GEOPOLITIQUE & GRAND MOYEN ORIENT
Le « Grand jeu »
entre les USA, les djihadistes et l'Iran
Luc Michel
Lundi 28 janvier
2013 Les guerres de
Washington contre la Grande-Europe et la
Nation arabe …
« vaste enjeu stratégique pour les
Etats-Unis et leurs partenaires en
Afrique du Nord » (Hillary Clinton)
PCN-SPO / Focus / 2013 01 24 /
Avec APS – The Guardian – ELAC Website /
Focus : Le fait du jour décrypté par Luc
MICHEL
pour le Service de Presse du PCN /
PCN-SPO Lu sur le
Website APS (Alger)
Ce 24 janvier 2013
« Clinton : les révolutions arabes ont
fragilisé la sécurité en Afrique du
nord.
La secrétaire d’Etat américaine, Hillary
Clinton, a déclaré mercredi que les
bouleversements du monde arabe de 2011
avaient chamboulé l’équilibre des forces
et fragilisé la sécurité dans cette
région. Dans son audition devant le
Congrès sur l’attentat de Benghazi qui
avait coûté la vie à quatre Américains
dont l’ambassadeur Chris Stevens, Mme
Clinton a considéré que cette opération
meurtrière "ne s’est pas produite à
partir du vide". "Les révolutions arabes
ont bouleversé la dynamique du pouvoir
en place et porté un coup aux forces de
sécurité dans la région", a-t-elle
affirmé. En outre, a-t-elle poursuivi,
l’instabilité au Mali a créé un "vaste
refuge" aux terroristes qui cherchent" à
étendre leur influence et à conduire des
attaques dans d’autres endroits tel que
nous l’avons vu la semaine dernière en
Algérie" dans l’opération terroriste
perpétrée au site gazier de
Tiguentourine (In Amenas).
# Il faut suivre Clinton et
s’accrocher !
Discours cynique et hypocrite, où
l’incendiaire joue à la victime, où le
pyromane crie au feu …
LE DESSOUS DES CARTES AU DELA DE LA
PROPAGANDE Après
avoir soutenu les djihadistes en
Afghanistan, en Libye,
en Algérie, en Irak et en ex
Yougoslavie (Bosnie, Kosovo) en
1980-1998, les USA les combattent au
Soudan et en Afghanistan (1996-2012).
Pour de nouveau s’allier avec eux en
Libye (2010-2012) et Syrie (2010-2013).
En 2012, les USA sont de nouveau en
guerre avec les djihadistes en Libye, au
Yemen et au Sahel. Mais soutiennent
toujours les mêmes en Syrie en 2013.
Ce qui n’empêche pas Mme Clinton de
déclarer sans vergogne devant le
Congrès : « Lorsque les Etats-Unis sont
absents, en particulier dans des
environnements instables, il y a des
conséquences : L’extrémisme prend
racine, nos intérêts en souffrent et
notre sécurité interne se trouve
menacée ». A noter :
les islamistes de Téhéran eux aussi ont
bien louvoyé. Soutiens des djihadistes
du FIS algérien en 1991,
des radicaux bosniaques du régime
Izetbegovic en 1991-96 (dont ils
encadraient les brigades de choc, dont
la fameuse 7e Brigade
musulmane, des islamistes chiites
irakiens (de 1980 à nos jours, où ils
servent de gouvernement fantoche), des
Talibans, du CNT de Benghazi en
2011-2012. Ils sont aujourd’hui, pour
des raisons purement géopolitiques
d’intérêt national aux côté de la Syrie
ba’athiste. Téhéran combat les USA en
Syrie, au Liban, au Bahrein. Mais
participent avec ces mêmes USA au
soutien du gouvernement fantoche afghan
de Karzai et à l’occupation de l’Irak
(1). Vous suivez
toujours ?
Les USA ont organisé – notamment via les
réseau OTPOR-CANVAS dont les mentors
sont les sénateurs Mc Cain, Lieberman et
l’ex vice-président Biden – le
soi-disant « printemps arabe » (2).
Voilà que Clinton se plaint des effets
déstabilisateurs de cette de vague de
coup d’états qui a mis des régime
pro-américain au pouvoir (Libye,
Tunisie, Egypte) ou conforté leurs
alliés (Qatar, Arabie saoudite,
fractions pro US au Liban, Maroc) …
Ce que Clinton finit par reconnaître en
évoquant une « grande opportunité »
:
« En répondant aux différentes
questions soulevées par les
parlementaires américains, Mme Clinton a
estimé que les bouleversements connus
par le monde arabe en 2011 étaient, en
même temps, ‘‘une grande opportunité,
ainsi qu’une grave menace’’ pour les
Etats-unis en raison de la tourmente qui
persiste dans la région. "Ce ne sera pas
facile car ces pays n’ont aucune
expérience de la démocratie", a-t-elle
encore observé. » UN
IMMENSE CHAOS GEOPOLITIQUE
Le résultat de ce « grand jeu » (de
dupes), c’est un immense chaos
géopolitique : * Les
USA gagnants et les djihadistes en
pleine expansion. L’Iran seule grande
puissance régionale dans un monde arabe
brisé. Brutalement dit : les meilleurs
ennemis du monde ont tiré les marrons du
feu chacun pour soi.
