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L’avenir
du monde se joue en Palestine
Mustapha Chérif
Le désordre
international actuel est fondé sur la loi inique du plus fort.
Une
des causes de la mondialisation de l’insécurité:
l’occupation de la Palestine par Israël et l’apartheid
qu’elle pratique. Toutes les stratégies et tactiques pour
combattre la violence aveugle et le fanatisme resteront vaines
tant que cette question ne sera pas résolue, même si, évidemment,
cela n’explique pas tout. Il est impératif de se demander
pourquoi ce problème qui dure depuis 60 ans, reste la plaie des
relations internationales et l’obstacle à la démocratisation
du monde arabe? La diabolisation des résistances et le dénigrement
des musulmans bat son plein pour décourager toutes formes de
solidarité, d’émancipation et de règlement juste. A travers
l’histoire, de tout temps, on a utilisé la diffamation de «l’ennemi»
pour l’affaiblir et l’isoler. La diabolisation sert des
objectifs géopolitiques et économiques. Les pays musulmans,
toutes régions confondues, possèdent 60% des réserves mondiales
du pétrole, même s´ils sont profondément divisés sur nombre
de plans. Les calculs velléitaires sur ces richesses sont vite
faits. D’autant que l’Occident, les USA et l’Europe réunis,
possèdent seulement moins de 10% des réserves, 30% appartiennent
au reste du monde. Ce qui se passe au Moyen-Orient est d’une
extrême gravité, marqué par la volonté de l’ordre dominant
de l’abandon de l’expérience millénaire du vivre ensemble,
la volonté d’accaparer des richesses, tout en essayant de réduire
la civilisation de l’Islam à un modèle archaïque opposé au
progrès et à la modernité. La situation en Palestine est au
centre de ce tableau.
Peuple en danger
Nous sommes devant une flagrante non-assistance à peuple en
danger, acculé au désespoir. La répression féroce que
subissent tous les jours les Palestiniens ne mobilise plus les
pouvoirs arabes incapables et sous pression. Le Liban bombardé
jour et nuit, l’été dernier, sans aucune réaction politique
saine de la communauté internationale durant plus d’un mois,
fait inédit depuis la création de l’ONU, l’impuissance face
à la situation irakienne de non-droit, les réactions timorées
aujourd’hui au vu de l’acte illégal et immoral des fouilles
sous la mosquée El Aqsa, le taux élevé d’analphabètes
arabes, la faiblesse de la créativité scientifique,
l’apparition de comportements déviants de tous bords,
obscurantistes et rétrogrades, ou dépersonnalisés et aliénés
à une occidentalisation effrénée, bref, une situation
symbolique de l’état de décadence et de dépendance dans
lequels se trouvent les pays arabes et la perte de leur modèle de
communauté de juste milieu.
Les institutions islamiques sclérosées, les réactions des extrémistes
politico-religieux, usurpateurs du nom de l’Islam, tombent dans
le piège, et ruinent les efforts de ceux qui, à la fois, luttent
pour la création légitime d’un Etat palestinien et travaillent
au dialogue, à la coexistence et à la symbiose entre l’Orient
et l’Occident. À ne pas confondre avec les aspirations légitimes
du peuple américain à préserver ses acquis civilisationnels et
démocratiques, la stratégie de l´administration actuelle des
USA, alimente la diversion du choc des civilisations. Pourtant,
nous avons besoin que la première puissance du monde soit stable
et démocratique, il y va de l´avenir de tous. Dans ce sens,
autant l´anti- impérialisme primaire que la paralysie face aux
USA sont contre productifs. Nous devons oeuvrer pour mieux connaître
les USA et se faire connaître du peuple américain, afin que nos
revendications et celles du peuple palestinien soient prises en
compte. Il n´ y a pas d´autre alternative. L´avenir du monde se
joue en Palestine. Les forces de paix de partout doivent sauver et
les Palestiniens et les Israéliens contre eux-mêmes, mais aussi
l’avenir du monde. Si les forces de progrès disaient à juste
titre durant la Seconde Guerre mondiale «nous sommes tous des
juifs allemands» nous avons pour devoir de dire
aujourd’hui, «nous sommes tous des Palestiniens.»
