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Obama et le prix Nobel :
Lorsque la guerre devient la paix, lorsque le mensonge devient
vérité
Michel Chossudovsky
Michel Chossudovsky
Lundi 12 octobre 2009
Lorsque la guerre devient la paix,
Lorsque les concepts et
les réalités sont sens dessus dessous,
Lorsque la fiction devient
vérité et que la vérité devient fiction,
Lorsqu’un programme
militaire mondial est annoncé comme un effort de paix,
Lorsque l’on maintient que
la tuerie de civils est un « dommage collatéral »,
Lorsque ceux qui résistent
à l’invasion de leur pays par les États-Unis et l’OTAN sont
qualifiés d’« insurgés » ou de « terroristes »,
Lorsque l’on affirme que
la guerre nucléaire préventive constitue de l’autodéfense,
Lorsque la torture et des
techniques d’« interrogation » avancées sont utilisées
couramment afin de « protéger les opérations de maintien de la
paix »,
Lorsque le Pentagone
claironne que les armes nucléaires tactiques sont « inoffensives
pour la population civile environnante »,
Lorsque les trois quarts
des revenus de l’impôt fédéral des particuliers des États-Unis
sont alloués au financement de ce que l’on appelle
euphémiquement la « défense nationale »,
Lorsque l’on présente le
commandant en chef de la plus grande force militaire de la
planète Terre comme un artisan de la paix,
Lorsque le mensonge
devient vérité.
La « Guerre sans
frontières » d’Obama
Nous sommes au carrefour de la crise la plus sérieuse de
l’histoire moderne. Les États-Unis en partenariat avec l’OTAN et
Israël ont lancé une aventure militaire mondiale, laquelle
menace, de manière très réelle, le futur de l’humanité.
À ce moment critique de notre
histoire, la décision du comité Nobel norvégien de décerner le
prix Nobel de la paix au président et commandant en chef Barack
Obama constitue un parfait outil de propagande et de
manipulation, soutenant sans réserve la « Longue guerre » du
Pentagone : « Une guerre sans frontières » dans le vrai sens du
terme, caractérisée par le déploiement planétaire de la
puissance militaire des États-Unis.
Outre la rhétorique
diplomatique, il n’y a pas eu de renversement significatif de la
politique étrangère des États-Unis par rapport à la présidence
de George W. Bush, ce qui aurait pu justifier un tant soit peu
l’octroi du prix Nobel à Obama. En fait c’est plutôt le
contraire. Le programme militaire d’Obama a cherché à élargir la
guerre à de nouvelles frontières. Avec une nouvelle équipe de
conseillers militaires et de conseillers en politique étrangère,
le programme guerrier d’Obama a été bien plus efficace dans la
promotion de l’escalade militaire que ne l’a été celui des
néoconservateurs.
Depuis les débuts de la
présidence d’Obama ce projet militaire mondial est devenu de
plus en plus omniprésent, avec le renforcement de la présence
militaire étatsunienne dans toutes les grandes régions du monde
ainsi que le développement de systèmes d’armement perfectionné
dans des proportions sans précédent.
Accorder le prix Nobel de la
paix à Barack Obama donne de la légitimité aux pratiques
illégales de la guerre, à l’occupation militaire de pays
étrangers et à la tuerie incessante de civils au nom de la
« démocratie ».
À la fois l’administration
Obama et l’OTAN menacent directement la Russie, la Chine et
l’Iran. Sous Obama, les États-Unis développent un « système de
bouclier antimissile mondial contre les premières frappes » :
« Avec les armes spatiales,
le laser aéroporté constitue la prochaine frontière de la
défense. […] Le rêve de Ronald Reagan de défense multicouche
antimissile – qui se résume à la Guerre des étoiles – n’a jamais
été si près de se réaliser, du moins d’un point de vue
technologique. »
Le 11 août, en réaction à
cette consolidation de modernisation et de perfectionnement du
potentiel étatsunien de frappe nucléaire mondiale, le commandant
en chef des Forces aériennes russes – le même Alexander Zelin
cité plus tôt à propos des menaces de frappes étatsuniennes en
provenance de l’espace sur toute la Russie – a déclaré que les
« Forces aériennes russes se préparent à faire face aux menaces
résultant de la création du Global Strike Command au sein des
Forces aériennes étatsuniennes » et que la Russie développe
« des systèmes appropriés pour faire face aux menaces qui
pourraient survenir ». (Rick Rozoff,
Showdown with Russia and China: U.S.
