Elle intervient au Niger pour ses
intérêts économiques
La France
“gendarme de l'Afrique” est de retour !
Merzak
Tigrine
Lundi 27 mai 2013
Plus d’un demi-siècle après
l’accession à l’indépendance de ses
anciennes colonies, la France continue à
intervenir en Afrique, à chaque fois
qu’elle estime que ses intérêts sont
menacés, comme cela a été le cas au Mali
et plus récemment au Niger, après les
attentats suicide d’Agadez et d’Arlit.
“Nous protégerons aussi nos intérêts,
car à Arlit c'est l'intérêt d'une grande
entreprise française” qui a été visé, a
souligné jeudi le président français à
Leipzig en Allemagne, où il était en
déplacement. Ainsi, la France, qui
récuse le rôle de “gendarme de
l’Afrique”, tente de justifier ses
interventions militaires sur ce
continent. François Hollande a souhaité
clarifier la feuille de route française
en affirmant que Paris ne laisserait
“rien passer” et appuierait au contraire
“tous les efforts des Nigériens” pour
faire cesser la prise d'otages et
“anéantir le groupe” à l'origine de
cette attaque et de celle menée contre
un site Areva à Arlit, également dans le
Nord-Niger.
Le président français a déclaré qu'il
voyait dans les événements du Nord-Niger
“une preuve supplémentaire que le combat
que nous engageons contre le terrorisme
est un combat dans lequel tous les pays
doivent à un moment ou à un autre être
partie prenante, dès lors qu'ils portent
les valeurs qui sont les nôtres”. Encore
un appel du pied à la communauté
internationale qui, pour l'instant, ne
donne que peu de résultats, bien que
Paris ne ménage pas ses efforts pour
mobiliser ses alliés et les inviter à
“prendre leurs responsabilités”. Il n’en
demeure pas moins que l’intervention des
forces spéciales françaises au
Nord-Niger, dans la foulée de
l'opération au Mali, remet au goût du
jour l'impression d'une France “gendarme
de l’Afrique”. Rejetant ce rôle, Paris
appelle la communauté internationale à
“prendre ses responsabilités”, comme le
souligne une source diplomatique
française, qui assure que “la France ne
redevient pas le gendarme de l'Afrique,
ce n'est pas l'objectif de la France
d'intervenir chaque fois qu'un pays
africain se trouve confronté à des
difficultés particulières”. Il apparaît
cependant que Paris exerce une sorte de
droit de suite au Sahel, dans le
prolongement de l'opération au Mali qui,
depuis janvier, a permis à Bamako de
reprendre aux jihadistes le contrôle du
nord du pays. Ce double discours laisse
penser selon les experts que la France
doit à la fois protéger ses
ressortissants, préserver ses intérêts
stratégiques et ne pas laisser
s’installer une “zone grise” islamiste
dans la région. “On n'a pas le choix”,
résume le général Henri Poncet, ancien
commandant des opérations spéciales
françaises. “Derrière le chapeau
politique, il y a la realpolitik menée
au nom de la protection d'intérêts
vitaux, pour la France mais aussi pour
l'Europe et pour les pays du Maghreb.”
Ce point de vue est partagé par le
directeur du Centre français de
recherche sur le renseignement (CF2R),
Eric Denécé, qui a rappelé que Paris
n'intervenait plus en Afrique pour y
“faire régner l'ordre”, mais pour y
“sauvegarder ses intérêts”. Ce
spécialiste du terrorisme met l’accent
sur le fait : “Et nous n'intervenons
plus qu'avec l'autorisation de l'Etat
local ou à la demande d'un Etat, comme
cela a été le cas au Mali.” “On assiste
dans cette affaire à un lâchage complet
de l'Europe”, constate Eric Denécé,
notant que “paradoxalement, l'allié le
plus proche de la France s'est révélé
être le Tchad”. “Nos alliés européens
sont bien contents qu'on fasse le boulot
mais personne ne bouge”, renchérit le
général Poncet, pour qui cette situation
confirme que “l'Europe de la défense
n'existe pas”. Selon lui, “ce qui s'est
passé à Londres (le meurtre d'un soldat
anglais au nom du jihad, ndlr) va
peut-être réveiller les Britanniques”.
Ceci étant, les autorités françaises ne
cachent pas leur crainte de voir la
“zone de fragilité” s'élargir au sud de
la Libye. “L'absence d'autorité dans le
sud de la Libye nous préoccupe
énormément”, indique une source
diplomatique. “Le gouvernement
(français) actuel a hérité d'une
situation catastrophique” après
l'intervention de 2011 en Libye, qui a
transformé ce pays en “supermarché de
l'armement à ciel ouvert”, relève le
général Poncet.
De fait, dit-il, la France doit “non
seulement protéger l'uranium des mines
d'Arlit, dont dépend son alimentation en
électricité, mais aussi ne pas laisser
se développer un califat
islamo-intégriste armé par des mafias en
tous genres, une affaire de longue
haleine”.
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Publié le 27 mai 2013 avec l'aimable
autorisation de Liberté Algérie.
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