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Michel Collon
Irak
: interview d'un front de la résistance
John Catalinotto Interview
de Abou Muhammed, porte-parole tant du Parti socialiste arabe
baathiste en Irak que du Commandement suprême du Front de lutte
(djihad) et de libération de l’Irak (FSL), dont la constitution
a été annoncée le 2 octobre dernier. Ce front est l’une des
principales coalitions ou fronts d’organisations qui participent
à la Résistance nationale irakienne (INR) contre l’occupation
américaine. C’était la première série d’interviews d’un
représentant officiel d’une coalition majeure de la résistance
irakienne hors du Moyen-Orient. La Résistance
nationale irakienne réclame le retrait américain et la
reconnaissance
Publié le 20 octobre
http://www.workers.org/2007/world/iraq-1025/
Abou Muhammed est venu en Espagne pour répondre à l’invitation
du groupe CEOSI (iraqsolidaridad.org) et il y a tenu des réunions
médiatiques, politiques et institutionnelles.
Il existe d’autres coalitions qui regroupent également des
milliers de combattants de la résistance irakienne. Tout en
partageant un grand nombre d’objectifs identiques à ceux du
Front de lutte et de libération – et particulièrement
l’objectif consistant à chasser les États-Unis – ces autres
fronts peuvent avoir une évaluation différente de leur force
relative, du rôle précis de l’Iran, du rôle précis du parti
baathiste, etc. Il existe une possibilité de coopération suivie
et croissante entre ces fronts.
Ces fronts, toutefois, ne considèrent pas que l’armée du mahdi
Muqtada al-Sadr fait partie de la résistance, bien que les Américains
traitent cette même armée, forte de 100.000 hommes, comme une
force hostile.
Abou Muhammed, qui a fait ses études de médecine aux États-Unis,
a été professeur d’université à Bagdad à l’époque de
Saddam Hussein. Puisque ses présentes remarques ont déjà été
traduites à deux reprises, de l’arabe en espagnol, puis de
l’espagnol en anglais, il est plus indiqué, pour
l’information des lecteurs, de les paraphraser, plutôt que
d’y voir des citations exactes.
Les déclarations d’Abou Muhammed
Nous, qui faisons partie du Commandement suprême du djihad et de
la liberté en Irak, sommes des combattants de la résistance
contre l’occupation américaine. Nous voulons qu’il soit bien
entendu qu’il n’y a jamais eu de terroristes en Irak avant le
début de l’occupation. Il n’y avait aucune présence d’al-Qaïda
en Irak avant l’occupation américaine. Nous condamnons les
attentats d’al-Qaïda contre des civils.
Izat Ibrahim al-Duri, qui était général dans l’armée
irakienne et vice-président du dernier gouvernement irakien avant
l’invasion, et qui est actuellement secrétaire général du
Parti socialiste arabe baathiste en Irak, est le chef du
Commandement suprême des 22 groupes et partis nationalistes et
islamistes qui se sont réunis en un front.
En ce qui concerne le Parti socialiste arabe baathiste en Irak, il
n’était pas ni n’est un parti dictatorial. Nous croyons dans
le nationalisme. La situation actuelle en Irak, ces dernières décennies,
et les défis affrontés par le parti ont abouti à une
centralisation du parti sous Saddam Hussein. Depuis
l’occupation, le parti a évolué, passant du statut de parti au
pouvoir à celui de parti en résistance. Nous croyons dans le
pluralisme et dans une nouvelle vision démocratique.
Notre parti a commis des erreurs, dans le passé. Il y a eu du bon
et du mauvais, sous le gouvernement de Saddam Hussein. Le parti ne
s’est pas enfermé dans ses vieilles façons de faire. Nous ne
sommes plus un parti centralisé ni ne sommes une dictature. Après
la libération, nous continuerons à être pluralistes. Nous
participerons aux élections en compagnie des autres partis.
