantes ert par une foire d’empoigne en apparence
démocratique [pour la galerie] entre « gauche » et
« droite ».
« Ce qu’il
y a de particulièrement préoccupant, chez Lieberman, ce n’est
pas le fait que ses idées puissent exister, sur un plan extérieur
au continuum politique israélien, mais bien le fait qu’à bien
des égards ses idées sont très proches de son barycentre…
Aucun parti politique israélien n’est descendu dans la rue afin
de protester ne serait-ce que contre l’existence même d’un
parti basé sur une plate-forme programmatique raciste… Telle
doctrine politique identique, telles mœurs politiques… »
(Bill Weinberg, World War 4 Report [La Gazette de la Quatrième
Guerre Mondiale], Mercredi 25 octobre 2006)
Ainsi du racisme
anti-arabe en Israël, qui est en train d’atteindre des niveaux
épidémiques parmi les juifs ; « voici quelques mois,
un sondage d’opinion a révélé que plus des deux tiers des
juifs israéliens refuseraient de vivre avec des Arabes dans un même
immeuble et que la moitié n’inviteraient à aucun prix un Arabe
chez eux. Parmi les personnes interrogées, 41 % voulaient que les
lieux de loisir soient ségrégués, 18 % disaient ressentir de la
haine en entendant parler arabe et 40 % étaient d’avis qu’Israël
devrait « favoriser l’émigration des citoyens arabes »,
ajoute Weinberg. Par conséquent, rien de surprenant à ce que la
Knesset ait approuvé par acclamation Lieberman comme vice-premier
ministre et ministre chargé des questions stratégiques, avec 61
voix pour.
« En Israël,
ce programme Lieberman n’est pas sans précédent. En effet, dès
1948, David Ben-Gourion, premier Premier ministre d’Israël,
supervisa l’expulsion de plus de 750 000 Palestiniens. Le pays
n’aurait pas pu être créé sous sa forme actuelle sans leur
fuite imposée et sans la confiscations de leurs terres qui s’en
est ensuivie. C’est là précisément la raison pour laquelle le
droit au retour des Palestiniens reste le véritable test au
papier tournesol permettant de savoir qui est qui et qui fait quoi
dans le consensus politique israélien », poursuit Weinberg.
La séparation
d’avec les Palestiniens n’ayant pu être « transférés »
est désormais la politique officielle. En juin de cette année,
Ehud Olmert a déclaré, à Londres, que les Européens savaient,
grâce à leur mémoire historique, que « des territoires
ont été échangés, des populations ont même parfois été déménagées,
des ajustements territoriaux ont été faits… afin de créer des
circonstances plus favorables à une solution pacifique ».
N’est-ce pas là du « liebermanisme » pur sucre et
sans vergogne ?
L’ascension
liebermanienne soulève très sérieusement la question de savoir
s’il existe toujours un camp de la paix [qu’il soit de droite
ou de gauche, peu importe] dans l’Etat sioniste, où tant les
juifs « de droite » que les juifs « de gauche »
restent engoncés mordicus dans leur mentalité de ghetto sioniste
consistant à maintenir un Etat juif à la race pure, en des temps
où le monde est parcouru par les deux courants irrésistibles de
la mondialisation et de la démocratisation ?
Le remake, parmi
les Israéliens, des vieilles controverses droite / gauche qui ont
refait surface la semaine dernière n’est que le simple reflet
d’une foire d’empoigne pour décrocher le pouvoir et les
postes d’influence. Il ne s’agit en aucun cas d’un conflit réel
ayant pour enjeu des programmes politiques opposés.
Les multiples plus
petits communs diviseurs qui unifient les composantes de l’élite
gouvernementale israélienne font de toute division droite /
gauche un pur instrument de propagande visant à dissimuler derrière
un rideau de fumée leur consensus autour d’une plate-forme
raciste. L’opinion publique européenne, et plus particulièrement
les électeurs européens, ont dû, la semaine dernière, se poser
une très sérieuse question : « Pourquoi Israël –
qui vient de se rabibocher avec le symbole de la menace raciste
qu’il incarne – objecte-t-il à l’inclusion de Marine, la
fille du collègue raciste français de Lieberman, Jean-Marie Le
Pen, dans une délégation de seize députés du Parlement européen
dont la visite en Israël était prévue, du 28 octobre au 4
novembre, quelques jours seulement après que leur dirigeant ès
politique étrangère, Javier Solana, eut rencontré ce même
Lieberman publiquement ? ? ? »
Dans ce qui est un
véritable petit bijou des tactique du rideau de fumée visant à
détourner l’attention des Européens du rabibochage d’Israël
avec Lieberman, le porte-parole des Affaires étrangères israéliennes,
Mark Regev, a tenu ces propos, en guise de justification :
« La délégation
comportait un ancien membre [Marine Le Pen] d’un parti politique
qui, malheureusement, est tout à la fois raciste et négationniste [de
l’Holocauste juif, pas du massacre des Arméniens ! ndt] ».
