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UJFP
Acte de piraterie ou
crime de guerre ?
Mireille Fanon-Mendès France
Mireille Fanon-Mendes France.
Photo Festival.com - Remi Boisseau
Vendredi 4 juin 2010
Suite à l'assaut donné par les forces de l'armée israélienne
contre les 6 bateaux et leurs 700 représentants de 20 pays ayant
annoncé officiellement leur intention d'apporter plusieurs
tonnes de matériel (matériau de construction, vivres, jouets et
fauteuils roulants...) il est important de qualifier exactement
la nature de l'acte.
La qualification devrait permettre de savoir où demander que
soit entreprise une procédure juridique.
Lors de cet assaut neuf personnes ont péri, plus d'une trentaine
ont été blessées, dont certaines gravement.
Il faut signaler que 9 d'entre elles sont de nationalité
française.
Lieu de l'assaut
Cet assaut s'est déroulé dans les eaux internationales, à une
distance de 54 kilomètres des côtes israéliennes.
Il faut rappeler qu'en haute mer, il n'y a pas de police et que
n'est applicable, dans les eaux internationales, que la
Convention de Montego Bay2 que l'Etat d'Israël n'a pas ratifiée.
Cette Convention précise que « la haute mer est ouverte à tous
les Etats, qu'ils soient côtiers ou sans littoral. La liberté de
la haute mer s'exerce dans les conditions prévues par les
dispositions de la Convention et les autres règles du droit
international. Elle comporte notamment pour les Etats, qu'ils
soient côtiers ou sans littoral :
a) la liberté de navigation;
b) la liberté de survol3 ».
Cet article, renforcé par l'article 884, a valeur universelle et
devient de fait une règle de droit coutumier. L'Etat d'Israël a
donc obligation de s'y conformer. Ne le faisant pas, la
communauté internationale a la responsabilité face aux peuples
des Nations de lui demander de respecter ses obligations
internationales. Si cet Etat refuse, la communauté
internationale a la possibilité au regard du droit international
de prendre des sanctions. Certes, le rapport de forces permet
que ces normes impératives soient abandonnées au profit de
règles établies par un groupes d'Etats qui dérégulent ainsi les
relations internationales et font courir au monde le risque d'un
conflit où ne seraient plus garanties ni la paix ni la sécurité
internationales.
Contexte dans lequel a eu lieu cet assaut
Il ne peut être oublié que cet assaut s'est accompli dans le
contexte de l'occupation subie depuis 62 ans par le peuple
palestinien aussi bien en Cisjordanie que dans la Bande de Gaza
dont la population est victime depuis 2007 d'un blocus
illégitime et dénoncé aussi bien par la haut commissaire aux
droits de l'homme, Navi Pillay, pour qui ce blocus constitue une
punition collective5, et par le Secrétaire général de l'ONU, Ban
Ki Moon, qui a assuré6 que le blocus cause des souffrances
inacceptables » et qu’il peut être levé tout en répondant aux
exigences sécuritaires d’Israël.
Ce contexte ne peut être oublié et oblige à rappeler qu'il
s'inscrit dans le cadre du droit international et du droit
humanitaire international et en particulier la 4ème convention
de Genève7 mais aussi la référence à l'avis8 de la Cour
internationale de justice à propos de l'illégalité du mur de
l'apartheid et qui rappelle avec force les obligations de la
puissance occupante et celles des Etats parties à la 4ème
Convention qui doivent non seulement respecter mais faire
respecter le droit humanitaire. Il ne faut oublier ni les
résolutions du Conseil de sécurité ni celles de l'Assemblée
générale.
Dans ce cadre là l'Etat d'Israël est bien une puissance
occupante telle que précisé dans le Règlement concernant les
lois et coutumes de la guerre sur terre9 ,puisqu'il contrôle de
fait l'ensemble des accès terrestres, maritimes et aériens de la
Palestine occupée. Les faits ont eu lieu dans le cadre d'un
conflit international et la flottille n'est pas partie au
conflit.
