The
Electronic Intifada
Diviser
pour régner, dans le style israélien
Jonathan
Cook
The
Electronic Intifada, 26 juin 2007
http://electronicintifada.net/v2/article7059.shtml
Le
boycott de l’Autorité Palestinienne par Israël et la communauté
internationale leur a finalement sauté au visage avec la récente
et sanglante prise de contrôle de Gaza par le Hamas. C’est du
moins le raisonnement de Gideon Lévy, une des voix les plus sensées
qui se puissent encore trouver en Israël. « Affamer, assécher
et bloquer l’aide ne flétrit pas les consciences ni
n’affaiblit les mouvements politiques. Au contraire… La réalité
a réfuté le chœur des experts et des commentateurs qui prêchaient
la politique de boycott. L’idée stupide qu’il est possible de
faire tomber un gouvernement élu en exerçant des pressions sur
une population impuissante a essuyé un échec complet. »
Mais
Lévy se serait-il trompé ? Les visages de politiciens israéliens
et américains, y compris ceux d’Ehoud Olmert et George W. Bush,
ne paraissent nullement assombris. Au contraire. Au cours de la
quinzaine écoulée, on les a vus et entendus plus satisfaits
d’eux-mêmes que jamais.
Le
problème avec l’analyse de Lévy est qu’elle suppose qu’Israël
et les Etats-Unis attendaient des sanctions qu’elles conduisent
à la chute du Hamas, soit en amenant le Fatah à prendre le
dessus au point de pouvoir donner le coup de grâce au
gouvernement palestinien, soit en poussant des Palestiniens
ordinaires à se soulever et à exiger que leur précédent choix
électoral soit inversé et que le Fatah soit réinstallé. Bref,
Lévy, comme la plupart des observateurs, présume que la
politique visait à imposer un changement de régime.
Et
si tel n’était pas le but des sanctions ? Dans ce cas,
quels objectifs Israël et les Etats-Unis ont-ils poursuivis ?
Le
parallèle entre l’Irak et Gaza peut être instructif. Après
tout, l’Irak est la seule autre expérience occidentale de
sanctions appliquées pour affamer une nation. Et nous savons tous
où cela a conduit : à un ancrage encore plus profond du
pouvoir de Saddam Hussein.
Il
est vrai que les circonstances diffèrent, en Irak et à Gaza :
la plupart des Irakiens voulaient le départ de Saddam sans avoir
les moyens d’opérer un changement, tandis que la plupart des
Gazaouis voulaient la participation du Hamas et l’a amenée en
votant pour lui aux élections de l’année dernière. Il se peut
néanmoins que les Etats-Unis et Israël aient tiré un
enseignement différent de l’expérience des sanctions en Irak.
De
manière intentionnelle ou non, les sanctions se sont révélées
un instrument très efficace dans la destruction des liens
internes qui faisaient tenir ensemble la société irakienne. La
misère et la faim sont de puissantes incitations à s’en
prendre à son voisin aussi bien qu’à son ennemi. Une société
dans laquelle les ressources – nourriture, médicaments, eau et
électricité – viennent à manquer est aussi une société où
chacun pense à soi. C’est une société qui, avec un petit coup
de pouce, peut facilement être amenée à se déchirer.
Et
c’est précisément ce que les Américains ont commencé à
manigancer après leur invasion « shock and awe »
(choc et effroi) de 2003. Contrairement aux précédentes
interventions américaines à l’étranger, Saddam n’a pas été
renversé pour être remplacé par un autre homme fort –
davantage du goût de l’Occident. Au lieu d’un changement de régime,
nous avons eu droit à un renversement de régime. Ou comme l’a
exprimé Daniel Pipes, un des idéologues néoconservateurs de
l’attaque contre l’Irak, le but était « limité à la
destruction de la tyrannie, sans parrainer son remplacement…
S’occuper de l’Irak n’est ni de la responsabilité de la
coalition, ni son fardeau. »
A
la place de Saddam, les Américains ont créé un abri sûr connu
sous le nom de Zone Verte, à partir duquel leur régime
d’occupation peut vaguement maintenir l’ordre dans le pays et
superviser le vol du pétrole irakien, tout en regardant
tranquillement la spirale d’une guerre civile sectaire entre les
populations sunnite et chiite échapper à tout contrôle et décimer
la population irakienne.
