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Le Quotidien d'Oran
« Journalistes
ennemis »
K. Selim
Mercredi 7 avril 2010
Le site d'information Wikileaks.org a diffusé les images de la
mise à mort de journalistes de l'agence Reuters par un
hélicoptère américain lors d'un raid à Bagdad en juillet 2007.
La bande-son est sans doute plus accablante que les images,
pourtant spectaculaires, du carnage.
Les pilotes de l'hélicoptère Apache expriment leur impatience à
faire usage de leurs armes et se réjouissent de manière obscène
des cadavres d'Irakiens qui jonchent les rues après leur
passage. Telle est la réalité des «libérateurs» selon George W.
Bush. A la décharge de ce dernier, il est vrai que toutes les
guerres d'invasion ne sont pas une promenade de dames
patronnesses et que les armées d'occupation sont rarement
constituées de preux chevaliers.
L'histoire des guerres coloniales, hélas, n'est pas avare
d'anecdotes sur l'avilissement de ceux qui sont chargés de mener
des guerres injustes. Soldats de métier ou mercenaires par temps
de guerres privatisées, fantassins ou pilotes d'hélicoptères,
les petites mains de la guerre occidentale ont souvent pour
seuls faits d'armes des morts d'innocents. La confusion entre
cibles légitimes et civils innocents est le code moral des
guerres impériales, où l'objectif proclamé ne correspond jamais
aux intentions des envahisseurs.
Sans remonter très loin dans l'histoire, on l'a vu au Viêt-Nam
et au Liban. On le voit aujourd'hui en Palestine, en Irak ou en
Afghanistan. Dans ce malheureux pays, des milliers de civils
sont les victimes innocentes d'armées modernes dotées
d'instruments de précision. Dans ce conflit aux enjeux
multiples, les erreurs de tir semblent être la règle. La
multiplication des dommages collatéraux, alors même que les
troupes occidentales sont dotées d'équipements sophistiqués,
indique bien la nature intrinsèquement abjecte des guerres
asymétriques. On tire de très loin sur tout ce qui bouge plutôt
que de prendre le risque d'approcher et d'être certain de viser
un ennemi légitime.
«Fire and forget» - tire et oublie - est le principe des armes
téléguidées actionnées à grande distance de la cible.
L'affrontement ainsi radicalement déshumanisé s'apparente à un
jeu vidéo et implique d'autant moins la conscience de ces
«guerriers» que les morts ne sont, par définition de la
propagande omniprésente, que des barbares infrahumains.
Dans ces conflits déséquilibrés, ce sont les mieux armés qui
ont érigé la couardise en règle d'engagement. La généralisation
des bavures est également révélatrice de la propension des
armées civilisées à tuer des journalistes. Toujours par erreur,
bien entendu. A se demander d'ailleurs, comme le font des
journalistes américains, si les images diffusées sur ce site
internet n'ont pas pour objectif d'accréditer la thèse de la
bavure pour mieux occulter la réalité d'assassinats prémédités.
Les guerres asymétriques sont d'abord des guerres
d'intoxication et de manipulation de l'opinion. En Irak, l'armée
américaine avait systématisé le journalisme «embarqué»,
contrôlant ainsi la presse à la source. On peut légitimement
penser que tous ceux qui n'étaient pas «embarqués» dans la
stratégie de communication pouvaient être considérés comme des
journalistes ennemis…
En tout état de cause, ces images sont une pièce de plus dans
le procès qui sera tôt ou tard intenté aux va-t-en-guerre de
«l'axe du bien».
Dossier Irak
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