* Qui a perdu ? Tous les autres.
Les régimes nationalistes
révolutionnaires arabes – Jamahiriya
libyenne, Irak ba’athiste, Syrie
ba’athiste, Algérie – détruits ou
fragilisés.
L’Europe-croupion de l’UE – qui est
devenue tout sauf l’Europe – qui
participe avec le sang de ses fils et
l’argent de ses économies en crise aux
guerres des USA contre la Grande-Europe.
La Russie, encore plus encerclée, qui a
perdu son allié libyen (l’aveuglement de
Moscou en Libye et les erreurs des
libéraux au sein du gouvernement
Medvedev n’a pas été une erreur mais un
crime),
et voit son allié syrien
déstabilisé profondément.
ET REVOILA LE PRETEXTE DE LA « GUERRE
CONTRE LE TERRORISME »
POUR LEGITIMER LES GUERRES DES USA
Mais revenions aux propos de Mme
Clinton.
Pour la chef de la diplomatie
américaine, l’attaque terroriste de
Benghazi « fait partie d’un vaste enjeu
stratégique" pour les Etats-Unis et
leurs partenaires en Afrique du Nord ».
Dans ce sens, elle a mis l’accent sur
« la nécessité de l’intensification des
efforts pour lutter contre le
terrorisme » et « concevoir des moyens
efficaces pour soutenir les démocraties
naissantes en Afrique du Nord ».
Soulignant que « les inquiétudes des
Etats-Unis au sujet du terrorisme et de
l’instabilité en Afrique du Nord
n’étaient pas récentes », elle a précisé
« qu’elles constituaient une priorité
pour le gouvernement américain et ses
services de sécurité ». A ce sujet, elle
a fait valoir « qu’il s’agissait de
faire face à un environnement de menaces
en évolution rapide qui nécessite de
continuer à agir de façon à accroître la
pression sur Al-Qaïda au Maghreb
islamique (AQMI) et les autres groupes
terroristes dans la région ».
Sur le front diplomatique, elle a
rappelé « les démarches qu’elle avait
entreprises à travers ses contacts avec
les dirigeants des pays maghrébins, la
tenue d’une réunion à l’Assemblée
générale de l’ONU consacrée au Mali et
au Sahel, et sa visite effectuée en
octobre à Alger ainsi que celle du
secrétaire d’Etat adjoint, William
Burns’ pour, selon elle, « assurer le
suivi ». Sur le
front militaire, selon Clinton,
« l’action est concentrée sur le ciblage
des groupes terroristes affiliés à
Al-Qaïda par la fermeture de leurs
sanctuaires, le tarissement de leurs
ressources financières, la lutte contre
l’idéologie extrémiste, et le
ralentissement du flux de nouvelles
recrues. » Relevant
« l’importance pour les Etats-Unis de
continuer à mener leur lutte
anti-terroriste au Moyen-Orient, en
Afrique du Nord et partout dans le
monde », Mme Clinton a clamé : « Nous
avons parcouru un long chemin au cours
des quatre dernières années, et nous ne
pouvons pas reculer maintenant ».
Comme on le voit, sous Bush II ou Obama,
le terrorisme – engendré par le chaos –
est un prétexte. Le moyen d’assurer et
de légitimer devant les opinions
publiques occidentales les guerres des
USA pour la domination du XXIe siècle.
Comme le résumait pertinemment Glenn
Greenwald dans le GUARDIAN : « La “
guerre contre le terrorisme ” est une
guerre qui assure sa propre pérennité,
précisément parce quelle crée sans fin
ses propres ennemis et qu’elle fournit
l’huile garantissant que le feu brûlera
jusqu’à la fin des temps. Mais la
propagande à base de slogans qui sert à
justifier tout ceci est à ce point
facile et de pacotille (il faut tuer les
terroristes !) qu’il est difficile de
percevoir quand tout cela s’arrêtera. La
peur aveugle – pas seulement de la
violence, mais de l’Autre – qui a été
greffée avec succès dans le cerveau de
nombreux citoyens occidentaux est telle
que ce simple vocable vide de sens (les
terroristes) est capable, à lui seul,
d’engendrer un soutien inconditionnel à
toute initiative prise en leur nom, quel
que soit le secret ou le manque de
preuves qui l’entoure. »
STRATEGIE DU CHAOS POUR LA DOMINATION DE
L’EURASIE Comment
expliquer cette stratégie démente qui
conduit, au « Grand Moyen-Orient » et en
Afrique à soutenir les mêmes djihadistes
islamistes en Libye et en Syrie, à les
installer au pouvoir puis à les
combattre en Afghanistan, à s’allier à
eux à Doha, Karachi ou Riad, mais à les
combattre au Sahel ?
