Tribune
Abdelbari Atwan ou
le crépuscule d'un baroudeur
Karim Ben Slimane
Photo:
Kapitalis
Vendredi 12 juillet 2013
Le fondateur et
rédacteur en chef d'''Al Qods Al Arabi'',
Abdelbari Atwan a annoncé son départ
surprise après 25 ans de loyaux
services. Il nous manquera sans doute,
et avec lui cette lumière d'intelligence
et de conscience d'un monde arabe en
perdition.
Par Karim
Ben Slimane*
Je ne suis pas certain que la
nouvelle ait eu un quelconque
retentissement dans les esprits des
Tunisiens ni qu'elle soit dans l'absolu
susceptible d'intéresser quiconque dans
le vacarme de la politique politicienne
et en pleine saison de vices et caprices
ramadanesques et estivaux. Abdelbari
Atwan, rédacteur en chef du journal
londonien de langue arabe ''Al Qods
Al Arabi'', a annoncé dans un édito
publié le 9 juillet, à la surprise
générale de son lectorat et de son
équipe, son départ du journal qu'il a
créé il y a 25 ans.
La nouvelle est importante car elle
nous donne sans doute l'occasion de
réfléchir sur la presse arabe sur son
présent et son devenir. ''Al Qods Al
Arabi'' est sans conteste un
journal emblématique dans le paysage
indigent et mièvre de la presse arabe
écrite. Emblématique car il est lu par
les Arabes du monde entier ceux dans
l'exil mais aussi ceux dont le
gouvernement offre une portion congrue
de liberté d'expression. Au fil du temps
il a pu séduire un large spectre de
plumes libres et rebelles des quatre
coins du monde arabe. Chacun en parlant
de son pays et de sa situation parlait à
tous les Arabes transcendant les
frontières factices et interrogeant
subtilement le for intérieur de l'être
arabe.
Le mythe fondateur d'''Al Qods Al
Arabi'' que Abdel Bari Atwan a su
incarner a été le remembrement de la
personnalité arabe autour du rêve de
reconquérir Al Qods. Ce journal a été le
microcosme intellectuel virevoltant d'un
monde arabe en léthargie. Il est pour ce
même monde arabe, ce que la brise est
dans le désert, aussi vite elle vous
caresse la joue elle s'estompe pour vous
ramener brutalement à la dure réalité de
la perte de tout. Car lire ''Al Qods
Al Arabi'' procure un sentiment
souvent coupable qu'il est possible
d'être Arabe. Piqures de rappel
régulières mais savamment dosées de
sujets qu'on aimerait oublier car on
pense qu'ils nous accablent et nous
clouent au sol tant nous avons
l'impression qu'ils sont insolubles.
Palestine, Iraq, Soudan, dictatures,
banqueroute morale, ignorance en action
et surtout une infertilité
intellectuelle criante des sujets dont
nous nous sommes lassés, alors qu'ils
sont pourtant la preuve vivante de notre
longue agonie.
La tranquillité de l'esprit est
souvent oublieuse. L'existence est,
quant à elle, inquiète et inquiétante.
Nous sommes nés dans la détestation de
ce que nous sommes et nous nous
évertuons à tenter d'être ailleurs.
L'évitement est le chemin le plus sûr
vers la tranquillité. Ainsi sommes-nous
devenus des étrangers à notre propre
langue et culture. J'en suis une preuve.
Lire ''Al Qods Al Arabi'' est un
exercice inquiétant. La lumière au bout
d'un tunnel obscure donne de l'espoir
mais décourage vite car le chemin, même
s'il en existe un, peut être
interminable. C'est dans l'absence de
cette lumière que nous avons grandi et
c'est sa présence qui nous inquiète.
Certains penseurs et médias ont pris
acte de l'absence de cette lumière, ''Al
Qods Al Arabi'' l'a au contraire
entretenu. Aujourd'hui son grand témoin
quitte le navire et nous nous
interrogeons, la lumière sera-t-elle
toujours là?
*Spectateur rigolard.
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Kapitalis. Tous droits réservés
Publié le 12 juillet 2013 avec l'aimable
autorisation de Kapitalis
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