EODE - International Elections
Monitoring
Rapport Côte
d'Ivoire (1) : Elections municipales et
régionales dans un pays coupé en deux
Luc Michel
Dimanche 21 avril 2013
Luc MICHEL pour EODE Press Office
avec AFP – Cameroon Voice – ELAC & ALAC
Website / 2013 04 21 /
http://www.facebook.com/EODE.monitoring
http://www.eode.org/category/eode-international-elections-monitoring/international-elections-survey/
La Côte d'Ivoire aux urnes pour un
scrutin local boycotté par le camp
Gbagbo … Deux ans
après la fin d'une crise post-électorale
sanglante, l’arrestation du président
Gbagbo et l’installation du régime
pro-occidental de Ouattara, les
Ivoiriens retournent aux urnes ce
dimanche pour des municipales et
régionales boycottées par le parti de
Laurent Gbagbo, symbole d'une
réconciliation en panne. Le pays est
profondément divisé, le climat de guerre
civile larvée restant dominant dans les
esprits. UN VOTE
CONTESTE DANS UN CLIMAT TROUBLE
Après une campagne « émaillée de
quelques échauffourées, de dérapages
verbaux et d'actes d'intimidation
dénoncés par l'ONU », dixit l’AFP,
quelque 5,7 millions d'inscrits sont
appelés aux urnes jusqu'à la clôture du
vote à 17H00 dans la première puissance
économique d'Afrique de l'Ouest
francophone. A
Abidjan, les opérations de vote ont
démarré parfois une demi-heure ou une
heure après l'ouverture officielle fixée
à 07H00 (locales et GMT), en raison de
retards dans l'installation du matériel
ou des agents électoraux. Plusieurs
dizaines de personnes attendaient leur
tour devant certains centres.
Premier à voter dans une école primaire
du quartier populaire d'Adjamé (nord),
Kolotialaman Coulibaly, étudiant, a
indiqué à l'AFP – qui privilégie
visiblement les témoignages des
anti-Gbagbo - chercher un maire qui
"donne de l'emploi aux jeunes car le
chômage est très très fort". A Bouaké,
la grande ville du centre du pays,
Robert Kouladé, chef communautaire, a
voté avec un espoir: que "les Ivoiriens
tirent les leçons du passé pour éviter
tout dérapage afin qu'on puisse
emprunter la voie de la démocratie
vraie".
A Adjamé, Zakaria Touré, un jeune
chauffeur, a voté pour le candidat du
Rassemblement des républicains (RDR)
d'Alassane Ouattara, installé au palais
présidentiel depuis la fin de la crise
postélectorale de décembre 2010-avril
2011 ayant fait quelque 3.000 morts.
Mais ce partisan du pouvoir regrette
l'absence des fidèles de Laurent Gbagbo.
"Franchement ça me fait mal", a-t-il
confié, las des "palabres". "Il faut
qu'on ait la réconciliation, on n'a qu'à
se parler, nous tous".
"MASCARADE" POUR LE PARTI DE GBAGBO
Le Front populaire ivoirien (FPI), parti
de l'ancien chef de l'Etat qui avait
déjà boudé les législatives fin 2011, a
vu dans ces locales une "mascarade".
Il avait exigé, en vain, du nouveau
régime une réforme de la commission
électorale ainsi qu'une amnistie pour
les crimes commis durant la crise de
2010-2011 et la libération de ses
leaders emprisonnés, à commencer par
Laurent Gbagbo, détenu à La Haye par la
Cour pénale internationale (CPI), qui le
soupçonne de « crimes contre
l'humanité ». Un procès sous haute
tension où la défense de Gbagbo met à
mal l’accusation et où même la
procureur-général de la CPI a été prise
la main dans le sac dans une
manipulation de preuves photographiques
(prises dans un autre pays) …
"Aucun militant du Front populaire
ivoirien (FPI) ne doit en aucune manière
prendre part à ces élections", a affirmé
Richard Kodjo, secrétaire général par
intérim et porte-parole du FPI, dans une
déclaration à la presse le 21 mars
dernier.
Selon ce responsable, le boycottage doit
se décliner ainsi: "ne figurer sur
aucune liste ni faire campagne pour une
liste, encore moins voter, sous peine de
s'exposer aux sanctions disciplinaires
prévues par nos textes". "Le FPI ne
reconnaîtra pas les résultats de cette
mascarade électorale", a averti M. Kodjo,
dénonçant "l'incompétence et
l'illégalité de la Commission électorale
indépendante (CEI) devenue caduque et
illégale après les législatives de
2011". Cette
décision du parti de M. Gbagbo, qui
avait déjà boycotté les législatives fin
2011, sanctionne l'échec du "dialogue
politique" ouvert mi-janvier par le
gouvernement du président Alassane
Ouattara avec le FPI.