Qu’espérait
accomplir Washington ? Pipes en offre un indice : « Lorsque
des terroristes sunnites visent des Chiites et vice-versa, les
non-musulmans [autrement dit les forces américaines
d’occupation et leurs alliés] risquent moins d’être
atteints. Bref, une guerre civile en Irak constituerait une tragédie
humanitaire mais pas stratégique. » En d’autres termes,
il était préférable de rendre possible une guerre civile en
Irak plutôt que de permettre aux Irakiens de s’unir et
d’organiser une résistance efficace à l’occupation américaine.
Après tout, les morts irakiens – au moins 650.000 selon le
dernier décompte réaliste – sont pour ainsi dire sans valeur,
alors que la vie des soldats américains se paie par des motions
appelant au retour à la maison.
Pour
la cabale néocon qui se cache derrière l’invasion de l’Irak,
une guerre civile semblait offrir deux résultats avantageux.
Tout
d’abord, elle érodait la solidarité entre Irakiens ordinaires,
épuisant leurs énergies et les rendant moins susceptibles de
rejoindre ou de soutenir la résistance à l’occupation.
L’insurrection est restée la source d’une terrible irritation
pour les forces américaines mais sans constituer le coup fatal
que cela aurait été si Sunnites et Chiites avaient combattu côte
à côte. Résultat : le vol des ressources irakiennes a été
facilité.
Deuxièmement,
à long terme, une guerre civile rend inévitable un lent
processus de partition communautaire et de nettoyage ethnique.
Quatre millions d’Irakiens auraient été contraints de quitter
le pays ou de fuir leurs maisons. L’Irak est en cours de
morcellement en petits fiefs ethniques et religieux qu’il sera
plus commode de gérer et de manipuler.
Est-ce
là le modèle pour Gaza maintenant et plus tard pour la
Cisjordanie ?
Il
vaut la peine de rappeler que ni Israël ni les Etats-Unis n’ont
poussé à un allègement des sanctions contre l’Autorité
Palestinienne après la formation, au début de cette année, du
gouvernement d’unité nationale du Hamas et du Fatah. En fait
les Etats-Unis et Israël ont eu bien de la peine à cacher leur
panique devant ce développement. L’accord de la Mecque sitôt
signé, les comptes-rendus des efforts investis par les Etats-Unis
dans l’entraînement et l’armement des forces armées du Fatah
fidèles au Président Mahmoud Abbas ont fait la matière
principale des journaux.
Le
soutien américain au Fatah ainsi que des arrestations
continuelles de parlementaires du Hamas en Cisjordanie ont eu pour
effet cumulé d’amener les relations déjà tendues entre Hamas
et Fatah au point de rupture. Lorsque le Hamas a appris
qu’encouragés par les Etats-Unis, le chef de la sécurité d’Abbas,
Mohammed Dahlan, préparait un coup de force contre lui à Gaza,
il a tiré le premier.
Le
Fatah a-t-il réellement cru pouvoir lancer un coup de force à
Gaza, étant donnée l’évidente faiblesse de ses forces là-bas,
ou bien la rumeur d’un possible coup de force par le Fatah n’était-elle
guère plus qu’un effet imprimé par les Etats-Unis et Israël,
destiné à miner la confiance du Hamas à l’égard du Fatah et
à perdre le gouvernement d’unité ? Abbas et Dahlan espéraient-ils
vraiment renverser le Hamas, ou étaient-ils les idiots utiles
dont les Etats-Unis et Israël avaient besoin ? Voilà des
questions qui pourraient avoir à être tranchées par les
historiens.
Mais
comme les empreintes digitales d’Elliot Abrams, l’un des néocons
ayant la plus grande longévité au sein de l’administration
Bush, se retrouvent en tous points de cet épisode, nous pouvons
présumer que ce que Washington et Israël projettent pour les
Palestiniens aura de fortes similitudes avec ce qui a été
entrepris en Irak.
En
manigançant la destruction du gouvernement d’unité, Israël et
les Etats-Unis se sont assurés qu’il n’y aurait pas de risque
d’émergence d’un nouveau consensus palestinien, du genre à
pouvoir acculer Israël à des pourparlers de paix. Un
gouvernement d’unité aurait pu trouver une formule offrant à
Israël :
·
une reconnaissance limitée à
l’intérieur des frontières d’avant 1967 en échange de la
reconnaissance d’un Etat palestinien et de l’intégrité
territoriale de la Cisjordanie et de Gaza ;
·
un cessez-le-feu à long terme en
échange de la cessation par Israël de sa campagne de violence
constante et de violations incessantes de la souveraineté
palestinienne ;
·
et un engagement à honorer les
accords passés en échange de quoi Israël se conformerait aux résolutions
de l’ONU et accepterait une solution juste pour les réfugiés
palestiniens.
