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Massacres à Gaza
Permis de tuer
Nabil El-Haggar
© Photo PCHR
Vendredi 2 janvier 2009
Quand la vérité n’est
pas libre, la liberté n’est pas vraie
Prévert
Il est 11h 30 du matin, c’est la sortie de l’école des filles.
Le visage peureux, une mère ne trouve pas sa fille de dix ans.
Son regard figé comme s’il se préparait à plonger dans le vide,
à s’éloigner de la vie pour fuir la réalité qu’il devine,
exprime à lui tout seul la souffrance de millions de
palestiniens qui dure depuis plus de soixante ans. Réfugiée de
génération en génération, comme des milliers de palestiniens,
cette femme a vécu dans la peur du lendemain, la peur d’une
arrestation, d’une humiliation, d’un bombardement, peur de
mourir ou de voir les siens mourir.
Un missile vient de frapper les alentours de l’école. Il sera
difficile d’identifier le corps de la fillette sans nom. Écoles,
mosquées, universités, maisons, magasins, hôpitaux, postes de
polices et ministères sont bombardés : plus de 360 morts et 1600
blessés. Grands et petits, écoliers et policiers, filles et
garçons, commerçants, employés et combattants, personnes n’est à
l'abri de raids et bombardements aussi ciblés soient-ils.
Une fois de plus, Israël a lâché sa puissance destructrice sur
Gaza pour « se défendre contre le harcèlement par le Hamas »,
disent les officiels israéliens. On pourrait croire qu’il s’agit
d’un Etat puissamment armé qui harcèle l’Etat hébreu, lequel ne
fait que « se défendre » et ça marche ! . Il est vrai que la
puissance israélienne ne réside pas seulement dans sa puissance
militaire, elle est aussi dans sa capacité, avec la complicité
bienveillante d’une partie des médias, à se faire passer pour
victime.
Or qui ne sait pas encore que le territoire de Gaza est
palestinien et qu’Israël est la puissance occupante qui a pillé
ses ressources, fait souffrir sa population des décennies durant
et le soumet depuis deux ans, par la puissance militaire, à un
blocus total qui a asphyxié l’ensemble des activités et un
million et demi de personnes qu’elle a pourtant l’obligation de
protéger en vertu du droit international. Ce n’est donc pas le
Hamas qui a commencé les hostilités. Le porte parole du
gouvernement israélien ne fait qu’entonner que « les Israéliens
ont le droit de vivre en sécurité ». Les Palestiniens, eux sont
réduits depuis 1967 à vivre sans droit aucun, à côtoyer
l’horreur de l’occupation militaire. Quelle comédie de faire
croire que le Hamas serait véritablement menaçant pour Israël…
Cela en rappelle une autre qui s’est passée en Irak !
Nous savons qu’Israël ne fait rien au hasard. Alors, quels sont
les messages de l’opération militaire dite "plomb durci" ? Le
premier est électoral, adressé aux Israéliens qui doivent élire
la nouvelle équipe gouvernementale. Plus l’équipe de la ministre
israélienne des Affaires étrangères, Tzipi Livni se montre
intransigeante, plus elle sera gagnante.
Le deuxième est à destination de l’équipe Obama : Israël
n’acceptera aucun éventuel changement dans la politique
américaine à son égard.
Le troisième est adressé à l’Autorité palestinienne, laquelle
pourrait récolter le fruit de l’offensive contre le Hamas en
échange d’une soumission encore plus grande aux exigences
israéliennes.
Enfin, la dernière est à l’attention de l’ensemble des
résistants en Palestine et aux Palestiniens citoyens d’Israël.
La Ministre Livni lors d’une réunion de la Knesset s’est
adressée à un député palestinien : « va à Gaza et ne reviens pas
» !
Alors après un tel massacre, que se passera-t-il ?
D’abord, précisons que le Hamas, malgré ses déclarations
menaçantes, n’a pas les moyens d’arrêter l’offensive.
Il est clair que la résistance armée telle qu’elle a été menée
n’est pas en mesure de vaincre une telle machine de guerre. Il
est de la responsabilité de la résistance palestinienne d’en
tirer enfin la leçon pour repenser la nature de sa résistance.
Il est de la responsabilité de l’Autorité palestinienne de
reconnaître son incapacité à protéger son peuple. Par
conséquent, elle devrait arrêter toute négociation avec Israël,
se dissoudre et mettre les territoires palestiniens sous
protection de la communauté internationale, tout en organisant
la résistance populaire contre l’occupation.
Quant aux pays arabes, incapables d’instaurer le moindre rapport
de force face à Israël, vont-ils enfin comprendre que chaque
jour de souffrance palestinienne est un jour en moins dans la
survie de leurs régimes ?
Reste à savoir si l’Occident se rendra compte que chaque jour de
souffrance palestinienne, d’impunité d’Israël et d’absence d’une
solution politique respectueuse de tous les droits de
Palestiniens est un affaiblissement de droits de l’Homme et de
sa crédibilité dans la région. Ce qui se traduit par le
renforcement de la confessionnalisation
du conflit israélo-palestinien et de l’intégrisme islamiste au
Moyen-Orient et au cœur de l’Occident.
Nabil El-Haggar,
universitaire,
Université de Lille
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