Aux yeux de
quelques Israéliens hors consensus, les dirigeants d’extrême
droite européens en vue sont des « poids plume »,
comparés à Lieberman : « Lieberman, ce colon d’extrême
droite, et son parti appartiennent au club douteux des partis
d’extrême droite aux caractéristiques populistes et fascistes.
Le Pen, en France, et Haider, en Autriche, sont des gamins, comparés
à lui », a écrit dans une lettre ouverte publiée la
semaine dernière la députée Zahava Gal-On, présidente du
groupe Meretz à la Knesset.
La politique de
gauche israélienne est associée depuis bien trop longtemps,
d’une manière fallacieuse, au processus de paix. « QUE
signifie être de gauche, en Israël, aujourd’hui ? »
s’interrogeait de manière rhétorique The Economist du 25
octobre.
The Economist a mis
le doigt sur une question qui divise la gauche palestinienne, pour
ne pas parler des nationalistes palestiniens consensuels, dès les
premiers jours où l’OLP a cherché à entrer en contact avec
des « Israéliens de gauche » motivés par un sincère
désir de paix et influencés par leur ancienne puissance mondiale
alliée, l’URSS, ainsi que par des communistes du cru et leurs
camarades, tant Arabes qu’internationaux.
Sans prendre une
seule seconde en considération d’autres facteurs tout aussi
cruciaux, son renoncement aux objectifs coloniaux du sionisme et
son engagement à une coexistence pacifique représentent, du
point de vue palestinien, [les] deux principaux paramètres
permettant de juger si un Israélien est authentiquement de droite
ou de gauche, du point de vue politique, ces deux paramètres étant
susceptibles de permettre un processus de paix, ou au contraire de
le briser.
En matière de paix
avec les Arabes, l’agenda tant de la gauche que de la droite
israéliennes a toujours été un agenda de dépossession, de déracinement,
de colonisation et d’expulsion. L’agenda israélien de la
gauche gouvernementale a toujours été une copie au papier
carbone de l’agenda des Israéliens de droite dans
l’opposition, et vice-versa.
On peut dire qu’Israël
souffre d’un « syndrome de Lieberman » chronique,
qu’il a toujours été incapable de surmonter même en faisant
mousser ses états de service « de gauche », en
particulier auprès des peuples de ses puissants alliés états-unien
et européen.
Toutefois, le fait
de tenter de camoufler sa politique d’extrême droite en
l’affublant des oripeaux d’une rhétorique d’extrême gauche
n’a pas permis à Israël de dissimuler son projet droitiste ;
la gauche israélienne, de fait, n’a pas échoué : elle a
jeté le masque, et elle est apparue pour ce qu’elle est :
une façade de propagande d’un agenda sioniste droitiste bercé
tant par la gauche que par la droite et sur lequel la paix et les
divers processus de paix se sont fracassés, condamnés qu’ils
étaient à être toujours évasifs et illusoires, ce qui restera
le cas aussi longtemps que le sionisme restera le terme de référence
d’une recherche israélienne de la paix fondée sur
l’imposition de faits accomplis, au nom de la sacro-sainte
« sécurité ».
L’ascension de
Lieberman marque une croisée des chemins dans la brève histoire
d’Israël ; un point de départ à partir duquel la droite
sera en mesure de mettre en application ce qui est, en vertu de la
logique et du sens commun, le programme de la droite, au lieu de
laisser cette mission à ses adversaires politiques, comme cela
fut le cas depuis la création d’Israël jusqu’à l’ère des
gouvernements de coalition perpétuels, ou « d’unité
nationale », apparue à la fin des années soixante-dix du
vingtième siècle.