En ce qui concerne la tentative de division de l’Irak, la vérité
est que l’Irak vit pour l’instant sous une occupation et sous
les personnes qui soutiennent l’occupation. L’occupation et
ses partisans sont les partis qui entretiennent des milices composées
respectivement de sunnites, de chiites et de Kurdes. Ces partis
entretiennent des escadrons de la mort. Certains coopèrent avec
l’Iran. Nous, qui appartenons à la résistance, représentons
plus de 80 pour cent des Irakiens de toutes les parties de
l’Irak. Selon une étude récente réalisée par USA Today, la
majorité des Irakiens sont favorables à la résistance et
hostiles à l’occupation et ils sont également partisans d’un
Irak démocratique et pluraliste. Le système du parti unique est
révolu.
Nous, dans la résistance armée ou non armée, sommes la seule
voie vers l’indépendance et la stabilité de l’Irak. Nous
continuerons à résister jusqu’à la défaite des États-Unis
ou jusqu’au moment où les États-Unis accepteront de se
retirer. Nous n’accepterons de négocier que si les États-Unis
reconnaissent les droits des Irakiens. Sinon, nous continuerons de
résister.
Plus d’un million et demi d’Irakiens ont perdu la vie durant
la période des sanctions (1990-2003) et plus d’un million
d’autres ont été tués depuis l’invasion. Du côté américain,
les 3.700 tués dont il est fait état concernent uniquement les
marines. Ce chiffre n’inclut pas les mercenaires et il y a
autant de mercenaires en Irak que de militaires. Les mercenaires
participent davantage aux actions que les marines, entre autres,
à Falluja, Samarra et dans d’autres villes encore.
Le Pentagone a estimé qu’il y avait eu au total 54.000 actions
menées par la résistance contre les troupes américaines. Si
vous estimez qu’il y a eu au moins un mort toutes les deux
actions, cela représente quelque 27.000 morts. Ce nombre inclut
les troupes américaines et les mercenaires. Actuellement, la résistance
mène une moyenne de 177 opérations par jour.
La majorité des Irakiens dans le pays combattent ou soutiennent
les gens qui combattent. Il n’y a pas de montagnes ou de forêts
en Irak et nous ne recevons d’aide d’aucun pays voisin. Les
Irakiens ont surpris le monde par leur détermination à
poursuivre le combat malgré toutes les difficultés et les
destructions.
Message de la Résistance nationale irakienne à la population américaine
J’aimerais adresser un message de la résistance au peuple des
États-Unis.
Bush a humilié le peuple américain, avec son invasion et son
occupation de l’Irak. Il a également humilié l’armée américaine.
C’est une tache honteuse sur l’histoire des États-Unis que
d’occuper un pays qui vivait dans la paix et la stabilité et
qui s’était engagé dans la voie du développement.
Bush et son administration ont menti au peuple américain, ils lui
ont servi mensonge sur mensonge à propos des causes de
l’occupation de l’Irak et des événements qui ont eu lieu en
Irak même. Ils mentent également à propos du nombre de morts de
l’armée américaine.
En ce qui concerne les prétendues causes de la guerre, les États-Unis
ont d’abord objecté que Saddam Hussein dirigeait une dictature
et qu’il détenait des armes nucléaires et chimiques, ces
fameuses armes de destruction massive (ADM), et qu’il
entretenait également des relations avec al-Qaïda.
Aujourd’hui, les dirigeants américains ont fait marche arrière
à propos de cette affirmation. Ils ont reconnu que ces raisons étaient
non fondées et que personne ne pouvait prouver qu’il y ait eu
la moindre relation entre al-Qaïda et Saddam Hussein. Personne
n’a jamais découvert non plus d’ADM en Irak.
En effet, si l’administration Bush avait réellement cru que
l’Irak détenait des ADM, jamais elle n’aurait envahi
l’Irak.
