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Analyse
La destruction de l'Etat palestinien
Khaled Amayreh
Des officiers de la police israélienne et
de la police des frontières empêchent une Palestinienne
d’entrer chez des proches dont la maison doit être démolie à
Jérusalem Est.
Dimanche 18 juillet 2010
Pendant que le reste du monde papote sur
le processus de paix, et que le président Barack Obama suscite
de faux espoirs d’une résolution du conflit israélo-palestinien,
Israël travaille à marche forcée pour créer des faits accomplis
à Jérusalem Est occupée ainsi que dans toute la Cisjordanie. Ces
faits, qui prennent la forme de dizaines de milliers de
logements pour les colons juifs construits partout dans la ville
occupée et au-delà, sont en train de changer les
caractéristiques démographiques et le panorama d’ensemble de
Jérusalem Est.
Jérusalem n’est pas juste une autre ville. Elle est extrêmement
sacrée pour plus de 1,5 milliards de musulmans à travers le
monde, abrite quelques-uns des lieux les plus saints de l’Islam.
Par conséquent, la judaïsation progressive de la ville par
Israël est susceptible de compliquer considérablement tout
effort futur pour trouver un règlement pacifique au conflit.
Un intellectuel palestinien disait de la situation à Jérusalem
que « c’est maintenant un conflit ouvert similaire à la lutte
des musulmans pour débarrasser la ville des Francs aux 11ème et
12ème siècles. » « Cette lutte peut prendre plusieurs
décennies, voire un siècle ou plus, mais elle se terminera par
le démantèlement ou la destruction de quelque chose appelé
Israël, » a déclaré un habitant d’Hébron, au sud de la
Cisjordanie.
Dans un entretien approfondi avec Al-Ahram Weekly, le
cartographe et expert en démographie Khalil Tufakji soutient de
manière convaincante que la situation à Jérusalem Est a déjà
atteint le point de non retour. « Si quelqu’un vous dit que
c’est toujours possible d’avoir un Etat palestinien avec
Jérusalem pour capitale, ne le croyez pas. C’est plus un
fantasme qu’une vision réaliste. C’est un mantra totalement
détaché de la réalité. »
Tufakji expliquait qu’Israël a déjà confisqué 87% de Jérusalem
Est, ne laissant que la partie bâtie, qui n’excède pas 13% de la
ville saisie par Israël en 1967. « Même ce petit secteur est
soumis au harcèlement quotidien incessant d’Israël dans le but
de nous obliger à abandonner nos biens pour les intérêts des
colons juifs. »
Tufakji soulignait qu’Israël a adopté deux plans visant à
finaliser le processus qui consiste à faire de Jérusalem la
capitale éternelle et indivisible d’Israël. Le premier plan est
appelé Jérusalem 2020 et projette la construction de plus
de 58.000 logements coloniaux dans les limites de Jérusalem Est
d’ici 2020. Le second plan, connu sous le nom de Jérusalem
30/A, envisage une croissance de la population juive par
dizaines de milliers pour faire des Palestiniens une petite
minorité rétrécie dans leur propre ville.
« Ils ont l’intention de faire de Jérusalem une ville
privilégiée, une ville qui attirera les juifs de partout. Et
pour mettre en œuvre cette vision, ils offrent de nombreuses
incitations, dont de grosses réductions d’impôt, des conditions
de logement facilitées, des prêts hypothécaires ainsi qu’une
infrastructure renforcée et des possibilités d’emploi
intéressantes. »
Tufakji dit qu’Israël projette aussi de repousser les limites de
la ville dans toutes les directions au point que la population
arabe n’excèdera pas 12%, tandis que la population juive
attendra un 88% sans précédent. La réalisation de ce plan
provocant prendra la forme d’une campagne de nettoyage ethnique
de la démographie arabe à Jérusalem.
« Leur tactique consiste à confiner le plus d’habitants
arabes possible sur la plus petite surface de terre possible. En
plus, ils accélèreront considérablement les démolitions des
maisons arabes et retireront leurs droits de résidence à autant
de Jérusalémites de l’est que possible pour vider la ville de
ses citoyens arabes et gommer son identité arabo-musulmane.
»
Israël a déjà privé de leurs droits à la résidence 70.000
résidents arabes, en concoctant toute une flopée de prétextes et
de justifications, comme le fait d’avoir voyagé à l’étranger ou
d’être impliqué dans de vagues violations de la sécurité. Depuis
1994, Israël a démoli près de 1.000 grands immeubles à Jérusalem
Est.
Tufakji a souligné que la pression israélienne continue, couplée
avec la politique israélienne de rétrécissement des horizons
arabes, a provoqué la diminution de la population arabe de la
ville intra-muros à 175.000 habitants, alors que la population
juive a grimpé à plus de 200.000. Al Ahram Weekly a
demandé à Tufakji s’il pensait que l’Autorité palestinienne
jouait sur le temps en ce qui concerne le sauvetage de
Jérusalem.
« Malheureusement, il est trop tard pour Jérusalem à l’heure
actuelle. D’autres disent que c’est la même chose pour la
Cisjordanie. En dernière analyse, nous parlons de faits
objectifs, sur le terrain. Pour simplifier les choses pour vos
lecteurs, je peux dire qu’Israël a tué la possibilité d’un
véritable Etat palestinien. Et si quelqu’un vous dit que
Jérusalem sera la capitale d’un futur Etat palestinien, ne le
croyez pas. »
Tufakji a ajouté qu’Israël, sous couvert de pourparlers de paix
malhonnêtes avec une direction palestinienne faible et
démoralisée, était en train de changer la face des territoires
palestiniens occupés à un point tel que toute entité
palestinienne qui pourrait être établie serait « gravement
déformée » et « serait très, très laide. » « Il
est vrai que je ne suis pas un homme politique, mais nul besoin
d’être un grand politicien pour voir les faits et la situation
scandaleuse ici. »
Cette semaine, des sources israéliennes ont rapporté que le
président des Etats-Unis Barack Obama et le premier ministre
israélien Benjamin Netanyahu ont convenu qu’Israël pourrait
continuer son expansion coloniale mais sans en faire d’annonces
publiques.
Le 12 juillet, le quotidien israélien Haaretz a rapporté
que le Comité de planification municipale de Jérusalem a
approuvé la construction de 32 nouveaux logements coloniaux à
Jérusalem Est. L’article cite un membre du comité : « Nous
continuerons à construire partout, et dans chaque quartier de
Jérusalem. »
Netanyahu, qui vient juste de terminer une « visite
fructueuse à Washington, » a assuré ses partenaires
pro-colonies de la coalition qu’il ne prolongerait pas le
moratoire sur l’expansion de la construction coloniale qui doit
expirer le 27 septembre. Selon les médias israéliens, Netanyahu
a dit qu’ « une promesse est une promesse, une date est une
date et un objectif est un objectif. »
Pendant ce temps, la direction palestinienne à Ramallah continue
de tergiverser sur l’opportunité de reprendre des pourparlers
directs avec Israël, comme réclamé par Netanyahu et exigé par
Obama.
Avec des pourparlers directs qui ont duré des années sans aucun
résultat, on peut se demander ce qui maintenant pourrait
convaincre les Palestiniens d’accorder une nouvelle chance aux
négociations.
Source :
Al Ahram
Traduction : MR pour ISM
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jour
Publié le 19 juillet 2010 avec l'aimable autorisation d'ISM.
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