Ces discussions avaient « pour
but de créer les conditions d'une
participation du principal parti
d'opposition aux élections locales, et
de favoriser la réconciliation après la
crise postélectorale de décembre
2010-avril 2011, qui a fait quelque 3.
000 morts ». Selon
le porte-parole du FPI, "les conditions
d'un scrutin juste, transparent,
équitable et inclusif" ne sont pas
réunies, et les autorités ont choisi
d'"exclure le FPI du jeu électoral".
Outre une réforme de la CEI, le parti
réclamait une "réconciliation par le
sommet" au moyen d'une rencontre entre
Alassane Ouattara et Laurent Gbagbo,
détenu depuis fin 2011 à La Haye. Le FPI
plaideait aussi pour une amnistie
générale pour les crimes perpétrés
durant ces événements.
Le régime Ouattara a exclu dans
l'immédiat l'adoption d'une loi
d'amnistie. Il donne la priorité aux
procédures judiciaires, qui pour l'heure
ne visent que des partisans de l'ancien
pouvoir, alimentant des critiques
récurrentes contre une "justice des
vainqueurs". Le FPI
a eu difficile à imposer ce boycott et a
toutefois dû annoncer la suspension de
15 de ses membres, dont plusieurs maires
sortants, qui ont participé à la
campagne en dépit de ses consignes. De
petits partis pro-Gbagbo ont aussi
annoncé qu'ils participeraient aux
élections locales.
UNE CAMPAGNE SUR FOND DE DIVISIONS DANS
LE CAMPS OUATTARA ET DE GUERILLA ARMEE
En l'absence du FPI, la crispation a
concerné surtout durant la campagne les
relations entre les alliés au pouvoir,
le RDR et le Parti démocratique de Côte
d'Ivoire (PDCI) de l'ex-chef d'Etat
Henri Konan Bédié, qui concourent en
rangs dispersés en de nombreux endroits.
Pour le vote, les craintes de troubles
concernent notamment Abidjan, Séguéla
(nord-ouest) et l'Ouest, région la plus
instable et de nouveau en proie en mars
à des attaques meurtrières d'hommes
armés. Car la guerre civile armée n’a
pas totalement disparu.
Selon une source onusienne, « la mission
des Nations unies dans le pays (Onuci)
s'est aussi inquiétée du fait que
certains hauts cadres de l'armée
ivoirienne aient "soutenu de façon
flagrante des candidats du RDR" ces
derniers jours ».
LES ENJEUX POUR LE REGIME OUATTARA
Le taux de participation sera l'un des
enjeux des élections, les dernières
avant la présidentielle de 2015 à
laquelle, sauf surprise, Alassane
Ouattara devrait se représenter.
Avant la présidentielle de 2015, ces
scrutins doivent permettre de tester la
mobilisation des partisans du chef de
l'Etat Alassane Ouattara, installé au
terme d'une crise postélectorale ayant
fait environ 3. 000 morts entre décembre
2010 et avril 2011.
Le chef de l'Etat se flatte « d'avoir en
deux ans replacé la Côte d'Ivoire sur la
scène internationale après une décennie
de tourmente, fait largement progresser
la sécurité et redémarrer l'économie ».
Mais la réalité est toute autre. Selon
l’AFP, pourtant peu favorable à l’ancien
président Gbagbo, « La pauvreté tarde à
reculer, l'ampleur de la corruption est
régulièrement dénoncée et le régime est
accusé de privilégier une "justice des
vainqueurs", aucune figure du camp
Ouattara n'ayant été inquiétée pour les
graves crimes commis durant la dernière
crise ». La
commission électorale estime pouvoir
annoncer les résultats complets du
double scrutin d'ici le milieu de la
semaine prochaine.
Nous reviendrons alors sur ce dossier
pour une seconde partie.
Luc MICHEL
http://www.eode.org/eode-international-elections-monitoring-rapport-cote-divoire-1-elections-municipales-et-regionales-dans-un-pays-coupe-en-deux/
https://www.facebook.com/notes/eode-international-elections-monitoring/-eode-international-elections-monitoring-rapport-cote-divoire-1-elections-locale/640235889324966
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