Puisque l’invasion s’appuyait sur ces mensonges et que les
dirigeants américains savaient pertinemment qu’ils mentaient,
cela veut dire que le gouvernement américain est responsable de
toutes les conséquences de l’invasion et de l’occupation de
l’Irak. Ceci inclut l’existence d’al-Qaïda en Irak,
puisqu’il n’y avait pas d’organisation de ce genre en Irak
avant l’invasion et que personne en Irak n’avait jamais
entendu dire qu’al-Qaïda y eût été présent.
Cette invasion américaine a d’autres conséquences négatives :
l’ingérence de l’Iran en Irak ; les combats sectaires pour
pouvoir suivre l’agenda politique ; les milices et les escadrons
de la mort qui appartiennent aux partis qui coopèrent avec
l’occupation, et même au gouvernement. Tout cela se traduit par
la situation grave qui règne en Irak, sans parler de l’absence
de services tels les services sociaux, les soins de santé et
l’eau potable. Les massacres de personnes, les incarcérations
sans motif, le vol des richesses irakiennes, tout cela a été
provoqué par l’occupation de l’Irak et ce sont les États-Unis
qui en sont responsables.
La résistance a commencé à se développer dès les premiers
jours de l’occupation, s’intensifiant d’abord de jour en
jour jusqu’à prendre une ampleur quantitative et qualitative et
englober aujourd’hui tous les Irakiens des divers groupes
nationaux, religieux, sectes, Kurdes et Arabes, sunnites et
chiites, chrétiens, Turkmènes, etc., bref, tous les Irakiens.
Selon USA Today et CNN, 80 pour cent de l’ensemble de la
population irakienne soutient la résistance.
La résistance combat l’armée américaine et tue des soldats américains
en Irak, non parce que ce sont des hommes venant des États-Unis,
mais parce qu’ils sont les occupants de l’Irak.
Le programme de la résistance
La politique de la résistance consiste à libérer l’Irak. Après
cela, elle constituera un conseil temporaire à partir des divers
groupes et partis politiques qui ont rejeté l’occupation. Ceci
inclut tous ceux qui ont quitté le processus politique organisé
par l’occupation et qui sont désormais entrés en résistance.
Ce conseil temporaire sélectionnera un gouvernement de transition
qui gouvernera pendant deux ans. Il instaurera également une
constitution nationale. À ce moment, il promulguera une loi
permettant aux partis de présenter des candidats. Telle est la
nouvelle vision du Parti socialiste arabe baathiste et de la résistance.
Le projet et la stratégie de la résistance tendent à ce que les
États-Unis et leurs alliés reconnaissent les droits de l’Irak
et du peuple irakien. Ils comprennent :
• Une reconnaissance de la Résistance nationale irakienne en
tant que représentant militaire et politique du peuple irakien.
• Un retrait total et inconditionnel hors des frontières de
l’Irak.
• L’annulation de toutes les lois et structures qui ont été
adoptées sous l’occupation.
• La libération de tous les prisonniers enfermés par les États-Unis
et par le gouvernement.
• Le paiement de compensations à l’État et au peuple de
l’Irak.
• L’arrêt des intrusions dans les maisons et du harcèlement
des citoyens.
Si les droits des Irakiens sont reconnus et que les États-Unis
sont disposés à les respecter, les représentants de la Résistance
nationale irakienne sont, de leur côté, disposés à siéger
directement avec les États-Unis afin d’établir un plan de
retrait de l’armée américaine et de discuter de la mise en
place de bases à la frontière iranienne en vue d’empêcher une
invasion, puis de conclure un accord qui assurera de bonnes
relations avec tous les pays qu’ils soient voisins ou disséminés
à travers le monde.
Dans le cas contraire, la résistance se poursuivra durant des générations
entières, s’il le faut, et quelles que soient les pertes. Il ne
pourrait y avoir de stabilité en Irak, dans ce cas, tant que
l’armée américaine n’aura pas subi de défaite majeure.
L’administration américaine sait très bien ce que signifierait
une telle défaite et quelles en seraient les graves conséquences.
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