L'assaut est intervenu dans les eaux internationales, dès lors
l'armée israélienne n'avait aucune autorisation pour une telle
action. Il aurait fallu, pour une enquête de pavillon, qu'elle
demande l'autorisation d'arraisonner les bateaux aux pays dont
dépendent les pavillons. Pour opérer une visite des bateaux de
la flotille, au cas où l'Etat israélien pensait que ces bateaux
exerçaient ou allaient exercer des actes de piraterie, il aurait
dû dépêcher un bateau "commandé par un officier" pour la
"vérification des titres autorisant le port du pavillon" et si
"les soupçons subsistent (...) il aurait pu pratiquer l'examen
du navire, en agissant avec tous les égards possibles".
De quoi « pirate » est il le nom?
Du point de vue de la flottille:
Pour précision, au regard de la Convention de Montego Bay, seuls
des navires de guerre peuvent se saisir de bateaux pirates; en
effet "tout Etat peut intervenir" si cela est fait "en haute
mer10" ou "dans un lieu ne relevant de la juridiction d'aucun
Etat"11 et saisir le bateau pirate.
L'article 101 de la Convention précitée définit très précisément
la piraterie , il s'agit de:
a) tout acte illicite de violence ou de détention ou toute
déprédation commis par l'équipage ou des passagers d'un navire
ou d'un aéronef privé, agissant à des fins privées, et dirigé :
i) contre un autre navire ou aéronef, ou contre des personnes ou
des biens à leur bord, en haute mer;
ii)contre un navire ou aéronef, des personnes ou des biens, dans
un lieu ne relevant de la juridiction d'aucun Etat;
b) tout acte de participation volontaire à l'utilisation d'un
navire ou d'un aéronef, lorsque son auteur a connaissance de
faits dont il découle que ce navire ou aéronef est un navire ou
aéronef pirate;
c) tout acte ayant pour but d'inciter à commettre les actes
définis aux lettres a) ou b), ou commis dans l'intention de les
faciliter.
Les 6 bateaux de la flottille pour Gaza ne sont pas dans ce cas.
Il n'est pas exclu que l'Etat israélien ait eu l'intention de
faire croire à cela, ce qui lui aurait laissé la possibilité de
se prononcer sur les poursuites judiciaires puisque dans le cas
de piraterie -au sens de l'article 101- ce sont les tribunaux
qui ont saisi qui ont compétence. Mais définitivement, les
membres de la flotille ne peuvent être assimilés à des pirates.
Du point de vue de l'armée israélienne:
Les bateaux ainsi que les soldats descendus de l'hélicoptère ont
ils commis un acte de piraterie au sens de la Convention de
Montego Bay?
Là encore l'article 102 de cette Convention précise que pour que
cet acte soit considéré comme un acte de piraterie, il aurait
tout simplement fallu que l'équipage du navire de guerre
israélien se mutine et se rende maître du navire! Ce n'est pas
le cas.
Mais l'Etat israélien a procédé à la saisine des bateaux de
manière arbitraire, de ce fait il est jugé responsable "en cas
de saisie arbitraire (...) effectuée sans motif suffisant, (...)
de toute perte ou de tout dommage causé de ce fait12".
Dès lors, l'arrestation de la flottille dans les eaux extra
territoriales est un acte illicite et compte tenu du contexte de
l'occupation, il s'agit d'un crime de guerre; il faut ajouter à
cela que deux bateaux battent pavillon grec, deux pavillon turc
et un pavillon des îles Kiribati. Dès lors, par l'application de
l'article 12-2 a13 du Statut de Rome de la Cour pénale
internationale, seule, pour l'instant, la Grèce qui a ratifié ce
statut peut introduire une requête près la CPI.
Mireille Fanon-Mendès France, Fondation Frantz
Fanon
membre du bureau national de l'UJFP
membre du Conseil scientifique d'Attac
Le dossier la «Flottille de la Liberté»
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