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Al-Ahram Hebdo
L'économie dans les mailles de
la politique
Marwa Hussein

Photo: Al-Ahram
Mercredi 8 septembre 2010
Palestine.
Les
6,8 % de croissance en 2009 ne sont pas perceptibles sur le
terrain, comme le souligne un rapport de la
Cnuced au moment de la reprise des pourparlers de paix
avec Israël. Explications.
L’économie palestinienne est loin
de la reprise et son développement est bien en dessous de ses
capacités. C’est en bref la conclusion que tire le rapport de la
Conférence des Nations-Unies sur le Commerce Et le Développement
(CNUCED), publié le 31 août, sur la situation économique dans
les territoires palestiniens occupés. Et cela malgré des
statistiques positives annonçant une croissance de 6,8 % et une
baisse de 1,6 % du taux de chômage après des années de
stagnation et de recul. Sans que sur le terrain, une avancée
positive quelconque soit ressentie. « Il faut considérer avec
précaution ces chiffres, étant donné les taux de croissance bas
réalisés en 2008 », notent les auteurs du rapport qui rappellent
que « le Produit Intérieur Brut (PIB) par habitant demeure
inférieur de 30 % à ce qu’il était il y a dix ans, alors que le
taux réel du chômage dans les territoires occupés serait de 30 %
». En fait, la croissance réalisée en 2009 s’explique surtout
par les aides qui ont afflué en Cisjordanie et qui ont connu une
croissance de 8,5 %, alors que la bande de Gaza est toujours
soumise à un blocus quasi-total avec une croissance minime de 1
%. Il s’agit d’une croissance déséquilibrée et loin d’être
durable. « La croissance du PIB est due à la hausse des aides
étrangères et ne reflète en aucune façon une hausse de la
production agricole, industrielle, voire même du secteur de la
construction. L’économie palestinienne est toujours
déséquilibrée », note Barakat Al-Farrah,
ambassadeur palestinien au Caire.
Une équation difficile à modifier
tant que la situation politique n’avance pas. « Selon l’étude,
la détérioration de la posture économique palestinienne est
surtout due au bouclage et au blocus
qu’impose Israël sur l’économie palestinienne, la
fermeture des passages, la construction du mur de séparation et
la confiscation des terres palestiniennes. A cela s’ajoute
l’implantation de nouvelles colonies israéliennes en Cisjordanie
», souligne Khawla
Matar, directrice du Centre des
Nations-Unies pour l’information au Caire, en faisant la
représentation du rapport. La Cnuced
estime que le bouclage et le blocus procurent à l’économie
palestinienne des pertes annuelles de 600 à 800 millions de
dollars, soit 13 % du PIB. Au niveau de l’emploi, les
Palestiniens perdent par an entre 60 000 et 80 000 emplois. En
plus des pertes directes, l’effet des aides internationales, qui
représentent la partie majeure du budget de la Palestine, est
réduit à cause du blocus et les Palestiniens n’en tirent pas
tous le profit qu’ils devraient en tirer. La
Cnuced a calculé qu’une injection de
1,6 milliard de dollars d’aide à l’investissement public entre
2010 et 2012 entraînerait une hausse annuelle du PIB palestinien
inférieure à 1 % en moyenne si le bouclage et le blocus
persistent. La même somme dépensée dans un contexte d’apaisement
générerait une croissance annuelle de 14 % et pourrait créer 80
000 emplois par an.
Le risque de destruction
matérielle ainsi que les maintes restrictions imposées sur le
mouvement des biens et des personnes ont été des facteurs
décourageants pour le secteur privé formel. Pour survivre, les
Palestiniens ont eu recours au secteur non formel et celui des
tunnels à Gaza. Celui-ci représente les deux tiers de l’activité
économique de la Bande de Gaza. Mais pas sans inconvénient : le
risque qu’endurent les individus impliqués dans ces activités et
l’isolement de Gaza ont eu pour conséquence une hausse des prix
dans la bande qui sont au-dessus de leurs niveaux en Cisjordanie
ainsi que hors de la portée des habitants. « Les médias ont
montré à Gaza les marchandises et produits entassés dans les
magasins et ne trouvant pas d’acheteur, alors que 61 % des
habitants de la bande sont touchés par l’insécurité alimentaire
vu que la production agricole a régressé de 60 % au cours des 10
dernières années ».
Dépendance envers l’économie
israélienne
Si la situation économique s’est
détériorée depuis le blocus imposé sur Gaza en 2007, ce qui
s’est traduit par une hausse des taux de chômage et de pauvreté,
la dépendance à l’économie israélienne dure depuis toujours.
Israël contrôle les frontières, tous les accès aux territoires
palestiniens, l’eau et même la collecte de plusieurs taxes qui
doivent être ensuite transférées à l’Autorité palestinienne mais
ne le sont pas souvent. « L’accord d’Oslo et le protocole
économique de Paris ont institutionnalisé cette situation. Les
taxes commerciales sont collectées par Israël et supposées être
transférées à l’Autorité palestinienne. Mais les taxes sont
utilisées en tant qu’instrument de pression politique, une
tendance qui s’est accentuée après la deuxième Intifada. Ces
mêmes accords ont institutionnalisé le contrôle sur les
affaires. Les projets des hommes d’affaires palestiniens ont été
souvent contrecarrés par des retards d’octroi de permis
d’appropriation de terrain, de construction, de transport de
marchandises, d’importation et d’exportation en plus de toutes
les transactions financières », note Noeman
Kanafani, directeur de l’Institut de
recherche des politiques économiques palestiniennes (MAS)
(Palestine Economic Policy
Research Institute), dans un papier
sur l’intégration régionale de la Palestine. Les Palestiniens
n’avaient d’autre solution que de dépendre totalement d’Israël,
premier partenaire commercial, mais aussi un grand nombre
d’employés palestiniens y travaillent, ce qui affecte l’économie
des familles suite à chaque blocus. Le rapport de la
Cnuced note que le commerce avec
Israël représente les trois quarts du commerce palestinien et
que malgré la baisse du déficit commercial palestinien avec
Israël en 2009, il reste élevé avec 65 %. Il a de même dépassé
les 2,4 milliards de dollars d’aide internationale versés aux
Palestiniens. La Cnuced pense qu’une
diversification des partenaires commerciaux pourra aider la
Palestine, mais cela nécessite la fin du blocus et une plus
grande indépendance. Alors les attentes sont pressantes sur la
reprise des pourparlers entre Israéliens et Palestiniens après
20 mois d’arrêt, aux Etats-Unis le 2 septembre dernier. Mais
sans trop d’optimisme, puisqu’il ne s’agit pas du premier espoir
perdu.
Droits de reproduction et de diffusion réservés. ©
AL-AHRAM Hebdo
Publié
le 8 septembre 2010 avec l'aimable autorisation de AL-AHRAM Hebdo
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