La séparation
d’avec les Palestiniens, géographiquement et démographiquement,
a évolué, devenant un dénominateur commun qui unit désormais
les formations politiques israéliennes depuis l’extrême droite
jusqu’à l’extrême gauche. Quelle différence y a-t-il
encore, par exemple, entre Yossi Beilin et Lieberman ? La séparation
est prônée tant par Lieberman, avec son plan de « transfert »
des Arabes Palestiniens citoyens d’Israël, que par Beilin –
et avec quelle insistance ! – , lequel veut faire du
« transfert originel » de 1948 un fait accompli [en
français dans le texte, ndt] qui ne saurait être rectifié.
L’extrême gauche
israélienne parade pour la galerie comme si elle agissait, de
fait, en-dehors du cadre du projet sioniste. A en juger à
l’aune de l’Accord [plus justement, à l’Initiative] de Genève,
joyau de ses « efforts de paix », que Beilin a
coproduit avec un membre du Comité exécutif de l’Organisation
de Libération de la Palestine – OLP – [je me pince ! ndt],
Yasser Abed Rabbo, Beilin apparaît sous son vrai jour d’allié
objectif de Lieberman.
Ses termes de référence
en vue de la possibilité de créer un Etat palestinien sur les
territoires occupés par son pays en 1967 sont en effet basés
« prioritairement » sur la sécurité d’Israël, sur
la séparation des Palestiniens, territorialement et démographiquement
en lieu et place de la coexistence, et sur l’échange de
territoires sur le principe de l’annexion de vastes colonies illégales
à Israël, et en particulier au « Grand Jérusalem ».
Ne s’agit-il pas là, en l’occurrence, exactement des paramètres
du « programme raciste » de Lieberman ? ? ?
Beilin est allé
jusqu’à justifier l’unilatéralisme de l’ex-Premier
ministre comateux Ariel Sharon : « La frontière israélo-palestinienne
sera fixée soit au moyen d’un accord, soit unilatéralement, si
les négociations n’aboutissent pas », a-t-il ainsi déclaré
[The Guardian, 6 novembre 2002].
Un examen
approfondi des perceptions de la paix propres à la gauche israélienne
montrerait que, pour l’essentiel, elles se résument au même dénominateur
commun que celles du consensus politique israélien : la Séparation
d’avec les Palestiniens, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur
d’Israël.
La coexistence avec
les citoyens arabes d’Israël demeure le test qui permettra de vérifier
[la capacité d’Israël] à faire la paix avec ses autres
concitoyens, les Arabes. Jusqu’à ce jour, l’Etat juif a échoué
à ce test, dégradant la citoyenneté des Arabes à un statut de
deuxième catégorie et expropriant leurs propriétés terriennes
à un tel point qu’elles ne représentent plus aujourd’hui que
moins de 2 % de la superficie qui était la leur, par une
politique préméditée visant à imposer leur émigration et leur
« transfert progressif ».
Le mieux qu’ait
été en mesure d’offrir une formation de l’extrême gauche
israélienne marginale et relativement désionisée telle Gush
Shalom, en matière de test au papier tournesol de la paix –
j’ai nommé le droit au retour des Palestiniens – fut un
« projet de loi » publié en vue d’un « débat
public », en 2001, au sujet de la « reconnaissance, de
principe, du Droit au Retour des Palestiniens en tant que droit
humain imprescriptible. »
A l’ère de la
mondialisation, il est tout à fait étrange de voir ces
dirigeants israéliens toujours aussi déterminés à se rejoindre
sur un nationalisme de type ghetto, qui épouse la pureté raciale
[et donc raciste] et religieuse. Ce qui rend ce nationalisme
particulièrement dangereux est en train de tourner à la mentalité
de guerrier du ghetto, pour laquelle « Israël est une armée
qui dispose d’un Etat », pour reprendre les propos d’un
diplomate que j’ai rencontré récemment.
C’est cette
narration qui a entraîné l’effondrement du processus de paix,
entraînant avec lui dans l’abîme la gauche israélienne et son
soi-disant « camp de la paix ».
[* Nicola Nasser est un journaliste qui a de la
bouteille et qui a roulé sa bosse au Koweït, en Jordanie, aux
Emirats Arabes Unis et en Palestine. Il vit à Ramallah, en
Cisjordanie, un des territoires palestiniens occupés par Israël.]
Traduit de l'anglais par Marcel Charbonnier, membre de
Tlaxcala, le réseau de traducteurs pour la diversité
linguistique (www.tlaxcala.es).
Cette traduction est en Copyleft : elle est libre de reproduction,
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