Advances First Strike Global Missile Shield System,
Global Research, 19 août 2009)
Depuis la crise des missiles
de Cuba, jamais le monde n’a été aussi près de l’impensable : un
scénario de Troisième Guerre mondiale, un conflit militaire
planétaire impliquant l’utilisation d’armes nucléaires.
1. Le soi-disant bouclier
antimissile, ou initiative de Guerre des étoiles, comportant
l’utilisation d’armes nucléaires pour les premières frappes sera
dorénavant développé mondialement, dans différentes régions du
monde. Ce bouclier est largement dirigé contre la Russie, la
Chine, l’Iran et la Corée du Nord.
2. De nouvelles bases
militaires étatsuniennes ont été établies dans le but à la fois
d’instaurer des sphères d’influence étatsuniennes dans chaque
région du monde, ainsi que d’entourer et de confronter la Russie
et la Chine.
3. Il y a eu une escalade
dans la guerre d’Asie Centrale et du Moyen-Orient. Le budget de
la Défense sous Obama a monté en flèche avec l’augmentation des
affectations en Afghanistan ainsi qu’en Irak.
4. Sous les ordres du
président Obama, agissant à titre de commandant en chef, le
Pakistan fait désormais l’objet de bombardements aériens de
routine par les États-Unis, en violation de sa souveraineté
nationale, en utilisant la « guerre mondiale au terrorisme »
comme justification.
5. La construction de
nouvelles bases militaires est envisagée en Amérique Latine, y
compris en Colombie, à la frontière immédiate du Venezuela.
6. L’aide militaire à Israël
a augmenté. La présidence Obama a exprimé son soutient
inébranlable à Israël et à l’armée israélienne. Obama est
demeuré muet en ce qui concerne les atrocités qu’Israël a
commises à Gaza. Il n’y a même pas eu un semblant de reprise des
négociations israélo-palestiniennes.
7. Il y a eu un renforcement
des nouveaux commandements régionaux, incluant AFRICOM et
SOUTHCOM.
8. Une nouvelle ronde de
menaces a été dirigée contre l’Iran.
9. Les États-Unis sont
résolus à encourager davantage de divisions entre le Pakistan et
l’Inde, ce qui pourrait mener à une guerre régionale, ainsi qu’à
l’utilisation de l’arsenal nucléaire indien comme moyen indirect
de menacer la Chine.
Les grandes lignes de la
nature diabolique de ce projet militaire ont été tracées dans le
Project for a New American Century (PNAC) en 2000. Les objectifs
du PNAC sont :
- défendre la patrie
étatsunienne ;
- se battre et gagner
résolument de multiples guerres de théâtre simultanées ;
- effectuer les tâches
« constabulaires » associées au modelage de l’environnement
sécuritaire dans des régions critiques ;
- transformer les forces
étatsuniennes afin d’exploiter la « révolution dans les affaires
militaires »
Project for a New American Century,
Rebuilding Americas Defenses.pdf, septembre 2000)
La « Révolution dans les
affaires militaires » fait référence au développement de
nouveaux systèmes d’armement perfectionné. La militarisation de
l’espace, les nouvelles armes chimiques et biologiques, les
missiles à guidage laser sophistiqués, les bombes antiblockhaus,
sans parler du programme de guerre climatique des Forces
aériennes étatsuniennes (HAARP) basé à Gokona en Alaska, font
partie de l’« arsenal humanitaire » d’Obama.
Une guerre contre la
vérité
Il s’agit d’une guerre contre
la vérité. Lorsque la guerre devient la paix, le monde est
tourné sens dessus dessous. La conceptualisation n’est alors
plus possible et un système social inquisitorial émerge.