Terrorisme d’Etat, d’un puissant régime israélien au-dessus
des lois internationales, doté d’armes de destruction massives,
Etat pas comme les autres, aux frontière inconnues, qui agit dans
l’impunité, contre une résistance légitime, lorsqu’elle défend
le droit à la vie libre et vise des forces armées
d’occupation, ou contre un terrorisme des faibles lorsque ce
dernier cible des civils. Les peuples juif et palestinien ont le
droit, tous deux, à la paix, et la proposition arabe formulée à
Beyrouth en 2002 et confirmée au Sommet d’Alger en 2004, est
une voie objective du règlement de ce conflit qui a trop duré.
L’armée israélienne n’a pas le droit de transgresser des
lois universelles en maintenant un ordre colonial inhumain.
C’est du suicide, comme le disent tous les êtres clairvoyants.
Le désordre international actuel est fondé sur la loi inique du
plus fort. Israël encouragé par la passivité des autres
puissances, refuse toute négociation, multiplie les actes unilatéraux,
la spoliation de terres et érige un mur de séparation. L’enjeu
n’est pas simplement sa sécurité, de par les traumatismes
profonds de l’histoire du peuple juif, que nous devons
comprendre, mais le plan de domination du monde par un système
injuste et en particulier par l’accaparement des richesses du
monde arabe. Un monde arabe qui, de surcroît, de par les valeurs
musulmanes, représente, en théorie, la version d’un autre
projet de société, qui interpelle depuis 15 siècles. Un projet
qui s’oppose au culte du veau d’or, au libéralisme sauvage et
à la perte des valeurs morales. D’où que le propagandiste néoconservateur,
Fukuyama, dans son livre-pamphlet «La fin de l’histoire»
précise, sans honte, que seul un grain de sable peut empêcher la
machine libérale d’asseoir son hégémonie mondiale: l’Islam.
Le problème palestinien est au coeur des ambitions de domination
totale, du recul du droit et des relations internationales
actuellement dans l’impasse. Pour les peuples, l’enjeu
principal est la recherche d’une nouvelle civilisation
universelle et d’un ordre mondial juste, qui font défaut
aujourd’hui. Tant que la question politique palestinienne
n’est pas résolue, non seulement il n’y aura aucune chance de
paix durable dans le monde, mais les problèmes de fond,
politiques et économiques, ne pourront pas être résolus. Elle
sert de diversion et de prétexte à la propagande multiforme du
choc des civilisations. Il y a collusion et complicité entre les
marchands d’armes et tous ceux qui profitent de la logique du
chaos et des divisions. Le désordre et l’insécurité sécrétés
par la situation au Proche-Orient empêchent le dialogue et le
rapprochement entre les peuples à même de commencer à faire
face aux grands problèmes de l’humanité. La première
puissance mondiale, dont pourtant les pays arabes, et en
particulier le Maghreb marqué par une proximité à la modernité,
ont des besoins communs avec elle pour nombre d´actions de coopération,
soutient Israël, pratique la guerre psychologique et diabolise la
résistance. Faute, apparemment, de la part des USA d´une
connaissance de nos réalités et de nos bonnes intentions et de
rapports d´intérêts bien définis. C´est à ce niveau que l´on
doit oeuvrer. Les pays européens, héritiers du siècle des lumières,
qui devraient pourtant assumer une fonction de médiateurs et de
forces d’interposition et ont dénoncé à juste titre la
construction du mur de la honte, ferment souvent les yeux, ou
demandent aux victimes de reconnaître sans conditions leur
bourreau. Comble de l’absurde, les pays occidentaux punissent le
peuple palestinien lorsqu’il choisit librement ses représentants.
Qui va rembourser des milliards de dégâts causés par Israël?