Après
des décennies de mauvaise foi israélienne et de rancœur
croissante entre Fatah et Hamas, les chances de trouver un terrain
d’entente pour faire une telle proposition auraient, il faut le
reconnaître, été minces. Mais aujourd’hui elles sont
inexistantes.
C’est
exactement ce que veut Israël, parce qu’il na aucun intérêt
à des pourparlers de paix sérieux avec les Palestiniens ni à un
accord définitif. Israël entend seulement imposer des solutions
conformes à ses intérêts qui sont de s’assurer le maximum de
terres pour un Etat exclusivement juif et d’abandonner les
Palestiniens à un tel degré de faiblesse et de division qu’ils
ne seront jamais en mesure d’opposer un défi sérieux aux
diktats d’Israël.
Au
lieu de quoi, le triste pouvoir du Hamas sur le camp de
prisonniers appelé Gaza et le gouvernement corrompu du Fatah sur
les ghettos appelés Cisjordanie offrent à Israël et aux
Etats-Unis un modèle plus satisfaisant – et assez semblable à
l’Irak. Quelque chose comme le diviser pour régner du shérif
dans le Far West.
Tout
comme en Irak, Israël et les Etats-Unis se sont assurés
qu’aucun homme fort palestinien ne se lève pour remplacer
Yasser Arafat. Tout comme en Irak, ils encouragent la guerre
civile comme alternative à une résistance à l’occupation,
tandis que les ressources de la Palestine – de la terre et non
du pétrole – sont volées. Tout comme en Irak, ils provoquent
une partition permanente et irréversible, dans ce cas-ci entre la
Cisjordanie et Gaza, afin de créer des ghettos territoriaux plus
commodes à régir. Et tout comme en Irak, la réaction probable
du côté des Palestiniens est un extrémisme encore plus grand
qui minera leur cause aux yeux de la communauté internationale.
Où
cela mènera-t-il les Palestiniens ?
Israël
tire déjà les ficelles du Fatah avec une nouvelle habileté
depuis l’humiliation subie par celui-ci à Gaza. Abbas jouit à
présent des largesses d’Israël pour son régime corrompu de
Cisjordanie, dont la décision de libérer une part substantielle
des 700 millions de dollars de taxes dues aux Palestiniens (y
compris ceux de Gaza, bien sûr) et retenues par Israël depuis
des années. D’après les médias israéliens, le prix en a été
l’engagement pris par Abbas de ne pas envisager un retour au
sein d’un gouvernement d’unité avec le Hamas.
Le
but sera d’amener les tensions entre le Hamas et le Fatah au
point de rupture en Cisjordanie mais en s’assurant la victoire
du Fatah dans cette confrontation-là. Le Fatah est déjà plus
fort militairement et, avec le généreux parrainage d’Israël
et des Etats-Unis – comprenant de l’armement, de l’entraînement
et le possible retour de la Brigade Badr actuellement terrée en
Jordanie – il devrait être en mesure de mettre le Hamas en déroute.
Désirée depuis si longtemps par Israël, la différence de
statut entre Gaza et la Cisjordanie, sera alors complète.
Le
peuple palestinien a déjà été morcelé en une multitude de
circonscriptions. Il y a les Palestiniens sous occupation, ceux
qui vivent comme citoyens israéliens de seconde classe, ceux qui
sont autorisés à rester « résidents » de Jérusalem
et ceux qui sont dispersés dans des camps à travers le
Proche-Orient. Même à l’intérieur de ces groupes, il y a une
foule de sous-identités : réfugiés et non réfugiés ;
réfugiés inclus parmi les citoyens de leur pays d’accueil et
ceux qui sont exclus ; Palestiniens occupés vivant sous le
contrôle de l’Autorité Palestinienne et ceux qui vivent sous
gouvernement militaire israélien ; et ainsi de suite.
