L'art de la guerre
Que Dieu me garde
des amis
Manlio Dinucci
Mohamed
Morsi
Mardi 26 juin 2012
Le premier à féliciter le nouveau
président égyptien Mohamed Morsi a été
le président Obama. Il lui a téléphoné
sur un ton amical, en assurant que les
Etats-Unis « continueront à soutenir la
transition de l'Egypte vers la
démocratie » et veulent «promouvoir les
intérêts communs sur la base du respect
mutuel ». Les deux présidents, annonce la Maison Blanche, se sont engagés
à « développer le partenariat
Usa-Egypte, en restant en contact étroit
dans les prochains mois ». Les
Etats-Unis sont-ils donc en train de
lâcher la caste militaire, base depuis
plus de trente ans de leur influence en
Egypte, pour soutenir l’organisation
islamique des Frères Musulmans,
considérée jusqu’à présent comme
hostile ? Que non. Tout de suite après
Morsi, Obama a appelé le général Ahmed
Shafik, candidat des militaires à la
présidence, en l’encourageant à
poursuivre son engagement politique « de
soutien au processus démocratique ».
Engagement que les militaires ont bien
montré avec la dissolution du Parlement.
Avec l’aide déterminante de Washington :
l’assistance militaire à l’Egypte,
souligne le Département d’Etat,
constitue « un pilier important des
relations bilatérales ». L’Egypte reçoit
chaque année des Usa une aide militaire
d’environ 1,5 milliards de dollars. Elle
jouit en outre d’un privilège réservé à
très peu de pays : les fonds sont
déposés sur un compte de
la Federal Reserve Bank
à New York, où ils produisent de
notables intérêts. Ceci accroît le
pouvoir d’acquisition des forces armées
égyptiennes, dont la liste des courses
au supermarché guerrier étasunien
comprend : des chars d’assaut M1A1
Abrams (co-produits en Egypte), des
chasseurs F-16, des hélicoptères Apache
et autres armements.
En outre le Pentagone leur offre
des armes qu’il a en surplus, pour une
valeur annuelle d’une centaine de
millions. En échange les forces armées
étasuniennes ont libre accès en Egypte,
où se tient tous les deux ans la
manœuvre militaire Bright Star (étoile
brillante…NdT), la plus grande de la
région.
Tout aussi généreuse est
l’ « aide économique » de Washington.
L’Egypte est en pleine crise : le
déficit public a grimpé à 25 milliards
de dollars et la dette extérieure à 34,
alors que les réserves de devises
extérieures sont descendues de 36
milliards en 2011 à 15 en 2012. Mais
voilà que les Usa tendent leur main
amicale. L’administration Obama a alloué
2 milliards de dollars pour la promotion
d’investissements privés étasuniens dans
la région, surtout en Egypte. C’est là
que seront effectués d’autres
investissements étasuniens, facilités
par Le Caire en échange du dégrèvement
d’un milliard de la dette
extérieure. L’Egypte recevra en outre un
crédit d’un milliard de dollars,
garantis par les Usa, pour avoir de
nouveau « accès aux marchés de
capitaux ». Et grâce encore aux Usa, le
Fonds Monétaire International est prêt à
ouvrir à l’Egypte une ligne de crédit.
Pendant que l’ambassade étasunienne au
Caire lance un nouveau programme pour
aider de jeunes entrepreneurs égyptiens
à initier ou à développer leurs propres
activités. Toutes les cartes de
Washington, de ce fait, sont sur la
table : les économiques, pour étrangler
l’Egypte et y élever une classe
d’entrepreneurs pro-Usa ; les
politiques, pour donner au pays une
allure civile démocratique qui ne
compromette pas l’influence étasunienne
dans le pays ; les militaires, à jouer
par un coup d’Etat si les autres cartes
échouent.
Mais une inconnue demeure : un
sondage Gallup indique que, en dix mois,
les Egyptiens opposés à l’aide
étasunienne sont passés de 52% à 82%.
Edition de mardi 26 juin 2012 de il
manifesto
Traduit de l’italien par Marie-Ange
Patrizio
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