La réponse s’appelle la « stratégie du
chaos », théorisée dans les plus récents
ouvrages américains de géopolitique. Le
Chaos comme en Libye. Qui a entraîné
celui au Sahel et au Mali. Avant celui
en Syrie. Sur le modèle de la Somalie,
éclatée, divisée, ruinée.
C’est, selon moi,
une des options planifiée par
Washington et son allié sioniste pour le
« Grand Moyen-Orient ». Précisément
celle qui s’impose concrètement une fois
la réalité du terrain confrontée aux
scénarios géopolitiques et aux
kriegspiels géostratégiques. Une «
Grande Somalie » à l’échelle du monde
méditerranéo-saharien, où l’impérialisme
américain en faillite
économico-financière, peut encore à peu
de frais dominer les routes commerciales
et piller les ressources …
C’est mon analyse dès les prémisses du
soi-disant « printemps arabe », dont la
crise au Sahel et au Proche-Orient n’est
que la conséquence.
Le chaos comme avenir pour le
Proche-Orient et l’Afrique et non une
impossible « démocratie libérale », le
chaos et la « somalisation » à la fois
comme moyen et comme objectif d’un
projet de domination impérialiste :
celui du XXIe « siècle américain » !
LES GUERRES AMERICAINES CONTRE LA
GRANDE-EUROPE
Une fois de plus
les USA, servilement suivi par les
politiciens de l’OTAN, s’engagent dans
une série de guerre contre les intérêts
de la Grande-Europe (3). Une fois de
plus de jeunes européens – et notre cœur
saigne devant leur sacrifice inutile au
service d’intérêts qui ne les concernent
en rien – vont mourir pour Washington !
Les guerres des USA sont en effet des
guerres contre la Grande-Europe et pour
la domination de l’Eurasie au XXIe
siècle. Ce qui implique aussi le
contrôle des sources d’énergie (Pétrole,
Gaz, Uranium) et de leurs voies
d’acheminement. Le
grand théoricien de l’impérialisme
américain au XXIeme siècle est Zbigniew
BRZEZINSKI (4) dont le domaine est la
géostratégie et la géopolitique et qui
publie “The Grand Chessboard” en 1997,
titré “Le grand échiquier. L’Amérique et
le reste du monde” pour son édition
française. La réflexion de BRZEZINSKI
est centrée sur les conditions
géopolitiques de la puissance américaine
et de son contrôle sur l’Eurasie, le
“grand échiquier” où Washington doit
éliminer tout rival potentiel ou réel.
Pour maintenir leur leadership, qui
n’est rien d’autre que la domination
mondiale, les USA doivent avant tout
maîtriser le “grand échiquier” que
représente l’Eurasie, où se joue
l’avenir du monde. Cette maîtrise repose
sur la sujetion de l’Europe occidentale,
étroitement liée aux USA dans un
ensemble politico-économique occidental,
la communauté atlantique cadenassée par
l’OTAN. Jean THIRIART parlait de l’OTAN
« non comme d’un bouclier mais d’un
harnais pour l’Europe ». Elle repose
aussi sur l’isolement de la Russie qu’il
faut affaiblir irrémédiablement et
démembrer. Le danger
mortel pour les USA, puissance
extra-européenne à l’origine de par sa
situation même, serait d’être expulsée
d’Europe occidentale, sa tête de pont en
Europe. Dans cet objectif, tout
rapprochement de l’Europe et de la
Russie, toute union eurasienne, sans
même parler de fusion comme l’évoquait
THIRIART et notre « Ecole
Euro-soviétique » de Géopolitique
(1982-1992), doit être empêchée par tous
les moyens. Zbigniew BRZEZINSKI écrit :
“L’Europe est la tête de pont
géostratégique fondamentale de
l’Amérique. Pour l’Amérique, les enjeux
géostratégiques sur le continent
eurasien sont énormes. Plus précieuse
encore que la relation avec l’archipel
japonais, l’Alliance atlantique lui
permet d’exercer une influence politique
et d’avoir un poids militaire
directement sur le continent. Au point
où nous en sommes des relations
américano-européennes, les nations
européennes alliées dépendent des
Etats-Unis pour leur sécurité. Si
l’Europe s’élargissait, cela accroîtrait
automatiquement l’influence directe des
Etats-Unis. A l’inverse, si les liens
transatlantiques se distendaient, c’en
serait finit de la primauté de
l’Amérique en Eurasie.” Tout ceci est
plus que jamais actuel. Et les discours
simpliste sur le « recentrage
géopolitique sur le pacifique » sont une
erreur grave d’appréciation. Ce qui fait
la superpuissance américaine, depuis
1945, c’est l’addition des deux
économies nord-américaine et européenne.
