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Aujourd'hui le Maroc
Sarkozy se prend
le Goncourt dans les dents
Mustapha Tossa

Photo Aujourd'hui le Maroc
Vendredi 13 novembre 2009
Cette polémique, qui met la France de Nicolas Sarkozy au
cœur du débat, a très peu de chances de s’éteindre de sitôt.
Que pourrait donc faire Nicolas Sarkozy, pour ne pas être un
jour d’actualité, dans le tourbillon d’une polémique? C’est à
croire que l’homme s’est volontairement vissé dans l’œil du
cyclone. Pour lui, la déflagration des dominos avait débuté avec
l’affaire Mitterrand-Polanski, portée aux nues par Jean Sarkozy
au destin présidentiel de l’Epad inachevé. Passant par les
multiples douleurs de la majorité, cela se poursuit aujourd’hui
par la grande polémique «facebookienne» déclenchée par le
président lui même de savoir si vraiment il était réellement le
9 novembre au pied du Mur de Berlin comme il l’affirme où s’il
s’était livré à une contorsion de la réalité pour mieux se
tisser une légende.
Le plus récent chapitre de la mésaventure quotidienne de Nicolas
Sarkozy touche un épisode qui émeut le monde littéraire et
politique français. Il s’agit de l’affaire déclenchée par la
gagnante du prix Goncourt 2009, la jeune Franco-sénégalaise
Marie Ndiaye pour son livre «Trois femmes puissantes». L’objet
du scandale ne tourne pas autour du livre de Marie Ndiaye dont
la critique était unanime pour saluer le talent et la
créativité.
La lauréate du Goncourt 2009 s’est retrouvée dans la polémique à
cause d’une interview qu’elle avait accordée le 18 août dernier
aux «Inrockuptibles» dans laquelle elle explique avoir décidé de
s’exiler hors de France et de s’installer à Berlin «en grande
partie à cause de Sarkozy». Et Marie Ndiaye de peindre une
réalité peu glorieuse citant des personnalités gouvernementales
par leurs noms : «Je trouve détestable cette atmosphère de
flicage, de vulgarité... Besson, Hortefeux, tous ces gens-là, je
les trouve monstrueux». A la lecture de ses propos, le député
Eric Raoult, considéré comme proche de Nicolas Sarkozy, prend sa
plume la plus acide et écrit au ministre de la Culture Fréderic
Mitterrand pour invoquer une forme de «droit de réserve» qui
devrait être imposé aux lauréats d’un prix aussi prestigieux que
le Goncourt. Une telle proposition a fortement ému la galaxie
littéraire qui veut garder jalousement sa liberté de parole et
son indépendance d’esprit. Eric Raoult a dû subir critiques et
sarcasmes. Ses adversaires l’accusent de confondre «Prix
Goncourt» et «Miss France». La polémique a fait boule de neige
au point où chacun s’est senti obligé de donner son point de
vue. Le Buzz était inévitable.
Et lorsque Marie Ndiaye avait remarqué le silence gêné de
Fréderic Mitterrand, sans doute échaudé par sa prise de position
rapide sur Polanski et sa propre polémique sur son livre
«Mauvaise vie», elle l’interpelle et l’invite à se prononcer sur
ce «droit de réserve» invoqué par Eric Raoult. Et de lui
rappeler ce qu’il avait dit récemment : «Au moment de l’affaire
Polanski, Frédéric Mitterrand avait dit qu’en tant que ministre
de la Culture, il était là pour soutenir les artistes et ne pas
les abandonner». Après une grande hésitation qui en dit long sur
l’embarras politique dans lequel il se trouvait, Fréderic
Mitterrand a répondu en ayant recours à la plus belle langue de
bois dont il sait tresser avec lyrisme de mémorables
échantillons : «Je n’ai pas à arbitrer entre une personne privée
qui dit ce qu’elle veut dire et un parlementaire qui dit ce
qu’il a sur le cœur (…) Ça me regarde en tant que citoyen, cela
ne me concerne pas en tant que ministre». Cette polémique, qui
met la France de Nicolas Sarkozy au cœur du débat, a très peu de
chances de s’éteindre de sitôt. Non seulement parce que Marie
Ndiaye «persiste et signe» son approche dans une nouvelle
interview aux «Inrockuptibles». Cette affaire intervient dans un
contexte politique extrêmement électrique où le débat sur
l’identité nationale voulue par le président de la République
colore toutes les postures. Mustapha
Tossa
DNCP à Paris
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Aujourd’hui le Maroc 2009
Publié le 16 novembre 2009 avec l'aimable
autorisation de Aujourd'hui le Maroc
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