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Ha'aretz

Broyeurs d'identités
Meron Benvenisti

Haaretz, 11 octobre 2007

www.haaretz.co.il/hasite/spages/911603.html
Version anglaise : Splintering as a strategy
www.haaretz.com/hasen/spages/911641.html

Avez-vous prêté attention à la collection d’informations qui ont été publiées un même jour de cette semaine ? Des groupes de négociateurs discutent d’une déclaration d’intentions qui sera présentée à la Conférence d’Annapolis ; le vice-Premier Ministre revient sur son projet de réduire les « quartiers limites » des frontières de la municipalité de Jérusalem et soulève un tollé ; la Commission parlementaire des Finances a débattu d’une proposition de loi qui autoriserait le Fonds National Juif (KKL) à ne donner des terres à bail qu’à des Juifs ; un tir de Katioucha depuis la Bande de Gaza a suscité un tumultueux débat sur la question de la réoccupation de certaines zones dans la Bande de Gaza.

Le lien entre toutes ces informations et ces événements pourrait sembler simplement fortuit ; après tout, quel rapport y aurait-il entre le KKL et une Katioucha ? Mais un examen plus approfondi révèlerait qu’il s’agit en fait d’aspects différents de ce qu’on appelle « le problème palestinien ». Ce problème, nous le morcelons, pour notre confort, en fragments de questions, faisant l’hypothèse que « plus c’est petit, plus c’est facile à traiter ».

Nous sommes à ce point habitués au paradigme du morcellement que nous avons perdu de vue que ce n’était pas le « problème » que nous avons décomposé en ses éléments mais le peuple palestinien lui-même qu’au fil des trois dernières générations, nous avons broyé en sous-groupes. Et non seulement nous les avons broyés de force, mais nous les avons amenés à adopter pour eux-mêmes une identité éclatée et à se soumettre à l’agenda que nous leur avons prescrit.

Les Palestiniens qui prennent part aux négociations préparatoires à la Conférence d’Annapolis luttent afin d’obtenir de meilleures conditions pour à peine un quart environ du peuple palestinien. Pour ce qui est du sort des autres morceaux – Gazaouis, Palestiniens israéliens, diaspora, habitants de Jérusalem-Est – d’autres s’en occuperont. Ceux de Jérusalem-Est veulent seulement qu’on les laisse tranquille et qu’on ne les force pas, « par patriotisme », à renoncer à leurs privilèges de résidents israéliens.

Les Palestiniens israéliens luttent pour l’obtention de contrats de bail du KKL comme élément de leur revendication d’être reconnus comme « minorité nationale » et pour une égalité de droits. Ils ne lient pas ce combat qui est le leur au combat de leurs frères de l’autre côté de la clôture de séparation : les Palestiniens des Territoires luttent pour une « autodétermination » et ils revendiquent quant à eux une « égalité de droits du citoyen ». Les gens du Hamas à Gaza ne sont pas intéressés par les implications de leurs actes violents et de leur rhétorique sur les intérêts de l’ensemble du peuple palestinien. La réduction en sous-communautés n’est pas encore arrivée à son terme.

L’entreprise sioniste, dont le développement a représenté un défi pour la communauté arabe et qui l’a cristallisée en un groupe national distinct, est devenue au cours des générations le facteur dominant sous les coups duquel la communauté palestinienne s’est brisée. Ce broyage est devenu le principal instrument de contrôle israélien. Ce n’est que grâce à lui que les Israéliens [juifs] peuvent maintenir leur contrôle sur tout l’espace de la terre d’Israël et il sert de certificat de garantie contre la « menace démographique » qui surviendra lorsque les Palestiniens, très bientôt, constitueront une majorité numérique dans les territoires qui vont de la Méditerranée au Jourdain.

La communauté juive dominante continuera, même quand elle sera devenue une minorité, à imposer la division palestinienne par les moyens habituels du bâton et de la carotte qui maintiendront et même approfondiront le manque de coordination entre les fragments de communautés palestiniennes.

Dans les années 60 et 70 du siècle dernier, la politique de morcellement a été mise en œuvre contre la petite minorité des « Arabes d’Israël ». Elle est maintenant appliquée avec beaucoup de sophistication à l’égard de près de cinq millions de Palestiniens, sans presque éveiller l’attention et ce n’est pas un hasard. La propagande israélienne n’a aucun intérêt à mettre en valeur ses réussites en matière de morcellement ; au contraire, Israël aspire à placer l’épouvantail de la « menace existentielle » qui figure un ennemi intraitable et décidé. Sans y faire attention, les cercles de gauche y contribuent en s’attachant à l’illusion romantique d’un peuple palestinien uni dans sa lutte pour la liberté, et ils sont rejoints par des porte-parole palestiniens aux yeux desquels faire entendre la thèse de la division relève de la propagande hostile.

Par là, la stratégie du morcellement est susceptible de réussir – l’opinion publique en est distraite au profit de questions marginales comme le KKL ou le « partage de Jérusalem » – et même des gens bien informés se montrent surpris quand leur est présentée l’intensité de la division, du morcellement. Ce n’est pas d’un Nelson Mandela que les Palestiniens ont besoin mais d’un Giuseppe Garibaldi qui se lève au milieu d’eux et les unisse.

 

(Traduction de l'hébreu : Michel Ghys)



Source : Michel Ghys


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