La compréhension des
événements sociaux et politiques fondamentaux se voit remplacée
par un monde de pure fantaisie, où rôdent des « êtres
malfaisant ». L’objectif de la « guerre mondiale au
terrorisme », entièrement cautionnée par l’administration Obama,
a été de galvaniser l’appui de l’opinion publique pour une
campagne mondiale contre l’hérésie.
Aux yeux de l’opinion
publique, le fait de détenir une « cause juste » pour mener la
guerre est essentiel. On dit d’une guerre qu’elle est « juste »
si elle est menée pour des motifs moraux, religieux ou éthiques.
Le consensus est en faveur de la guerre. Les gens ne peuvent
plus penser par eux-mêmes. Ils acceptent l’autorité et la
sagesse de l’ordre social établi.
Le comité Nobel estime que le
président Obama a donné au monde « l’espoir d’un avenir
meilleur ». Le prix est accordé en raison des
« efforts extraordinaires [d’Obama]
pour renforcer la diplomatie internationale et la coopération
entre les peuples. Le comité a attaché une importance
particulière à la vision d’Obama d’un monde sans armes
nucléaires ainsi qu’à son travail dans ce sens.
[…] Sa diplomatie se base sur
le concept voulant que ceux qui mènent le monde doivent le faire
sur la base des valeurs et des attitudes partagées par la
majorité de la population du monde. » (Nobel
Press Release, October 9, 2009)
L’octroi du prix Nobel de la
« paix » au président Barack Obama est devenu partie intégrante
de la machine de propagande du Pentagone. Il donne un visage
humain aux envahisseurs, il confirme la diabolisation de ceux
qui s’opposent aux interventions militaires étatsuniennes.
Il ne fait aucun doute que la
décision de décerner le prix Nobel de la paix à Obama a été
soigneusement négociée avec le comité norvégien aux plus hauts
échelons du gouvernement des États-Unis et celle-ci a des
profondes implications.
Cette décision soutient sans
équivoque la guerre menée par les États-Unis comme une « juste
cause ». Elle efface les crimes de guerre commis à la fois sous
l’administration Bush et sous celle d’Obama.
Propagande de guerre : Jus
ad Bellum
La théorie de la « guerre
juste » sert à camoufler la nature de la politique étrangère
étatsunienne, tout en conférant aux envahisseurs un visage
humain.
À la fois dans sa version
classique et contemporaine, la théorie de la guerre juste
soutient la guerre comme « opération humanitaire ». Elle réclame
l’intervention militaire sur des bases éthiques et morales
contre les « insurgés », les « terroristes », les « États
défaillants » ou les « États voyous ».
La guerre juste a été
proclamée par le comité Nobel comme instrument de paix. Obama
personnifie la « guerre juste ».
Enseignée dans les académies
militaires, une version moderne de la théorie de la « guerre
juste » a été incorporée dans la doctrine militaire
étatsunienne. La « guerre au terrorisme » et la notion de
« guerre préventive » sont basées sur le droit à
l’« autodéfense ». Elles définissent « quand il est permis de
mener la guerre » : jus ad bellum.
Jus ad bellum a servi à
constituer un consensus au sein des structures de commandement
des Forces armées. Ce principe a également contribué à
convaincre les troupes qu’elles se battent pour une « cause
juste ». De manière plus générale, la sa version moderne de la
théorie de la guerre juste fait partie intégrante de la
propagande de guerre et de la désinformation médiatique,
utilisées pour obtenir l’appui du public pour un programme
guerrier. Sous Obama en tant que lauréat du prix Nobel de la
paix, la guerre juste devient acceptée universellement,
cautionnée par la soi-disant communauté internationale.
Le but ultime est de
maîtriser les citoyens, de dépolitiser complètement la vie
sociale aux États-Unis et d’empêcher les gens de penser et de
conceptualiser, d’analyser les faits et de contester la
légitimité de la guerre menée par les États-Unis et l’OTAN.
La guerre devient la paix,
une « entreprise humanitaire » qui en vaut la peine. La
dissidence pacifique, elle, se transforme en hérésie.
Une escalade militaire au
visage humain : le comité Nobel accorde le « feu vert »
De façon plus significative,
le prix Nobel de la paix concède la légitimité à une
« escalade » sans précédent des opérations militaires menées par
les États-Unis et l’OTAN sous la bannière du rétablissement de
la paix.