Les guerres au Sahel ou contre la
Jamahiriya libyenne, comme celles contre
l’Afghanistan et l’Irak, sans oublier
celle en cours contre la Syrie
ba’athiste, sont avant tout des «
guerres contre la Grande-Europe », pour
reprendre les termes du Général Von
Lohausen, le géopoliticien allemand ami
de Jean Thiriart. Une guerre menée par
les collaborateurs « européens » de
Washington, les politiciens de l’OTAN et
de son appendice politique, la pseudo
UE. Une UE qui a
échangé un projet pacifique pour un
environnement géopolitique chaotique et
déstabilisateur, qui ne profite qu’à
Washington, Tel-Aviv, leurs alliés «
arabes » et quelques multinationales.
LM
http://www.facebook.com/notes/luc-michel-pcn/-luc-michel-focus-geopolitique-grand-moyen-orient-2-le-grand-jeu-entre-les-usa-l/546690718683919
PS : je reviendrai prochainement sur ce
sujet important dans deux autres
parties, où j’évoquerai particulièrement
les bases théoriques du plan américain
pour la domination du XXIe siècle :
* le « projet du Croissant
chiite », projet géopolitique américain,
connexe et complémentaire à celui du
« Grand Moyen Orient »…
* la théorie géopolitique dite « du
chaos ».
(1) Luc MICHEL,
FOCUS / GEOPOLITIQUE & GRAND
MOYEN-ORIENT (1) : LES ARABES DE
WASHINGTON – OCI ET LIGUE ARABE – ET
L’ISOLEMENT DE L’IRAN,
sur :
http://www.elac-committees.org/2012/08/18/luc-michel-focus-geopolitique-grand-moyen-orient-1-les-arabes-de-washington-%e2%80%93-oci-et-ligue-arabe-%e2%80%93-et-l%e2%80%99isolement-de-l%e2%80%99iran/
(2) Luc MICHEL,
PSEUDO REVOLUTIONS DE COULEUR ET
SOI-DISANT PRINTEMPS ARABE : LES COUPS
D’ETAT DES USA A L’EST ET EN ORIENT
DECRYPTES,
sur :
http://www.elac-committees.org/2012/09/28/pcn-info-pseudo-revolutions-de-couleur-et-soi-disant-printemps-arabe-les-coups-d%e2%80%99etat-des-usa-a-l%e2%80%99est-et-en-orient-decryptes/
(3) Le général et
géopolitologue autrichien Lohausen
(1907-2002), ancien membre de l’Etat
major du Maréchal Rommel, proche des
patriotes anti-nazis du 20 juillet 1944,
s’inscrit dans la suite des thèses
géopolitiques de Jean Thiriart sur «
l’Europe de Vladivostok à Dublin ». Le
livre principal de géopolitique du
général, MUT ZUR MACHT. DENKEN IN
KONTINENTEN s’inscrit dans l’Ecole
d’HAUSOFER, mais reprend aussi de
nombreuses conceptions de THIRIART.
LOHAUSEN parle notamment de « l’Europe
de Madrid à Vladivostok ».
(4) Disciple de
Henry KISSINGER et adepte de la “real
politique” comme lui, BRZEZINSKI,
d’origine polonaise, est expert au
Center for
Strategic and International
Studies
(Washington DC) et professeur à
l’Université Johns Hopkins de Baltimore.
Il fut conseiller du président des
Etats-Unis de 1977 à 1981. Depuis 2007,
il est – avec le financier
Georgy
Söros – l’un des
deux mentors d’Obama.
Photos : Clinton en
visite à Tripoli, le 19 octobre 2011,
accueillie sous les « allah akbar »
djihadistes par les katibas islamistes,
les milices de Tripoli de Habdelhakim
Belhadj - appointé « gouverneur
militaire de Tripoli » par les généraux
de l’OTAN, ex de Guantanamo et cadre
libyen d’Al-Qaida – et de Zintan de Ajmi
al-Atiri …
Le sommaire de Luc Michel
Les dernières mises à jour
|