Qui remboursera les Libanais et les Palestiniens? La politique des
deux poids, deux mesures a dépassé toutes les limites. C’est
un acharnement et une hargne qui cachent mal les desseins sombres
d’hégémonie sans partage. Les causes de cette haine
injustifiable et morbide concernent à la fois nos richesses énergétiques
et le fait que les valeurs musulmanes sont celles qui résistent
à la perte de sens et à l’injustice. Cette résistance prend
parfois des formes monstrueuses et réactionnaires qui font le jeu
des puissants. D’où la manipulation de groupes extrémistes et
le soutien apporté à des régimes moyenâgeux, en refusant le
vrai débat. Où est la démocratie, où sont les valeurs de la
modernité? Où sont la justice et le droit dans cette politique
et le refus de dialogue et de négociation? Avant que l’humanité
ne sombre encore plus dans un système faustien et la
multiplication des terrorismes des faibles et des puissants, on
doit dialoguer et débattre avec nos amis humanistes du monde
entier, avec ceux qui croient à la force de la raison, aux vertus
du dialogue et à la nécessité du vivre ensemble. La répression
que subit le peuple palestinien depuis, est une tragédie qui
menace le monde entier.
L’autre tragédie est donc la réaction désespérée,
irrationnelle et inadmissible de groupes extrémistes et
nihilistes, coupés des masses, ainsi que les incohérences et les
archaïsmes de régimes arabes et islamiques, sans oublier leur
trahison, désastres qui ne contribuent pas à la crédibilité et
à la popularité internationales de la résistance. Faire face à
l’occupation de la Palestine nécessite d’user des ressources
de la politique et de la diplomatie, et, dans le cadre des actions
de légitime défense, de faire preuve de respect du droit
humanitaire, en sachant que l´adversaire ne respecte plus rien.
La démocratisation de nos sociétés, la confiance dans les
nouvelles générations et le pari sur la maîtrise du savoir
moderne et l’éducation, sans perdre nos repères et racines,
sont la voie interne pour relever les défis et convaincre
l’opinion internationale du besoin vital de lier paix et justice
et par là, de bâtir un vivre ensemble, au lieu des murs de séparation.
Destin commun
Le but des forces occupantes est de briser la volonté des
peuples, en vue de faire sauter les verrous qui s’opposent à
l’hégémonie impériale du monde. Cela est voué à l’échec.
À la guérilla, les hommes portés par une cause juste et sur
leur territoire sont plus forts, et on ne peut pas changer la
conscience des peuples. Rien au monde ne pourra venir à bout de
la résistance, ni les divisions entretenues, avec cynisme, de
types croyants-incroyants, musulmans-juifs, musulmans-chrétiens,
ou chiites-sunnites, ni les armées sophistiquées, ni mille ans
de répression. Dans ce conflit, cette confrontation, cette grave
crise de la justice internationale, il s’agit de convaincre
l’opinion israélienne, américaine et nos amis juifs soucieux
de paix, et les citoyens du monde, que notre destin est commun.
Durant des siècles, c’est en terre d’Islam que les Juifs
trouvèrent refuge pour fuir l’inquisition et l’antisémitisme.
Si, des Occidentaux, quelles que soient leurs religion, race et
nationalité, épris de paix et de justice, ne se solidarisent pas
avec les causes justes, pour refuser l’injustice, l’hégémonie
des ultraconservateurs alliés aux ultrasionistes, un monde
informe, all Under control, aux relents fascisants, sous des
formes insidieuses, se profile de nouveau pour tous. Ce qui dopera
l’extrémisme des pseudos-religieux qui ont défiguré les
religions et propagé la peur. Il est temps d’arrêter les
diversions, d’arrêter de s’inventer de nouveaux ennemis et
d’apprendre dans la franchise à se connaître. L’ignorance
est une des sources des exclusions. Il est temps de compter les
morts, les orphelins et les prisonniers de la même façon, un être
humain est égal à un autre être humain, et de garder en vue le
problème en termes de droit et d’interconnaissance. L’avenir
du monde se joue en Palestine. L’avenir du monde arabe se joue
dans sa capacité à reconnaître ses erreurs, ses défaillances
et ses démissions. Il est encore possible de les corriger. Dans
le village planétaire, c’est avant tout une stratégie du vivre
ensemble et de la communication qui reste à concevoir.
Publié
avec l'aimable autorisation de l'Expression
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