Israël
a maintenant bétonné la division peut-être la plus
significative de toutes : l’absolue et irréversible séparation
de Gaza et de la Cisjordanie. Ce qui s’applique à l’un ne
sera plus vrai pour l’autre. Chacun sera un cas séparé ;
leurs destins ne seront plus liés. L’un sera le Hamastan, comme
les Israéliens aiment à l’appeler, et l’autre le Fatahland,
avec des gouvernements distincts et un traitement différent de la
part d’Israël et de la communauté internationale.
Les
raisons pour lesquelles Israël préfère cet arrangement sont
multiples.
Premièrement,
la communauté internationale peut faire passer Gaza aux pertes et
profits, comme cas désespéré. Les médias israéliens sont
actuellement inondés de commentaires condescendants émanant de
l’establishment politique et militaire, sur la manière d’éviter
une crise humanitaire à Gaza, y compris par des largages de
l’aide par-dessus la « clôture de sécurité » de
Gaza – comme si Gaza était le Pakistan après un tremblement de
terre. A en juger par l’expérience du passé et les échos menaçants
venant du nouveau Ministre israélien de la Défense, Ehoud Barak,
ces colis alimentaires se mueront rapidement en bombes si Gaza ne
se tient pas tranquille.
Ainsi
que de hauts fonctionnaires israéliens et américains l’ont
formulé, la situation offre une nouvelle « clarté ».
Dans le Hamastan, les militants et les civils de Gaza peuvent être
pris pour cibles par Israël avec peu de discrimination et sans
provoquer de tollé de la communauté internationale. Israël aura
l’espoir que le message venant de Gaza ne sera pas perdu pour
les Palestiniens de Cisjordanie au moment de décider à qui
accorder leur soutien, au Fatah ou au Hamas.
Deuxièmement,
lors de leur rencontre, la semaine dernière, Olmert et Bush ont
relancé la discussion d’un Etat palestinien. Selon Olmert, Bush
« souhaite concrétiser, dans le temps de son mandat, le rêve
de la création d’un Etat palestinien ». Ils tiennent tous
deux beaucoup à faire de rapides progrès, signe assuré qu’il
y a malice. Assurément, ils savent qu’ils ne sont actuellement
soumis à aucune pression pour créer, en Cisjordanie et à Gaza,
l’Etat palestinien viable promis autrefois par le Président
Bush. Un Mahmoud Abbas en difficulté n’appellera pas à
l’inclusion de Gaza dans son fief-ghetto.
Troisièmement,
la séparation de Gaza d’avec la Cisjordanie peut être utilisée
pour insuffler une nouvelle vie au plan de convergence, plutôt défraîchi,
d’Olmert – s’il peut lui faire revêtir de nouveaux atours.
La convergence, qui demandait un retrait très limité des zones
de Cisjordanie fortement peuplées de Palestiniens tandis qu’Israël
annexait la plupart de ses colonies illégales et gardait la vallée
du Jourdain, fut officiellement abandonnée l’été dernier après
l’humiliation d’Israël par le Hezbollah.
Pourquoi
chercher à relancer la convergence ? Parce qu’elle est la
clé qui permet à Israël de s’assurer l’Etat-forteresse juif
dilaté qui constitue sa seule protection sûre contre la rapide
croissance démographique des Palestiniens qui l’emporteront
bientôt en nombre sur les Juifs, en Terre Sainte, et les peurs
d’Israël de pouvoir alors être comparé à l’Afrique du Sud
de l’apartheid.
L’establishment
de la sécurité israélienne a depuis longtemps mis en garde
contre le fait que si l’occupation se poursuivait sans
changement, les Palestiniens finiraient par ouvrir les yeux sur la
seule réponse réalisable : dissoudre l’Autorité
Palestinienne – la ruse la plus ingénieuse d’Israël pour
faire porter par le leadership palestinien la responsabilité de réprimer
la résistance à l’occupation – et contraindre par là Israël
à payer la note de l’occupation à la place de l’Europe. L’étape
suivante serait une lutte anti-apartheid en faveur d’un seul
Etat couvrant la Palestine historique.
C’est
pour cette raison que la séparation démographique d’avec les
Palestiniens est devenue la logique de toute initiative politique
israélienne majeure depuis Oslo – et y compris Oslo. La
convergence exige qu’il n’y ait pas perte de contrôle d’Israël
sur les vies palestiniennes, ce contrôle étant assuré par un réseau
de murs pratiquement achevé, des colonies, des routes de
contournement et des checkpoints, simplement un nouvel emballage
de leur occupation sous la forme d’un Etat.