Il contribue à falsifier la
nature de l’ordre du jour militaire des États-Unis et de l’OTAN.
Entre 40 000 et 60 000
troupes étatsuniennes et alliées de plus devraient être envoyées
en Afghanistan sous une enseigne de rétablissement de la paix.
Le 8 octobre, un jour avant la décision du comité Nobel, le
Congrès étatsunien a entériné un projet de loi d’autorisation à
la défense de 680 milliards de dollars, destiné à financer le
processus d’escalade militaire :
« Washington et ses alliés de
l’OTAN prévoient une augmentation sans précédent des troupes
pour la guerre en Afghanistan, en plus des 17 000 nouvelles
forces étatsuniennes et des milliers de forces de l’OTAN qui se
sont jusqu’à présent dévouées à la guerre cette année. »
Selon des reportages
jusqu’ici non corroborés concernant les demandes du commandant
des États-Unis et de l’OTAN Stanley McChrystal et du président
de l’Instance collégiale des chefs d’état-major Michael Mullen à
la Maison-Blanche, le nombre de troupes varie de 10 000 à
45 000.
Fox News a cité des chiffres
aussi élevés que 45 000 soldats étatsuniens de plus et ABC News
jusqu’à 40 000. Le 15 septembre, le Christian Science Monitor
mentionnait que cela irait « peut-être jusqu’à 45 00 ».
La similitude des évaluations
indique que l’on s’est entendu sur un nombre et que les médias
obéissants des États-Unis préparent l’auditoire national à
l’éventualité de la plus grande escalade de forces armées
étrangères de l’histoire de l’Afghanistan. Il y a sept ans
seulement, les États-Unis avaient 5000 troupes dans le pays,
mais planifiaient d’augmenter ce nombre à 68 000 pour décembre,
avant même que ne surgissent les reportages pour de nouveaux
déploiements. (Rick Rozoff,
U.S., NATO Poised For Most Massive War In
Afghanistan's History, Global Research, 24 septembre
2009)
Quelques heures après la
décision du comité Nobel norvégien, Obama a rencontré le conseil
de guerre ou peut-être devrions-nous le nommer « conseil de
paix ». Cette réunion avait été soigneusement planifiée pour
coïncider avec celle du comité Nobel.
Cette réunion clé derrière
les portes closes de la salle de gestion de crise de la
Maison-Blanche comprenait le vice-président Joe Biden, la
secrétaire d’État Hillary Clinton, le secrétaire à la Défense
Robert Gates, ainsi que d’importants conseillers politiques et
militaires. Le général Stanley McChrystal a participé à la
rencontre par vidéoconférence depuis Kaboul.
Le général Stanley McChrystal
aurait offert au commandant en chef « plusieurs alternatives »,
« incluant un ajout maximal de 60 000 troupes supplémentaires ».
Le nombre 60 000 a été cité à la suite d’une fuite du Wall
Street Journal (AFP:
After Nobel nod, Obama convenes Afghan war council,
October 9, 2009)
Selon un représentant
officiel de l’administration, « [l]e président a eu une
conversation corsée sur la sécurité et les défis politiques en
Afghanistan, et les options visant à élaborer une approche
stratégique allant de l’avant ». (Cité dans
AFP: After Nobel nod, Obama convenes
Afghan war council October 9, 2009)
Le comité Nobel avait en un
sens donné le feu vert à Obama. La réunion du 9 octobre dans la
salle de gestion de crise avait pour but de jeter les bases
d’une autre escalade du conflit sous le blason de la
contre-insurrection et de l’instauration de la démocratie.
Entre-temps, au cours des
derniers mois, les forces étatsuniennes ont intensifié leurs
bombardements aériens de communautés villageoises dans les zones
tribales du nord du Pakistan, sous l’emblème du combat contre Al
Qaïda.
Traduction : Julie Lévesque pour
Mondialisation.ca
© Copyright Michel Chossudovsky, Global Research, 2009
Publié le 13 octobre 2009 avec l'aimable autorisation de Michel Chossudovsky
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