La
plus grande objection qui est faite en Israël au plan d’Olmert
– tout comme au désengagement de Gaza qui y est lié – a été
l’inquiétude qu’une fois l’armée retirée unilatéralement
des ghettos palestiniens, les Palestiniens seraient libres de
lancer des attaques terroristes, y compris le tir de roquettes
depuis leurs prisons sur Israël. La plupart des Israéliens
n’envisagent évidemment jamais le rôle joué par
l’occupation dans incitation à de telles attaques.
Mais
Olmert peut croire avoir trouver un moyen de faire taire les
critiques intestines. Pour la première fois, il paraît sincèrement
tenir à amener ses voisins arabes à s’impliquer dans l’établissement
d’un « Etat » palestinien. Alors qu’il partait
cette semaine pour le sommet de Charm el-Cheikh devant réunir
l’Egypte, la Jordanie et Abbas, Olmert a déclaré qu’il
souhaitait « travailler conjointement à créer la
plateforme pouvant mener à un nouveau commencement entre nous et
les Palestiniens. »
Voulait-il
parler de partenariat ? Une source du cabinet du Premier
ministre a expliqué au Jerusalem
Post pourquoi ces trois pays et Abbas se rencontraient.
« Ce sont les quatre parties directement frappées par ce
qui se passe en ce moment, et ce qu’il faut c’est un niveau de
coopération différent entre elles. » Un autre porte-parole
s’est lamenté de l’échec à obtenir jusqu’ici la
participation des Saoudiens.
Cela
semble indiquer un changement radical dans le point de vue israélien.
Jusqu’ici, Tel Aviv considérait les Palestiniens comme un problème
domestique – après tout, ils se trouvent sur une terre qui, si
du moins il faut en croire la Bible, appartient légitimement aux
Juifs. Toute tentative visant à internationaliser le conflit était
dès lors repoussée avec acharnement.
Mais
le cabinet du Premier ministre israélien parle maintenant
ouvertement d’obtenir une implication plus directe du monde
arabe, non seulement dans son rôle habituel de médiateur avec
les Palestiniens, ni même simplement dans la surveillance des
frontières contre la contrebande, mais aussi pour faire la police
dans les territoires. Israël espère que l’Egypte, en
particulier, est aussi inquiète que Tel Aviv de l’émergence
d’un Hamastan à ses frontières et qu’elle peut être incitée
à employer la même politique répressive contre les islamistes
de Gaza que contre les siens propres.
De
même, le principal rival politique d’Olmert, Benjamin
Netanyahou, du Likoud, n’a pas seulement fait mention d’une
implication égyptienne à Gaza mais même une présence militaire
jordanienne en Cisjordanie. Les régimes arabes « modérés »,
comme Washington aime à les appeler, sont vus comme la clé
permettant de développer de nouvelles idées au sujet d’une
« autonomie » palestinienne et d’une « confédération »
régionale. Tant qu’Israël dispose d’un collaborateur en
Cisjordanie et d’un gouvernement infréquentable à Gaza, il
peut croire dans sa capacité d’acculer le monde arabe à
soutenir un tel « plan de paix ».
Quel
sens cela aura-t-il en pratique ? Il est possible, comme le
spécule Zvi Barel de Haaretz, que nous voyions l’émergence
d’une demi-douzaine de gouvernements palestiniens en charge des
ghettos de Gaza, Ramallah, Jénine, Jéricho et Hébron. Chacun
pourrait être encouragé à se lancer dans la concurrence pour
gagner la protection et l’aide des régimes arabes « modérés »,
mais à la condition qu’Israël et les Etats-Unis soient
satisfaits des performances de ces gouvernements palestiniens.
En
d’autres termes, Israël a l’air de ressortir encore un autre
plan pour administrer les Palestiniens et leur irritante obsession
de souveraineté. La dernière fois, sous Oslo, les Palestiniens
avaient été chargés de maintenir l’ordre de l’occupation
pour le compte d’Israël. Cette fois-ci, les Palestiniens étant
bouclés dans leurs prisons séparées travesties en Etat, Israël
peut croire être en mesure de trouver un nouveau geôlier pour
les Palestiniens : le monde arabe.
(Traduction
de l'anglais : Michel Ghys)
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